La condition sociopolitique, économique et culturelle de la femme au Burkina connaît un regain de difficultés qui peut porter préjudice à son épanouissement. Et ce malgré de nombreux efforts et initiatives. A ce sujet, Jocelyne Vokouma, chercheur et anthropologue évoque sans langue de bois, les dessous du phénomène.
Quelle analyse faites-vous de la situation socio-politique et économique actuelle de la femme au Burkina Faso ?
Sur le plan politique, la dynamique de leur positionnement n’a pas changé. On peut dire que des indépendances à nos jours, on n’a même pas encore eu 10 femmes au gouvernement. A l’étape actuelle, on est autour de 21% même pas 25%, encore moins les 30% qui est la masse critique capable d’influencer une décision.
Mais, les gens se focalisent sur les chiffres alors que derrière la dimension quantitative, il y a un effet qualitatif que tout le monde ne perçoit pas. C’est vraiment regrettable.
Au niveau économique, il faut saluer le fait que, même si on n’est pas à parité avec les hommes, les femmes actives ont quand même pu dépasser les 30% dans le tableau de bord de la fonction publique et les hommes sont à plus de 66%.
Si une catégorie de femmes a pu briser le plafond de verre en étant active, la grande majorité reste soit encore au foyer ou dans les métiers où l’emploi est informel. Selon les données du Bureau international du travail, elles sont les plus nombreuses dans l’informel.
A ce niveau, le travail doit être encadré juridiquement afin qu’elle gagne au moins le minimum de salaire imposé (SMIG).
Il faut déjà saluer l’effort du gouvernement qui a travaillé à développer les espaces aménagés où priorité a été donnée, d’attribuer ces espaces aux femmes.
En matière d’accès au crédit, Il y a eu une amélioration. A l’instar du Fonds d’appui aux activités rémunératrices des femmes, des structures de microcrédit ont été créées pour aider les femmes. Mais, le taux de remboursement est trop élevé, autour de 13%.
On veut leur faire payer les échéances de crédit comme on le fait payer aux fonctionnaires. Or, il y a des activités où il faut investir avant d’attendre. Certaines structures ont tenu compte de ça, mais pas toutes.
Sois belle et tais-toi ! C’est l’étiquette que la société avait collé à la femme quelques années en arrière. Qu’en est-il réellement aujourd’hui ?
C’est ce qu’elle a dans la tête aujourd’hui qui compte. Celle qui se décape la peau pour croire que c’est en étant clair qu’on est belle, c’est de la destruction de la personne, de sa propre personnalité.
Avec l’âge, la clarté disparaît et le degré de noirceur est plus profond que le teint habituel. Il faut que les femmes arrêtent.
C’est quoi être féministe selon vous ?
C’est s’engager pour lutter pour la promotion et la défense des droits de la femme. Donc, un homme peut être pleinement féministe tout comme une femme peut l’être. Un homme peut également être contre le féminisme tout comme les femmes aussi.
Je prends un exemple. Lors des enquêtes dans une localité je demande : « lorsqu’une femme commet l’adultère », comment sera sa sanction ? L’un d’entre eux répond : « On l’envoie chez le chef, on la déshabille et on la chicotte correctement. Et quand l’homme commet l’adultère ? « Il n’y a pas d’adultère, il est polygame ».
Les normes socio-culturelles ont tellement donné des avantages aux hommes que tout le combat qu’ils mènent aujourd’hui, c’est pour les préserver. Au cours de ces enquêtes, il est ressorti que dans une classe, quand une fille est première, les garçons sont frustrés. Ils unissent leurs forces pour soutenir le meilleur garçon et ils n’auront la paix que quand un garçon va prendre la tête.
Cela veut dire qu’en termes de leadership, la société n’a pas prévu que la femme soit quelqu’un de devant. Elle doit être toujours en arrière. En même temps, la société crée un mécanisme dissuasif.
Le malaise social dans lequel nous sommes vient du malaise familial dans lequel, on croit que ce sont les femmes seules qui doivent souffrir pour sauver l’honneur de la famille.
Quels conseils donnez-vous à la jeune génération ?
Vous avez la chance d’être suffisamment outillés mais, vous utilisez mal les outils.
Prendre vos masters ou licences pour dire que vous êtes plus que les aînés, ça ne marche pas.
Même une maman analphabète, c’est plus qu’un master. Donc, vous avez besoin d’humilité pour comprendre les choses de la vie.
Nafissatou Zangré et Aminata Ouédraogo, stagiaires