Des jeunes filles pratiquent l’avortement clandestin et leur état se complique ou souvent, mort s’en suit. Soucieux de ce phénomène, Médecins du Monde (MdM) a organisé une projection de film documentaire au profit des adolescent.es et jeunes scolaires de la ville de Ouagadougou. Le jeudi 13 octobre dernier au centre d’écoute pour jeunes de Paspanga, ils étaient une cinquantaine à y a prendre part.
Le documentaire de Grégoire Couvert vise à apporter la lumière sur les conséquences liées à la pratique de l’avortement clandestin. La vidéo de 53 minutes retrace les situations d’avortement vécues par des adolescent.es en Côte d’Ivoire et dont les réalités sont presque les mêmes qu’au Burkina Faso.
Il ressort de ce documentaire que les populations ne se rendent pas dans les centres de santé pour avoir la bonne information. Elles se contentent des informations reçues par les camarades ou des proches, se disant spécialistes.
Considérées comme personnes ressources, ces dernières arrivent à les convaincre qu’elles sont à mesure de les aider à pouvoir se débarrasser des grossesses avec des potions à boire ou des comprimés à avaler. Et ce, moyennant une certaine somme.
Elles ne se rendent dans les centres de santé que lorsqu’elles sont entre la vie et la mort ou pour la prise en charge des soins post-avortement dont les hémorragies intenses ou le curetage (nettoyage l’utérus).
D’autres filles n’ont su qu’elles étaient enceintes qu’à une période avancée de la grossesse. Elles ignoraient tout de la santé sexuelle et reproductive, étant étrangères à leurs propres corps. Les victimes ont aussi relevé la fuite de responsabilité des auteurs de grossesses. Se sentant seules et abandonnées, elles n’avaient d’autre choix selon elles que d’avorter, quitte à y laisser la vie.
Médecins du Monde crée des espaces de dialogue et de sensibilisation autour du cadre légal et de l’environnement sanitaire afin de permettre aux femmes et aux filles de faire des choix libres, autonomes et sécurisés pour gérer leurs grossesses conformément à la règlementation en vigueur.
Pour bénéficier de l’interruption sécurisée des grossesses au Burkina Faso, il faut auparavant connaître les textes juridiques et remplir les conditions de prise en charge. Il s’agit du viol, l’inceste, les malformations du fœtus et lorsque la vie de la mère est en danger.
En cas de viol et d’inceste, si la matérialité de la grossesse est établie par le Ministère Public, la femme enceinte peut demander à un médecin dans les quatorze premières semaines, l’interruption de la grossesse.
Selon Simon Yaméogo, responsable du centre d’écoute pour jeunes de Paspanga, l’appât du gain facile pousse de nombreuses filles à tomber dans le piège des grossesses non désirées. Ces dernières acceptent les rapports sexuels non protégés pour pouvoir gagner en retour une « cagnotte intéressante » au point de risquer leur vie ou de compromettre leur chance de concevoir plus tard, en pratiquant l’avortement clandestin en cas de grossesse non désirée.
Celles qui exigent les préservatifs lors des rapports sexuels en gagnent moins.
Dans les témoignages, une jeune fille a déclaré qu’elle préfère mourir par l’avortement que de mettre un enfant au monde parce qu’elle est pauvre. Est-ce que beaucoup de personnes ne raisonnent pas ainsi ?
A cette question, Simon Yaméogo explique que la pauvreté est un prétexte et qu’il faut aller au-delà de cet argument parce que, lorsque le problème se présente, la seule décision qu’elles prennent, c’est la solution de tout de suite et maintenant sans réfléchir aux conséquences à long terme.
La projection met également à nu, la complicité parents-enfants dans l’avortement clandestin. En effet, ils aident leurs filles à se débarrasser de la grossesse afin qu’elles puissent reprendre leurs activités. A en croire Simon Yaméogo, la solution repose sur les méthodes contraceptives.
Les participant.es ont exprimé leur inquiétude quant au manque de dialogue entre les parents et leurs enfants sur la sexualité, un sujet tabou au sein de nombreuses familles. Les questions que se posent ces adolescent.es et jeunes trouvent souvent réponses hors du cadre familial parce que les parents ne se sentent pas à l’aise pour en parler jusqu’à ce qu’ils se retrouvent devant les faits.
« Nous vous invitons à essayer d’aborder le sujet avec vos parents parce qu’ils ont peur. Peut-être que cela va leur donner du courage à faire une ouverture et ce sera le début de la confiance entre vous dans le domaine de la sexualité. C’est un peu comme ça qu’on pourra au fil du temps, arriver à déconstruire ces tabous », a-t-il expliqué.
Cette activité est le fruit d’un partenariat entre l’Association burkinabè pour le Bien-être familial (ABBEF) sous l’égide du Mouvement d’Actions des Jeunes et Médecins du Monde. Elle entre dans le cadre de la commémoration en différé, de la journée mondiale sur le droit à l’avortement.
Françoise Tougry