Malgré la richesse et la diversité de la culture burkinabè, les médias locaux peinent à refléter cette vitalité. C’est du moins le point de vue de Baba Hama, journaliste à la retraite et ancien ministre de la Culture du Burkina Faso. Au cours d’un atelier de renforcement des capacités, l’éminent journaliste culturel qu’il fut, a examiné avec les participant.e.s, le comportement des professionnels des médias et proposer des stratégies pour améliorer le professionnalisme dans le traitement de l’information.
Les journalistes culturels animent les rubriques de cinéma, théâtre, danse, littérature, musique, et tourisme dans les médias. Souvent, ce sont des passionnés de culture. Cependant, cette passion, bien que précieuse, est fragile et insuffisante face aux défis actuels de la presse. Baba Hama, lors de son exposé du 30 juillet 2024, a souligné ce manque de passion dans la presse actuelle, un constat peu reluisant.
Lors d’une édition de la Semaine Nationale de la Culture (SNC), les écrivains ont déploré le manque d’émissions littéraires et culturelles. Des émissions marquantes comme « Koumakan » et « Ça tourne » sont désormais oubliées. Baba Hama a également mentionné sa proposition, lorsqu’il était au FESPACO, de diffuser un film africain chaque mercredi soir, une idée qui n’a pas été retenue par la télévision nationale mais relancée par la RTI.
Pour Baba Hama, il n’y a pas de vieux films, car beaucoup d’enfants n’ont pas encore vu des classiques comme « Yaaba », « Tilaï », « La femme au couteau », ou « Le mandat ». Même un vieux film mérite d’être revu pour mieux le comprendre, car une œuvre d’art peut être appréciée plusieurs fois.
Malgré ces défis, le secteur de la musique semble échapper à cette morosité, tant sur les antennes des médias publics que privés. L’homme de Culture apprécie l’initiative de Boureima Djiga, journaliste culturel, qui a sélectionné et compilé sur un CD, 100 chansons burkinabè de l’indépendance à nos jours, et distribué gratuitement aux radios locales. Un patrimoine qui doit être utilisé par les animateurs de radio selon Baba Hama qui insiste tout de même sur l’importance d’une bonne programmation musicale pour éviter la monotonie et améliorer la promotion de la musique.
Savoir saisir les opportunités
Dans ses analyses, Baba Hama n’a pas occulté le secteur du tourisme, souvent considéré comme le parent pauvre dans les médias burkinabè. En dehors de la période du Salon international du Tourisme de Ouagadougou (SITO) ou des colonies de vacances, les médias se contentent de couvrir quelques événements ponctuels et des inaugurations d’infrastructures.
« Pourtant, tout reportage à l’intérieur du pays sur un séminaire, un atelier ou toute autre manifestation peut et doit donner lieu à des articles de choses vues ou à des encadrés sur les localités qui ont abrité ces événements. Et pourquoi pas, un carnet de voyages ? », s’est-il interrogé, déclenchant des applaudissements nourris.
Baba Hama a également mis l’accent sur les opportunités que certains journalistes ne savent pas saisir lorsqu’ils sont en mission ou en voyage dans une localité. Par exemple, pour un ordre de mission de 72 heures à Koudougou, les marchés, l’université, les bosquets, la gare routière, la plus belle ou la plus grande rue, etc. sont des sujets qui peuvent être exploités.
« Ça, c’est un travail journalistique qui ne demande même pas un budget supplémentaire. Est-ce que vous le faites ? Non. Vous revenez avec juste le séminaire. Pour un journal papier, on a la possibilité de faire un encadré par exemple sur la maison de Maurice Yaméogo, l’ancienne résidence du premier président de la Haute-Volta », a-t-il conseillé. « Le chef de mission, c’est le journaliste même s’il a 16 ans. Il lui revient de dérouler la feuille de route. Les collaborateurs techniques l’accompagnent. Il faut tout simplement s’organiser », a-t-il exhorté.
Monde la culture et des médias, un duo inséparable
Les journalistes en voyage, peuvent par exemple placer tout simplement leur caméra sur le capot du véhicule et capter les images des différents endroits où ils passent. « Bien montée en capsule d’à peine 2 minutes 50, sans commentaire et diffusée avant le journal de 20h, ces images permettent de voyager à travers le petit écran et d’avoir des repères géographiques, historiques et culturels du pays », a-t-il précisé.
Le formateur a aussi déploré le fait que la RTB ait arrêté la diffusion d’une bonne bande qui disait : -Burkina Faso, la destination à ne pas manquer ! Avec ces attitude, « Je crois qu’on est en train de manquer la destination », a-t-il lancé avec ironie. Et d’ajouter : « C’était bien. Je ne sais pas pourquoi, on a laissé tomber. Je résume tout ça, à un manque de volonté politique et d’engagement ».
Pour pallier ces insuffisances, il faut selon lui, des critiques d’arts pour décrypter les contenus et les rendre accessibles au public afin qu’il puisse comprendre et apprécier.
La synergie d’actions entre la culture et les médias est impérative pour créer des habitudes de consommation de biens et produits culturels. « Plus que de l’information factuelle, ce que les acteurs culturels attendent de nous, c’est une action de promotion continue », a-t-il conclu.
Françoise Tougry