Étudiante en licence 2 de Lettres modernes à l’université Joseph Ki-Zerbo, Anne Kaboré, 22 ans, jongle entre les amphithéâtres et les rues de Ouagadougou depuis plus d’un an. Une double vie qu’elle a choisie, non pas par passion, mais par nécessité.
« Il arrive souvent qu’on reste des mois sans cours au campus », explique Anne. Face à ces longues périodes d’inactivité, elle refuse de rester les bras croisés. « On a besoin d’argent, on ne peut pas rester à la maison à ne rien faire », ajoute-t-elle. C’est ainsi que commence son aventure dans le monde de la livraison.
Employée dans une parfumerie, Anne observe les va-et-vient des livreurs. Quand ils sont absents, elle se propose, avec une amie, de livrer les colis aux clients. De fil en aiguille, l’idée d’en faire une activité régulière fait son chemin. C’est ainsi qu’elle lance son service de livraison, baptisé Anna’s Livraison. « Je me suis dit, pourquoi ne pas essayer ce métier ? En plus, avec les horaires flexibles de la fac, je pouvais m’organiser », souligne-t-elle.
Voilà maintenant plus d’un an qu’Anne sillonne les rues de la capitale, livrant parfums et petits colis à moto. Le nombre de courses varie d’un jour à l’autre, tout comme les revenus. « Il y a des jours où tu ne gagnes rien, et d’autres où tu as du mal à finir les livraisons », avoue Anne. Elle travaille de façon autonome. Mais, en fonction du nombre et de la taille des colis, elle se fait souvent aider par des collègues livreurs.
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Si maintenant qu’elle affirme son choix, c’est parce qu’elle n’a pas été encouragée dans cette voie dès ses débuts. « Si j’avais écouté certains conseils, je n’aurais jamais commencé. Le métier de livreur, encore plus pour une femme, est souvent vu d’un mauvais œil. Certains clients te draguent ouvertement. D’autres te dénigrent », ajoute-t-elle.
Entre fatigue, pannes de moto, attentes interminables sous le soleil ou sous la pluie, et parfois des clients injoignables, les obstacles ne manquent pas.
« C’est un métier à risques, autant pour les hommes que pour les femmes », explique la jeune entrepreneure. Malgré tout, Anne fonce, convaincue de faire ce qu’il faut pour construire son avenir.
Le métier lui permet de mieux connaître la capitale et ses différents quartiers, mais aussi la vie, la société et ce que les gens endurent au quotidien pour nourrir leurs familles.
« Ce métier me permet de grandir, de me responsabiliser et d’être mentalement prête à affronter la vie et ses problèmes. Il me permet surtout de subvenir à mes besoins, sans toujours attendre l’aide de quelqu’un », rassure Anne.
Aujourd’hui, elle travaille à son propre compte. Une responsabilité qu’elle gère avec maturité, tout en poursuivant ses études.
Seyni Yameogo