
Il était 17 h ce samedi quand Mr. Ismael, 50 ans, le mari de Awa, 39 ans, reçut le coup de fil tant espéré depuis quelques semaines. Il décrocha, écouta un instant, raccrocha et appela Maître Hubert, huissier de justice.
« Bonjour maître, c’est Ismael. Je crois que le poisson est dans le filet. On
vient tout juste de me l’apprendre. Dépêchez-vous ! Ils sont à Viva hôtel, un
petit établissement de passe dans la rue de la boulangerie située sur la grande
voie pavée », déclara Mr. Ismael, tout content. « Oui, oui, je connais là-bas
», dit l’huissier.
Mr. Ismael appela ses frères et sœurs, ainsi que le frère de sa femme, et leur
donna rendez-vous chez lui dans une heure environ. En moins de 30 mn, tout le
monde était là : Mr. Ismael, son jeune frère, l’huissier accompagné d’un
photographe et de deux policiers. Cette opération était prévue depuis que Mr.
Ismael soupçonnait son épouse Awa d’infidélité. Il n’avait peut-être pas tort car
ses soupçons étaient depuis une semaine renforcés par les découvertes de deux
détectives recrutés par ses soins pour espionner sa femme. À plusieurs
reprises, ils ont déjà rapporté qu’Awa était souvent accompagnée d’un homme
plus jeune et dont l’attitude ne laissait aucun doute sur la nature de leur
relation.
Awa était la première épouse de Mr. Ismael. Mais après quelques années de vie
commune et trois enfants, la routine s’était installée et malgré les efforts
d’Awa pour maintenir la flamme dans son couple, son mari décida de prendre une
deuxième épouse, comme l’autorise la religion musulmane.
Mr. Ismael prit donc une deuxième épouse, suivie d’une troisième 18 mois plus
tard. Il les installa dans des maisons différentes : il en avait les moyens.
Mais il passait le plus clair de son temps avec ses deux ravissantes femmes et
ne venait chez Awa que pour roupiller. La nature ayant horreur du vide, et
encore plus du vide affectif, Awa s’était trouvé un petit « pompier » pour
calmer ses envies encore vives.
Avec la
complicité des employés de l’hôtel, l’équipe constituée de deux policiers, du
mari, son neveu, de l’huissier et de son photographe accédèrent à la porte de
la chambre qui abritaient les ébats de la femme adultère. Awa resta un instant
tétanisée et les flashs du photographe crépitèrent, immortalisant des images. «
C’est dans la boîte ! », dit l’huissier. Il avait ce dont il avait besoin pour
que l’avocat d’Ismael prépare le dossier du divorce au tort exclusif d’Awa. Awa
tira le drap pour cacher son intimité, mais c’était déjà trop tard : les photos
étaient prises. Debout, le drap jusqu’au cou, Awa croisa le regard et le
sourire narquois de son mari, regard qu’elle soutint longtemps, très longtemps.
Au volant de sa Touareg, Awa conduisait
vite, presqu’imprudemment, manquant quelques fois de peu les autres voitures
qui la croisaient. Elle arriva enfin à la maison, mais il n’y avait pas de
place pour se garer, la devanture étant occupée par les voitures de ceux qui
sont convoqués par son mari pour les mettre au courant de son infidélité et
ainsi s’en laver les mains. Awa trouva finalement une place, gara sa voiture et
fit son entrée chez elle, puis dans le salon où visiblement, elle était
attendue par une dizaine de personnes.
« Bonsoir Mme, je suppose que vous comprendrez aisément qu’on ne vous souhaite
pas la bienvenue dans cette maison car vous ne l’êtes plus. Alors, voulez-vous qu’on
vous aide ou vous allez le faire toute seule ? Je veux parler de la sortie de
vos bagages au cas où vous ne m’auriez pas compris », dit le grand frère
d’Ismael. « Non, non, j’ai parfaitement compris votre allusion », dit Awa. « En
revanche, ce que je comprends moins, c’est votre présence chez moi et surtout,
le fait que vous parliez de quelque chose qui ne vous regarde pas avec un ton
aussi arrogant, alors que l’intéressé même est là. Ismael, tu veux divorcer,
c’est ça ? ». « Oui, je veux divorcer ! Et la procédure commencera dès lundi.
Mais en attendant, tu ne peux plus continuer à vivre dans cette maison », fit
Ismael avec force.
