Imaginez un monde où plus aucune femme ne perd la vie à cause du cancer du col de l’utérus. En cette journée mondiale de lutte contre le cancer, nous voulons rappeler que c’est un rêve qui peut devenir réalité. Aujourd’hui, le cancer du col de l’utérus tue une femme toutes les deux minutes à travers le monde. Dans les pays à faibles revenus, une femme a dix fois plus de risque de mourir de ce cancer qu’en Europe. C’est bien trop pour une maladie totalement évitable.
Au cœur de l’action avec Médecins du Monde, nous savons que cette bataille peut être gagnée. Les résultats sur les terrains où nous avons mis en place des projets de réduction du taux de maladie et de décès liée au cancer du col de l’utérus (CCU) le montrent. Et nous ne sommes pas les seuls à y croire, puisque l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) s’est fixé l’objectif ambitieux d’éliminer ce cancer d’ici 2030.
Les actions nécessaires sont claires et réalisables :
- Vacciner 90 % des filles de moins de 15 ans contre le HPV.
- Dépister 70 % des femmes au moins une fois avant leurs 35 ans, et une deuxième fois avant leurs 45 ans
- Traiter 90 % des femmes diagnostiquées avec des lésions ou un cancer précoce.
Ces trois priorités formeront à coup sûr un cercle vertueux. À la clef : moins de cas de cancer, moins de décès et une génération de filles protégées.
Depuis 2018, les équipes de Médecins du Monde se mobilisent auprès de publics en situation de précarité et éloignés des services de santé pour faire de la prévention et du dépistage, en complémentarité des structures de santé locales. Ensemble, nous menons différents projets visant à améliorer la prise en charge du CCU. Et les résultats sont déjà visibles ! Ainsi au Burkina Faso, de mai 2019 à décembre 2024, Médecins du Monde a contribué au dépistage de 25 866 femmes avec près de 500 femmes protégées par un traitement précoce de lésions précancéreuses. En Côte d’Ivoire, de 2021 à décembre 2024, ce sont 13 041 femmes qui ont pu avoir accès au dépistage du Papillomavirus (HPV) tandis que près de 500 femmes ont bénéficié de traitement de lésions précancéreuses.
Il faut aussi souligner que cela a été rendu possible grâce à des volontés politiques de faire changer les choses. Notamment en intégrant dans les directives, normes et protocoles de lutte en vigueur dans les pays, les innovations et recommandations proposées par Médecins du Monde. Nous sommes parmi les premiers à avoir développé la technique de l’auto-prélèvement. Cette approche de dépistage, organisée directement par des membres des communautés, consiste à prélever des échantillons soi- même directement à son domicile. L’auto-prélèvement élargit ainsi l’accès au dépistage du HPV à un plus grand nombre de femmes. Il garantit un accès équitable, tout en réduisant les inégalités entre celles qui fréquentent régulièrement les centres de santé et celles qui n’y vont jamais. L’introduction dans plusieurs pays d’Afrique, notamment le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, de la vaccination contre le HPV et l’intégration de la prévention et la prise en charge du CCU dans les plans nationaux de lutte contre le VIH, ont également constitué des étapes très importantes.
Malgré ces avancées, des inégalités criantes persistent et ralentissent la lutte, notamment la baisse des financements. Vacciner une jeune fille contre le HPV coûte moins de 5 euros, 3280 FCFA, et pourtant, dans de nombreux pays, ce coût reste un obstacle insurmontable. Il est inadmissible que des millions de jeunes filles soient privées de la protection qu’elles méritent pour des questions financières.
Certains pays, à l’instar du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Togo, de la Tanzanie, du Sénégal ou encore du Nigéria, ont pu intégrer des politiques de gratuité de la vaccination des filles de 09 à 14 ans comme le recommande l’OMS, c’est une victoire et une avancée majeure dans la lutte contre le cancer du col de l’utérus qui doit pouvoir se généraliser.
A l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le cancer, nous tenons à rappeler les engagements du Fonds Mondial pour la prévention du Cancer du Col de l’Utérus par l’intégration du dépistage et du traitement précoce du virus du papillome humain (VPH) dans les programmes sur le VIH. Nous demandons par ailleurs aux autorités sanitaires et financières ainsi qu’aux bailleurs de fonds de les intégrer aux recommandations sanitaires des pays. Les États ont également une responsabilité à tenir : ils doivent mener des arbitrages budgétaires adéquats et équitables pour la santé des femmes conformément aux recommandations sur la santé mondiale mais aussi aux accords régionaux et internationaux, notamment la Charte Africaine des Droits de l’homme et des peuples et le Protocole de Maputo.
Toutes les femmes, peu importe où elles vivent, méritent les mêmes chances de vivre en bonne santé, sans crainte d’un cancer évitable. Nous avons les outils, nous avons les exemples de réussite. Si nous mobilisons des ressources adéquates et travaillons ensemble, nous pouvons atteindre l’objectif de l’OMS. La lutte contre le cancer du col de l’utérus n’est pas un rêve irréalisable. Elle est une promesse que nous devons tenir – pour nos mères, nos sœurs, nos filles.