Depuis 2013, elle fait son petit bonhomme de chemin sur les écrans de la Télévision nationale du Burkina. Journaliste par hasard certes, mais non moins talentueuse, Nathalie Kaoré est une femme déterminée qui va toujours de l’avant et ne recule pas devant les difficultés. Elle s’évertue toujours à relever les défis auxquels, elle fait face. Dans cet entretien, elle se dévoile à nos lectrices et lecteurs.
Qui est Nathalie Kaoré ?
Je suis originaire de Kouritenga. Après mon secondaire, je me suis retrouvée à Ouagadougou, orientée en faculté d’anglais. Deux ans après, j’ai été admise au Centre de Formation professionnelle de l’Information (CFPI) d’où je suis sortie journaliste. J’ai commencé ma carrière à la Radio nationale avant de me retrouver à la télévision après un retour à l’école pour le cycle A.
Au niveau de la Radio, j’ai été précisément au service des programme comme animatrice, souvent à la matinale de 5h30-9h, souvent au cours de la journée entre 12h-15h. J’animais également une émission de santé dénommée « Santé pour tous », actuellement animée par ma sœur Alima Yougbo.
Tu es un produit du l’ISTIC ex CFPI. Alors, quel souvenir gardes-tu de cette école ?
Je retiens qu’à l’époque, le programme était vraiment chargé. Tous les jours, on avait cours de 8h à 15H et de 15h à 19h du lundi au vendredi. Même le samedi, on avait cours avec des professeurs très rigoureux à l’époque. Le nom qui me revient quand je parle de rigueur, c’est monsieur Noël Da. Je comprends aujourd’hui que c’était pour que nous sortions avec une bonne formation en tant que professionnels de l’information et de la communication. En plus de cela, les conditions n’étaient pas réunies. Quand je vois l’ISTIC à présent par rapport à ce qu’était le CFPI dans les années 2002-2004, c’est le jour et la nuit comme on le dit. On n’avait même pas de bonnes toilettes et c’était un peu compliqué pour nous les femmes. En dehors de ça, les salles de classe n’étaient pas adaptées.
Mais côté encadrement, on avait de très bons encadreurs au point de trouver certains trop rigoureux.
Peut-on dire que Nathalie Kaoré a le journalisme dans le sang ?
Non! Ce serait assez prétentieux de le dire. Quand je passais le concours, je ne savais même pas que c’était pour devenir journaliste. Le concours était intitulé agent de maîtrise de programme à l’époque pour le niveau 2 et moi, j’ai tout de suite pensé à quelque chose en lien avec l’informatique, la programmation au niveau de l’informatique. C’est quand je suis venue à Ouaga pour les phases orales que je me suis rendue compte que c’était le journalisme. Alors, je me suis jetée à l’eau. J’avais postulé à cinq concours et c’est là, où la chance m’a souri. Donc, je ne peux pas dire que j’ai le journalisme dans le sang.
J’ai essayé de m’appliquer par rapport aux connaissances acquises aux niveau de l’ISTIC et c’est peut-être ça, qui a fait que j’ai remporté des prix quand j’étais à la Radio.
Mais, depuis 2013 que je suis à la télé, c’est une seule fois, j’ai remporté un prix. C’était lors du prix de la meilleure journaliste, j’ai été deuxième. Depuis ça, on tente. Mais, à l’arrivée, c’est une autre réalité. Je ne dis pas qu’à la Radio c’est plus facile mais, les conditions permettent de travailler plus et de perfectionner le produit final, pouvoir aller postuler pour mériter un prix.
Présenter le journal de 20h et savoir qu’on est suivi par des milliers de personnes, quel sentiment cela suscite en toi ?
C’est en même temps un défi et une fierté à chaque fois que je sais que je suis à cinq minutes du journal. Je dis un défi parce que je me fais l’obligation de réussir. Quand tu réussis, il n’y a pas de problème. Mais, à la moindre erreur, surtout avec l’internet maintenant, on récupère au passage et on amplifie la polémique sans voir les 90% du journal qui se sont bien passés. Donc, c’est un défi, à chaque fois, pour moi. Tout peut arriver. Tu peux bien écrire ton texte mais, à la dernière minute, quelque chose peut lâcher. Donc, il y a ce trac qui nous anime. Mais dès qu’on lance le premier reportage, on essaie de faire passer ça. Quand je dis aussi que c’est un sentiment de fierté, je me dis que c’est une responsabilité qu’on me confie et on ne la confie pas à n’importe qui. Peut-être qu’il y a des gens qui peuvent mieux rendre que moi, mais si on me l’a confiée, je ne peux qu’être fière de servir le Burkina, de donner les informations du pays, surtout qu’on est sur le satellite et que nous sommes suivis de partout.
La femme burkinabè doit être soumise et se mettre toujours à l’arrière-plan même si elle ne l’est pas
Être femme au Burkina, c’est quoi pour toi ?