«Ha-ha-ha ! Tu prends tes désirs pour des ordres, ma parole ! Tu entends sans
doute des gens dire : « Je veux divorcer ! », et ça t’a plu aussi. Si tu crois
que ce qui s’est passé ce soir peut être un motif de divorce à lui tout seul,
tu vas déchanter très vite », dit Awa, imperturbable. La famille d’Ismaël était
très étonnée du ton de la future ex-épouse, visiblement en attaque alors
qu’elle était attendue sur la défensive.
« Je t’ai permis d’avoir la nationalité française et je t’ai remis beaucoup
d’argent pour que tu sortes de la galère. Et dès que ça a marché, qu’est-ce que
tu as fait ? ». « Primo, tu as enceinté la bonne et elle t’a fait un enfant.
Enfant que tu as finalement reconnu, qui porte ton nom et dont je continue de
supporter les charges. Et c’est toi qui veux le divorce ? ». Il y eu quelques
soupirs, puis elle continue : « Secundo, tu as pris deux autres épouses,
devenant ainsi polygame, ce qui est contraire à la loi française sous laquelle
nous sommes mariés, et tu m’as littéralement abandonnée. Pour moi, nous sommes
déjà divorcés » Il y eu de grands soupirs et quelques têtes se baissèrent, puis
elle continue : « Tercio, tu as harcelé ma sœur jusqu’à la limite du viol dans
ce même salon. C’est récemment qu’elle s’est confessée à moi parce qu’elle ne
voulait pas que mon foyer parte en fumée à cause d’elle. Elle ignorait sans
doute qu’il n’y avait plus de foyer, et j’espère qu’elle ne me cache pas le
pire ». Puis regardant l’assistance, elle dit : « Est-ce que tes clowns de
frères et sœurs ici présents savent que ça fait bientôt deux ans que tu ne m’as
pas touchée ? ».
A ces mots, trois des personnes convoquées par le mari se levèrent pour aller
aux toilettes. Mais ça ressemblait plus à un au revoir qu’à autre chose. Awa
parlait toujours
« Avec tout ca, tu oses me faire un procès familial ? Tu oses demander le
divorce ? Tu peux d’ores et déjà être sûr que tu n’y laisseras que des plumes !
Avec les preuves que j’ai, contre les photos que tu as, n’importe quel tribunal
prononcera le divorce à tes torts exclusifs. Je n’aurai même pas besoin
d’avocat pour ma défense. N’oublie pas que je suis juriste de formation. C’est
quand même bizarre de voir à quel point tu deviens vertueux quand tu parles des
autres, alors que tu es une pourriture de la pire espèce ». Puis ; regardant ce
qui reste de l’assistance, elle demande : « Il y en a qui veut encore parler
parmi vous qui n’avez pas eu le courage de vous lever et sortir ?». Aucune voix
ne se fit entendre. Même le grand frère arrogant et sûr de lui n’osait plus
parler.
Alors, elle monta prendre une douche. Quand elle descendit, tout le monde était
parti sauf Ismael, plongé dans un semi sommeil. Awa mangea seule, les enfants
étaient en week-end chez leur grand-mère. Elle remonta se coucher après avoir
regardé la télé et sans prêter attention à son mari. A 2 h du matin, Ismael
alla frapper à la porte de sa femme qui ouvrit après quelques instants et
découvrit son mari à genoux et en pleurs. « Pardon Awa, c’est la famille. C’est
eux qui m’ont induit en erreur, c’est eux qui voulaient que je prenne d’autres
femmes pour te prouver ma virilité. Je t’assure que des paramètres m’ont échappé
et je vois le désastre qu’est devenue ma vie. Pardon, pardon, mille fois pardon
! ». « Tu ne veux plus divorcer alors ? », fit Awa ironiquement. « Divorcer,
moi ? Je te jure que je n’ai jamais voulu ça, c’est eux ! ». « Ça va, c’est
bon, viens te coucher ».
Le mariage est la seule guerre où l’on dort avec son ennemi. Ce soir, cette
phrase prend tout son sens. Dans un divorce, les enjeux sont parfois colossaux.
On a souvent beaucoup plus à perdre qu’à gagner, et Mr. Ismael vient de
l’apprendre à ses dépens. Faites des choix de vie et assumez-les sans
influences extérieures. Affranchissez-vous de la famille et des amis pour
régler vos problèmes de couple. Dans bien des cas, la famille ou les amis vous
diviseront davantage que vous ne l’êtes déjà.
Alors, dialoguez ! Forcez la communication avant de déclarer la guerre à quelqu’un,
assurez-vous d’avoir au moins la force nécessaire de perdre avec dignité, à
défaut de gagner.
Bamba Toure
