Le Burkina Faso fait face à crise sécuritaire et humanitaire depuis 2015. Cette situation a occasionné une recrudescence des violences sexuelles à l’égard des femmes et des filles dans les zones touchées par les attaques terroristes. En ce 19 juin, commémoration de la journée internationale pour l’élimination de la violence sexuelle en temps de conflit, l’Etat burkinabè et les organisations non gouvernementales sont interpellés à mettre les bouchées doubles dans la lutte contre le phénomène.
Plus d’un million de femmes et de filles au Burkina Faso sont confrontées à une augmentation des violences sexuelles. C’est ce que révèle le rapport d’Oxfam sur « Les femmes dans la crise au Burkina Faso : survivantes et héroïnes », publié en mai 2020.
La dégradation de la situation sécuritaire et l’amplification de la crise humanitaire ont engendré une exacerbation des violences sexuelles à l’égard des femmes. Dans les localités à fort défis sécuritaires, les femmes sont en proie aux enlèvements, aux séquestrations et aux viols.
« Cinq jeunes filles ont été violées par des membres de groupes armés. Une autre jeune fille a été violée devant tout le village et laissée pour morte. », a témoigné une déplacée interne de Dori au cours de l’étude réalisée par Oxfam.
Pour avoir réalisé de multiples reportages sur les conditions de vie des femmes en zone de crise, la journaliste sensible aux conflits Mariam Ouédraogo a alerté l’opinion nationale sur le calvaire des femmes victimes de violences sexuelles.
A l’en croire, les femmes violées dans les zones de conflit sont confrontées au rejet, à la stigmatisation. Cette situation les expose davantage aux tentatives d’avortements et de suicide.
« Je pense à cette femme qui a été répudiée parce qu’on a su qu’elle a été violée par des terroristes. Elle a accouché d’une fille. Non seulement, on l’a répudiée mais, aussi on lui a retiré ses quatre enfants. », a confié Mariam Ouédraogo au cours d’une interview accordée à Queen Mafa en novembre 2022.
Des actions louables menées contre les violences sexuelles à l’égard des femmes
Conscients de l’ampleur des violences sexuelles en période de conflit et déterminés à endiguer le phénomène, le gouvernement, les acteurs de la société, les associations et des gens de bonne volonté ont décidé de mener des actions concrètes.
C’est le cas du ministère en charge du genre qui a décidé d’impliquer tous les acteurs de la chaîne pénale dans le processus d’intensification des enquêtes sur les crimes de violences sexuelles liées au terrorisme.
Cela s’est traduit par un atelier qui s’est déroulé du 27 au 29 septembre 2022 à Ouagadougou. Cette initiative a permis aux participants d’échanger sur des méthodologies en vue de parfaire leurs activités de recherche, d’enquête et d’audition des victimes.
Les femmes cinéastes du Burkina Faso se sont également hissées contre les violences sexuelles faites aux femmes. C’est le cas de la réalisatrice Appoline Traoré qui a décidé de dénoncer le phénomène à travers son film Sira où l’actrice principale a été enlevée et violée par un groupe armé terroriste.
Ce film lui a d’ailleurs valu l’Etalon d’argent de Yennenga au FESPACO 2023. « Ce film est, pour ces femmes et hommes qui combattent ce fléau-là. Quand vous rentrez dans les camps de réfugiés et que vous entendez les histoires de chacune des femmes, ce qu’elles ont vécu et fait pour arriver là, c’est vraiment extraordinaire. », a déclaré Appoline Traoré à la fin de la cérémonie d’ouverture du FESPACO.
Les organisations féministes telles que le cadre de concertation des organisations intervenant sur la participation politique des femmes, l’association des scientifiques, juristes, etc, ont mené aussi des actions de lutte contre les violences sexuelles à l’égard des femmes à travers des conférences, des marches.
Le combat n’est pas encore gagné
Malgré les multiples actions contre les violences sexuelles en période de crise, force est de constater que le phénomène persiste. Pour cause, la constance des attaques terroristes dans certaines localités du pays. Des femmes et jeunes filles croulent toujours sous le poids des agresseurs sexuels et ne savent pas à quel saint se vouer.
« Il y en a qui ont des idées suicidaires jusqu’à présent. Certaines m’appellent et me disent : « Mariam, je ne sais plus ce que je vais devenir. Je vais repartir dans ma zone quitte à ce qu’on me tue. », a témoigné Mariam Ouédraogo, journaliste sensible aux conflits.
De son point de vue, la solution pour éviter que des femmes soient violées ou séquestrées par les terroristes, c’est de mettre fin au terrorisme. A défaut, les impacts des violences sexuelles peuvent être réduits en rendant disponibles les services de santé dans les zones à fort défis sécuritaires.
Le Burkina Faso a certes engrangé des résultats dans la lutte contre les violences sexuelles en période de crise mais, le phénomène persiste. Ce n’est pas le moment de baisser la garde mais, plutôt de redoubler d’efforts dans cette lutte afin de permettre aux femmes de s’épanouir pleinement.