Vous les avez déjà peut-être vues sur scène. Elles ont faire rire tout un public. Entre détente, mouchoirs, performances et stratégies, les femmes se lancent avec conviction dans le domaine de l’humour. Engagées et passionnées, elles ont conquis le cœur du public, des promoteurs de spectacles et des professionnels du domaine des arts de la scène. Edoxi Lionele Gnoula et Adèle Badolo sont des modèles au parcours inspirant. Immersion dans l’univers du stand up féminin.
Le stand up est une expression qui a plusieurs connotations. D’un artiste à un autre, le sens varie. De l’avis de Edoxi Lionele Gnoula, le stand up est un art théâtral où les comédien.ne.s, parfois seul.e.s n’ont pas forcément besoin d’accessoires, ni de décors pour faire passer le message à un public cible. Il peut souvent s’exécuter à l’improviste, au cours d’une soirée gala tout comme en soirée de scène. Généralement, le stand up est de courte durée. Il n’y a pas de temps fixe pour la préparation car il s’agit d’un travail réfléchi, organisé et méticuleux. Du reste, il dépend de la disponibilité de l’artiste, de sa motivation et de son inspiration.
« Ma motivation vient d’abord du fait qu’il n’y avait pas de femmes qui pratiquaient ce métier. J’ai commencé à jouer le stand up en 2008 lors de la 6e édition du Festival international du Rire et de l’Humour de Ouagadougou (FIRHO) par le biais de Augusta Palenfo. Elle m’a demandé à l’époque de me joindre à elle, pour qu’on fasse l’humour. Parce qu’il n’y avait pas de femmes humoristes. C’était vraiment marrant car c’était entre nous comédiens, on se connaissait. A l’époque, je travaillais aussi un peu, avec les metteurs en scène de ma génération », confie Edoxi Gnoula, comédienne et actrice.
Le regard de la société
Selon Edoxi Lionele Gnoula, au Burkina comme ailleurs, la société porte toujours un certain regard sur les femmes artistes. Des femmes ayant une sorte de liberté, assez rebelles, dévergondées…. Elle affirme avoir subi ce regard. A écouter l’artiste, il faut être suffisamment engagée pour réussir à maintenir la flamme de sa passion et rester simplement focus sur ses objectifs.
Dans la même dynamique que son aînée, Adèle Badolo n’a pas échappé aux préjugés. « Les gens se disent, voilà pourquoi elle n’est pas mariée. C’est la femme de tout le monde. Avec ma famille même, au début, ce n’était pas facile. Au fur et à mesure que les choses évoluent, ça va », se réjouit-elle, a présent.
L’art nourrit son homme, à certains niveaux
La passion, le professionnalisme et la rigueur au travail dans le domaine de l’humour a nécessairement des avantages même si la plupart du temps, les artistes sont des contractuels. Ils ne sont pas des salariés mais, intermittents. Les ressources financières sont issues des prestations sur scène, l’appui des partenaires techniques ou financiers pour les organisations de spectacles ou la réalisation de projets, des moments de gloire, des sollicitations pour des publicités, dans les clips, des rôles au cinéma, au théâtre, etc.
« Au Burkina, j’ai été Ouistiti d’or, prix de la meilleure humoriste en 2013. En Europe, j’ai été récompensée pour le spectacle où j’ai joué le meilleur -Seule en scène- en Belgique », indique Edoxi, metteure en scène.
Un métier très exigeant
Du point de vue de Adèle Badolo, jeune humoriste évoluant dans le stand up, souvent, les gens ne prennent pas au sérieux, leur travail et ils n’hésitent pas à le faire savoir. Ils pensent qu’on se lève le jour de la prestation et on est sur scène, explique-t-elle, ils ne savent pas qu’il y a une résidence d’écriture pour le choix d’un thème.