C’est être ce que la société veut que la femme soit, quel que soit son niveau d’étude. Quelles que soient ses compétences, la femme burkinabè est celle qui doit être soumise et se mettre toujours à l’arrière-plan même si elle ne l’est pas. C’est ça, la femme burkinabè. On ne lui donne pas l’occasion de montrer ceux dont elle est capable. C’est vrai qu’elle peut se créer des opportunités mais, ce n’est pas aussi facile.
Quelque soit ce que tu fais, les gens vont trouver quelque chose à dire.
Cela peut-il changer un jour ?
Ça va m’étonner parce que même quand on parle des campagnes électorales, ce sont les mêmes promesses. On a tellement parlé de quota-genre, de parité et même qu’avec cette nouvelle transition, juste avant la mise en place du gouvernement, des femmes sont sorties pour demander une parité, de respecter le quota-genre d’au moins 30%. Mais, quand le gouvernement est tombé, j’imagine la déception de ces femmes. Les dirigeants n’avaient même pas besoin de cette sortie de femmes pour le faire. C’est une question de volonté, c’est tout.
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Les femmes journalistes sont souvent victimes de préjugés. Est-ce que Nathalie a déjà été victime de propos blessants ?
Directement, non ! Mais, avec les réseaux sociaux, oui! Je ne vois pas une situation dans laquelle une personne m’a croisée vis-à-vis pour me tenir des propos injurieux. Mais à travers les réseaux sociaux, c’est notre quotidien. Au début, ça nous décourageait. Mais aujourd’hui, personnellement, excusez-moi de l’expression, mais « le chien aboie, la caravane passe ». Je me concentre sur l’essentiel parce que, quelque soit ce que tu fais, les gens vont trouver quelque chose à dire.
T’est-il arrivée de vouloir céder au découragement face aux difficultés du métier ?
Justement ! Je suis allée une fois dire à mon chef que je vais arrêter la présentation du journal. C’est l’actuel ministre monsieur Jean Emmanuel Ouédraogo qui était mon rédacteur en chef. Il m’a dit: pas question! C’était non seulement à cause de ce problème d’habillement qui me coûte cher, mais aussi et souvent, à cause des propos blessants.
Le problème n’est même pas les hommes. L’ennemi de la femme, c’est la femme parce que les propos déplacés, ce qu’on entend de dehors vient chaque fois de la femme, en tout cas, me concernant. Souvent, vous êtes dans la même boîte. Elle est là, elle cause et rit avec toi et après, te dénigre dès que tu tournes le dos. Donc, quand c’est comme ça, mieux vaut quitter les projecteurs pour être dans ton coin comme on le dit. Là ni vu, ni connu. Tu fais ton travail. Mais, je suis là pour le moment.
Es-tu toujours dans la dynamique d’abandon ?
J’ai décidé d’aller de l’avant parce qu’à force d’entendre tout ce qui se dit de négatif, je me suis dite que si je dois comparer ou mettre sur la balance tout ce qui se dit, il y a plus des gens qui m’apprécient. Ces personnes représentent plus de 90%. J’ai donc décidé, de rester à cause de ces personnes. Mais, si un jour le personnel est étouffé, naturellement, il faut qu’on cède la place à d’autres personnes parce que mine de rien, cela fait déjà 2013 que je suis à l’écran. Au 20h, c’est depuis 2015.
Maintenant que tu as décidé d’aller de l’avant, quelles sont tes ambitions ?
C’est m’affirmer davantage parce qu’on vient de me coller l’émission « Sur la brèche » qui était animée par le directeur, maintenant à la tête du ministère de la communication. C’est ce que les femmes journalistes ont très souvent réclamé. Il faut de plus en plus, confier les émissions de ce genre à des femmes pour qu’elles puissent montrer de quoi, elles sont capables. Ne pas chaque fois les laisser avec des sujets légers comme on le dit sur les femmes et les enfants. Donc, on m’a confiée cette émission et je dois relever le défi . En termes de perspectives, je pense à créer une entreprise, pourquoi pas un jour, quelque chose comme Queen Mafa ou bien venir soutenir ma promotionnaire Sophie à Queen Mafa ? (Rires).
Si Nathalie était….
– Une couleur ?
Le vert.
– Un met local ?
Le tô.
– Un objet ?
Mon chapelet.
- Une boisson ?
Comme je viens de Koupéla, j’aime bien le dolo local mais, à Ouagadougou, je ne bois pas le dolo.
– Une autre femme ?
Si je dois me réinventer, soit juge ou avocate. Quand je les vois dans leurs toges, défendre des causes nobles et s’affirmer, ça me donne envie. Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas fait ça.
- Un homme ?
Malheureusement, il n’est plus mais je vais dire mon père. Il s’appelait Joseph Kaoré, un homme droit qui a fait de nous ce que nous sommes. Je le dis au passage, je suis d’une famille de 13 enfants avec une seule femme. Avec les conditions difficiles, il a su quand-même nous mettre à l’école. Malheureusement, il n’est plus là pour nous voir et profiter de ce que nous sommes devenus, grâce à lui.
Entretien réalisé par Françoise Tougry