Phénomène courant dans nos sociétés, la maladie mentale affecte de nombreuses personnes. Rolaine Zongo, est l’une d’entre elles. Jeune fille promue à un bel avenir, elle a sombré dans la dépression après son échec au baccalauréat en 2006. Il a fallu des soins en psychiatrie, l’amour et le soutien de ses proches pour qu’elle retrouve la santé. Aujourd’hui, titulaire d’une licence en communication et marketing, elle relate son parcours à la limite incroyable.
Quand je regarde ce film, je me vois dans ce film. J’ai passé trois mois en services psychiatriques à Yalgado avec le docteur Ouédraogo. Je pense que ce sont mes proches qui ont vécu la chose parce que, moi, j’étais abandonnée aux soins des autres. Il fallait des médicaments, des soins… Mais, c’est l’après-maladie qui nous emmène à prendre conscience qu’on est devenu une autre personne. On est stigmatisé, marginalisé, étiqueté.
Je suis une demoiselle. Lorsque quelqu’un décide de me faire la cour, on lui dit : » c’est avec celle-là tu traînes ? ». Ma maladie m’a vraiment amenée à être en retard aussi bien sur le plan scolaire, universitaire et professionnel.
J’ai été internée de décembre 2006 à février 2007.
J’ai fait ma dépression en 2006 quand j’ai échoué au BAC. J’ai été internée de décembre 2006 à février 2007. J’avais 18 ans. Donc, si je n’étais passée par là, je crois qu’à l’heure actuelle, j’étais très loin. Je ne me jette pas les fleurs, mais j’étais quand même très intelligente à l’école.
C’est neuf ans après que j’ai eu ce fameux BAC avec ma petite sœur qui faisait CP1 à l’époque. J’y tenais sinon il y a eu des solutions palliatives. Dès la rentrée 2007-2008, j’ai repris le chemin de l’école sauf que j’ai désisté pendant la composition et la rentrée académique qui a suivi, on m’a inscrite à l’école nationale de santé publique pour une formation de sage-femme, deux ans après la psychiatrie.
Je me retrouve avec un BAC +3, avec une licence en communication et marketing, ce n’est pas mal, mais j’aurais aimé avoir plus.
Il n’y a pas lieu d’avoir honte
Je ne sais pas si je peux dire aux personnes qui sont dans la même situation que moi ou qui ont vécu ce que j’ai vécu, il n’y a pas lieu d’avoir honte. Ceux qui devraient avoir honte, c’est ceux qui nous stigmatisent, qui nous étiquettent. Nous sommes des héroïnes, des héros, des personnes spéciales parce que dans le langage courant, on dit fou (ce sont les spécialistes qui disent malade mental), le fou dit haut et fort ce que pense et dit tout bas, le commun des mortels.
J’ai eu un copain médecin militaire qui, pour se foutre de moi disait « le cap psychiatrique ». Mais, c’est un peu plus classe. Nous sommes spécifiques, nous sommes spéciales, nous sommes forts. Nous n’avons pas à avoir honte de ce que les gens pensent.
Lire aussi : L’Association « Sœurs pour Sœurs s’engage contre la stigmatisation des malades mentaux
Si je ne dis pas à quelqu’un ce que j’ai vécu, il ne peut pas le savoir. Je crois que c’est plutôt le regard des autres qui nous met encore dans le statut de malade. J’ai eu la chance d’être accompagnée, ma famille m’a beaucoup soutenue. J’ai reçu beaucoup d’amour que les autres n’ont pas. Ceux qu’on croise dans la rue, ce sont ces personnes qui ont été abandonnées sinon, nous les malades mentaux, nous sommes comme les autres malades. Nous-mêmes, nous valons encore mieux.
Lorsque quelqu’un te dit : J’ai le VIH-SIDA » par exemple, on voit plutôt une personne qui a eu une vie sexuelle désordonnée. C’est plus intéressant de dire « je suis folle » que, j’ai le VIH.
On n’a pas à se cacher, on n’a pas à avoir honte. Quand on me stigmatise et qu’on m’insulte, moi, je suis folle et fière.
Françoise Tougry