Et à Edoxi Lionelle Gnoula, spécialisée dans l’humour sociétal ou politique, d’ajouter « Faire de l’humour, ce n’est pas raconter n’importe quoi. Ça doit être assez réfléchi, ne pas ramasser des histoires à deux balles qu’on a déjà entendues dans un maquis, une soirée ou quelque part et essayer de venir raconter au public ou encore, être stagnant parce qu’on est, à court d’idées. J’écris souvent des textes d’humour, je les dépose dans le tiroir en attendant le moment opportun ». Méticuleuse dans son travail d’artiste, Edoxi souligne l’attitude de certains promoteurs de spectacles qui appellent à la dernière minute pour un spectacle.
Rigoureuse du strict respect de ses propres principes, elle décline ces genres de sollicitations qui ne sont pas du genre à valoriser son art. « Tu peux passer faire un stand up de cinq minutes ? Je n’aime pas trop quand on m’appelle à l’improviste pour venir jouer dans une semaine ou 10 jours. Je suis très perfectionniste. Je préfère prendre le temps de réfléchir pour que le passage soit poignant. Plusieurs fois, j’ai refusé de participer à des soirées d’humour parce que ça ne rentre pas trop dans ma vision », clarifie-t-elle.
Lorsqu’elles doivent parler des sujets considérés comme tabous, les deux humoristes usent de différentes stratégies pour faire rire sans frustrer en utilisant par exemple, l’ironie et le détournement. A travers ces méthodes, elles arrivent à convaincre le public qui adhère de façon subtile à leur cause.
« Généralement, les spectacles sont en français. Mais, en fonction du public, on peut glisser de temps en temps, quelques petits mots en langue nationale », dit Adèle Badolo.
Une carrière riche en expériences
Adèle Badolo qui a fait ses premiers pas dans ce milieu grâce à « Son excellence Gérard » se rappelle avoir eu peur du public, la première fois qu’elle est montée sur scène en tant que comédienne de théâtre, au cartel théâtre Évasion et en tant qu’humoriste, en 2018 au Centre national des Arts, du Spectacle et de l’Audiovisuel (CENASA).
« Un jour, j’ai joué devant cinq personnes dans une grande salle. Ça m’a vraiment marquée et ils étaient heureux. Ils ont aimé », se remémore-t-elle. La joie qu’elle apporte dans la vie de son prochain constitue cette force qui la pousse à aller de l’avant.
L’un des souvenirs aussi beaux que plaisants, c’est celui que garde en mémoire Edoxi Gnoula. « Il y a trois ou quatre ans de cela et après, je n’ai plus jamais joué. La dernière scène, était très bien, j’étais en connivence avec le public. C’était au temps où Rock aurait décidé de légaliser l’infidélité des femmes. C’était assez drôle. La femme du président était même dans le public. J’avais préparé mon spectacle et je ne savais pas que la femme du président était invitée. C’est comme si c’est la fiction et la réalité. On était face-à-face sur cette scène », relate-t-elle.
Selon ces artistes, bon nombre de personnes connaissent l’humour au Burkina Faso. Mais, le stand up reste encore timide dans les habitudes. Edoxi Lionele Gnoula et Adèle Badolo souhaitent que le public découvre et comprenne davantage, le stand up à travers les médias car il contribue à la promotion des arts et de la culture. « Je pense que ce sont les médias qui devraient nous lancer, nous faire connaître. Vous décidez chaque année, de faire connaître deux ou trois artistes, nationaux et internationaux », recommande-t-elle.
En termes de perspectives, promotrice d’un centre culturel, Edoxi Lionele Gnoula entend revenir en stand up et pourquoi pas en « One woman show ». Actuellement, elle est en coulisses.
Adèle Badolo quant à elle, travaille à se faire connaître à l’international, à porter haut, les couleurs du pays des hommes intègres. Son rêve est de devenir, « La Volontaire pour la Défense de la Patrie (VDP) dans le domaine des arts.
Françoise Tougry
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