Originaire de Lago à Gourcy, Dez Altino à l’état civil Wendwaoga Tiga Désiré Ouédraogo est une grande figure de la musique au Burkina Faso. Nombreux de ses titres sont fredonnés au quotidien notamment « M’ma » qui a connu une grande audience. En espérant voir ce clip, un jour, en ce mois de la femme, Dez Altino évoque ses souvenirs d’enfance auprès de sa mère, pleins d’émotions.
En 2019, vous avez mis sur le marché discographique, « M’ma » qui veut dire maman ou ma mère, tiré de l’album Béogo. Ce titre a connu un grand succès. Expliquez-nous comment ça s’est passé !
La chanson « M’ma » fait honneur à toutes les mamans du monde entier particulièrement, à la femme africaine surtout, à ma mère que j’aime bien. Elle fait beaucoup d’efforts pour moi et je vois que toutes les mamans ne dorment pas pour leurs enfants. En Afrique, on dit que c’est la femme qui fait le foyer et la famille. Donc, pour moi, la maman, c’est ce que nous avons de plus cher, au monde.
J’ai fait honneur à ma mère parce qu’avant que je ne commence à chanter, j’ai connu des hauts et des bas dans ma vie. Ma mère s’est remariée après le décès de mon père. Et dans ce nouveau foyer, elle a eu aussi des enfants. Après le décès de son mari, elle était seule et de mon côté, je commençais à me débrouiller. Mes frères aussi faisaient du mieux qu’ils pouvaient.
Je me rappelle qu’un jour, j’ai vu ma mère pleurer parce que le bailleur lui a dit de quitter la maison dans laquelle, elle dort. Là où elle vivait avec son mari avant le décès de ce dernier. Les enfants m’ont informé et je n’ai pas pu m’empêcher de couler des larmes. Aujourd’hui, dieu merci, ma mère dort dans sa propre villa. Elle est à l’aise. Entre-temps, on a publié sur les réseaux sociaux que « Une maison, c’est naturel ». Oui. Peut-être pour eux. Mais, moi, je sais ce que cela représente à mes yeux parce que ma mère a pleuré car elle n’avait pas un lieu pour dormir. Il faut être un enfant pour comprendre les larmes d’une mère, quand elle est expulsée d’une maison. A présent, je dis « Dieu merci » parce qu’il a exaucé mon vœu. Voilà pourquoi je n’oublie pas ce bienfait et j’ai chanté cette titre.
C’est une chanson qui a eu beaucoup de succès car les gens aiment bien et partout, où je chante ce titre, il y a un calme absolu. Ça montre que c’est vraiment touchant.
Pourquoi avez-vous choisi de chanter en mooré ?
Je suis d’abord mossi et la langue, la plus parlée dans notre pays, c’est le mooré. Avant d’être artiste international, il faut d’abord être artiste de chez toi. C’est quand même, la première des choses. La langue n’a pas d’importance en matière de musique car la musique est universelle. Par exemple, beaucoup de gens dans nos villages dansent Bob Marley même s’ils ne comprennent ce que ça veut dire.
D’où vous vient l’inspiration pour ?
Mon inspiration me vient de partout, dans mon sommeil, dans mon studio … Depuis le début de ma carrière, je n’ai jamais composé une chanson, que ce soit en featuring ou personnel, sans que ça ne donne. Je ne dis pas que je suis fort, que je suis aussi intelligent, je dis tout simplement que c’est la grâce de dieu.
Votre mère vous a donné quelle éducation ?
Je n’ai pas été éduqué entièrement par ma mère. Après le décès de mon père, j’étais trop petit. Donc, je suis resté avec ma grand-mère au village. J’ai eu plutôt, une éducation de royauté. Ça a été très difficile car nous étions des princes, les enfants du chef et c’était dans une cour commune. Là-bas, il n’y a pas de « L’enfant, c’est pour telle ou telle personne ». Il appartient à tout le monde. L’éducation était globale. En ce moment, ma mère s’était déjà remariée et elle était à Ouahigouya. Mais, de temps en temps, elle venait me rendre visite. On a eu une éducation rigoureuse qui nous oblige à être corrects, droits.
