Casque à la tête, glacière sur sa moto, Wendpoyré Carine Yaogo parcourt les quartiers de Ouagadougou pour livrer les jus naturels dont elle est la productrice. Et comme pour se conformer à l’ère du digital, elle fait la vente en ligne. Avec cette activité, Carine tente tant bien que mal de se faire une place au soleil.
Tout a commencé en 2020. Après l’obtention de son baccalauréat, Carine est orientée en lettres modernes à l’université Joseph Ki-Zerbo. Mais, elle constate rapidement la lenteur des programmes et le retard avancé dans l’exécution des cours. Pour combler ce dysfonctionnement, elle décide de mener une activité génératrice de revenus. «Ça me brûlait carrément d’avoir le BAC et ne pas pouvoir suivre les cours normalement. Je venais de faire face à la réalité du campus et j’ai décidé de mener une activité pour pouvoir m’inscrire au privé », justifie-t-elle.
Comme idée d’entreprenariat, Carine choisit la vente de jus naturels sans sucre, sans colorants et conservateur en mettant l’accent sur la variété dans sa production : les jus de gingembre, bissap, mangue, tangelo, liane, goyave, pastèque, orange, ananas, zoom-kom(à base de farine de petit mil et Toedo (poudre de pin de singe)… A travers cette activité, elle entend réduire le taux de diabète lié à la consommation abusive du sucre et la promotion des produits locaux à travers l’utilisation des fruits naturels.
« Je fais un programme avec mes clients pour pouvoir bosser »
La jeune entrepreneure bénéfice souvent de l’aide de ses petites sœurs, de certaines amies et de sa belle-sœur. Pour satisfaire ses clients et poursuivre les cours à l’université, elle établit un programme de travail bien précis pour les livraisons, qui ne se font pas tous les jours. Ses cours aussi commencent pratiquement pendant les vacances, en saison pluvieuse. Toute chose qui lui permet de mener ses activités. « Parfois, je sors une, deux ou trois fois dans la semaine, je fais un programme avec mes clients pour pouvoir bosser. », explique-t-elle.
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« J’ai eu pas mal de pertes «
Avant de se lancer dans ce commerce, Carine ne doutait pas des difficultés qu’elle va rencontrer. A ces débuts, Carine a dû faire face au regard et aux jugements de son entourage.
« Beaucoup ne savaient pas que c’était pour une activité sérieuse. D’autres même m’écrivaient pour me dire que ce n’est pas bien qu’une fille se lève, s’habille bien et affiche ses photos avec ses jus, que ce n’est pas sérieux, que c’est juste pour chercher des mecs. », avoue-t-elle.
Elle déplore également la mauvaise foi de certaines personnes, se faisant passer pour des clients. De tel comportement engendre d’énormes pertes.
« Des plaisantins aussi appelaient. Quand je démarre pour la livraison, j’arrive et je ne trouve personne. Je suis obligée de revenir partager mes jus. Donc, j’ai eu pas mal de pertes », souligne-t-elle.
Aussi, la saison pluvieuse et les temps de fraîcheurs sont des périodes où les clients se font rares chez Carine. Mais grâce à la qualité de ses produits, elle a réussi à fidéliser quelques clients.
Au moins, un boulot en attendant de trouver mieux
Si exercer une activité et continuer les études n’est pas aisé pour certains étudiants, Yaogo Wendpoyré Carine en est l’exception. Elle encourage les étudiants à chercher un petit boulot à faire, peu importe le domaine. Même si au niveau des études, ça ne marche pas, la personne a, au moins, un boulot en attendant de trouver mieux. « Avec ton expérience scolaire ou universitaire, tu peux amener ton patron à améliorer son activité. », conseille la jeune entrepreneure.
Carine exhorte également les filles à ne pas baisser les bras, à trouver une occupation, qu’elles soient mariées ou célibataires. « Mon papa me répète toujours que le premier mari d’une fille, c’est son travail. Donc, j’invite vraiment mes consœurs à beaucoup bosser, à travailler », conclut-elle.
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Wendpoyré Carine Yaogo, actuellement étudiante à l’Institut supérieur des Lettres, Langues, Sciences humaines et sociales (ISLLSHS) n’imagine pas sa vie sans ce projet qu’elle a su piloter. Grâce au commerce de jus naturels, elle arrive à épauler ses parents, à gérer sa scolarité et celle de ses sœurs.
Saïbata Guiro