Vous avez grandi au village. La vie au village est encore intéressant de nos jours ?
On dit que l’âne broute où, on l’a attaché. Ceux qui sont en ville se sentent bien et nous aussi, on se sent bien car l’habitude est une seconde nature. Exemple, quand je pars en Europe, je n’ai pas envie de rester là-bas. Après le concert, je retourne chez moi au pays. Il y en a aussi qui ne peuvent pas rester ici parce qu’ils sont habitués à la vie de là-bas. Beaucoup de gens repartent vivre au village. Notre souhait, c’est de pouvoir un jour, construire des palais dans ce village et y séjourner, de temps en temps.
Selon vous, quelle est la contribution de la femme à l’épanouissement de la famille ?
La femme est le pilier de l’épanouissement de la famille. La femme donne tout. C’est pourquoi, on dit « Quand tu as une bonne femme, tu as tout ». L’homme lui, n’a pas toujours le temps de s’occuper de sa famille. Et même s’il a le temps, il fait semblant, on est en Afrique.
Les femmes du village et celles de la ville ont-elles les mêmes chances ?
Au village, il n’y a pas beaucoup d’activités. On attend souvent les récoltes et au-delà de ça, le commerce ne peut pas marcher comme ici car il y a du monde.
On peut faire beaucoup de choses. Le fait de sortir, de voyager, de se frotter à beaucoup de gens permet à la femme de s’émanciper. Les femmes au village comprennent la vie à leur façon.
Avec la télé, la radio, les réseaux sociaux, il y a des choses qui changent la femme, qui conseillent, qui lui permettent d’avoir d’autres activités, de s’épanouir, d’être plus utile. C’est vrai qu’elles aussi, elles s’occupent mais, elles n’ont pas les mêmes chances.
J’invite toutes les femmes à s’éduquer, à se former et à s’informer. Quand tu es seule dans ton coin et tu ne participes à rien, c’est compliqué.
Au Burkina Faso, avec la crise sécuritaire, les femmes vivent dans des conditions très difficiles. . Quelle analyse faites-vous de la situation ?
Tout mal qu’on fait à la femme, pour moi, c’est vraiment écœurant. Et le combat de tout le monde, de tous les hommes, c’est d’être prêts à les soutenir. Comme tout être humain, il faut qu’on respecte les droits de la femme. L’homme avec H trouve nécessaire qu’on puisse éradiquer ça dans nos sociétés. La femme, c’est la mère de l’humanité. Voir quelqu’un maltraiter la femme, qui secoue la femme, pour moi, c’est inhumain.
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Un message à l’endroit de toutes ces femmes qui pleurent de tristesse !
Dans la vie, on ne peut pas finir de pleurer. A toutes ces femmes qui traversent des difficultés, je leur souhaite de croire en elles. Du courage et que le combat continue ! Il y a beaucoup de femmes aussi qui ne croient pas en leur potentialités et c’est dangereux. Quand il y a des difficultés, il faut se battre. J’invite toutes les femmes à s’éduquer, à se former et à s’informer. Quand tu es seule dans ton coin et tu ne participes à rien, c’est compliqué.
Un message pour tous ces enfants qui n’ont pas la chance de grandir dans les bras de leurs mamans !
Par exemple, j’ai eu la chance d’avoir ma mère à côté de moi, pendant que je suis artiste. Mais, beaucoup n’ont pas cette chance. Beaucoup d’enfants ont eu le succès après le décès de leurs parents. C’est vraiment dommage.
Chacun doit essayer de considérer la maman des autres comme la sienne. Car, si tu retrouves en d’autres personnes, ta maman, ça fait une autre vie.
Entretien réalisé par Françoise Tougry