L’Égyptienne Sara Sabry est devenue en août 2022 la première femme africaine à effectuer un vol en orbite. Elle revient sur cette expérience à travers un entretien qu’elle a accordé à Benjamin Pothier, journaliste et explorateur habitué aux missions spatiales dites « analogues ».
En quoi votre participation à une mission spatiale « analogue » a-t-elle été précieuse dans la préparation de votre vol spatial ?
Mon expérience analogue m’a beaucoup aidée car elle m’a donnée une très bonne introduction à ce qu’il faut pour aller dans l’espace, pour vivre et prospérer sur une autre planète. Après tout, je n’ai fait qu’un vol sous-orbital. Nous n’avons pas passé beaucoup de temps dans l’espace, donc nous n’avions pas vraiment la dynamique d’équipage que vous obtenez habituellement dans le cadre des missions analogues « Sur une autre planète ». Il est toujours très important de comprendre comment vous pouvez réagir dans différentes situations, comment se comporter dans un environnement confiné et isolé avec des gens qui, au départ, sont des inconnus, avant de devenir vos coéquipiers. La nouvelle relation, la cohésion d’équipage que vous créez avec ces gens aide beaucoup à anticiper comment vous allez gérer les choses, ce que vous connaissez de votre force, comment aider vos coéquipiers autant que vous le pouvez, et tout cela a été précieux pour mon vol avec Blue Origins.
Alors, comment était cette expérience de vol ?
C’était vraiment intéressant, ça ne ressemblait à rien de ce à quoi je m’attendais. Pour être honnête, j’imaginais que ce serait un peu comme être dans l’eau avec la flottabilité, mais ce n’était pas du tout comme ça. C’était un peu comme si je ne faisais plus partie de mon corps
K’ai ressenti une vraie liberté, une liberté de bouger comme je le voulais et avec beaucoup de facilité, beaucoup de légèreté. Une simple pression du bout d’un doigt peut vous envoyer très loin, et ça c’est très différent de tout ce que nous connaissons sur Terre. Lorsque nous sommes arrivés dans l’espace, j’ai détaché ma ceinture, je voulais commencer mes plans Zero-G (« zéro gravité », ndlr), je me suis poussée un peu trop fort sur la chaise et cela m’a projetée à grande vitesse vers le plafond de la capsule… En l’absence de gravité, vous ne reconnaissez pas votre force. Une toute petite poussée peut vraiment vous envoyer très loin.
Vous avez emporté avec vous dans l’espace une œuvre d’art collective, une « météorite » réalisée lors de la mission analogue Orpheus. De quoi s’agit-il exactement ?
Cette météorite imprimée en 3D est un poème que notre équipage et moi-même avons créé lors de notre mission analogue sur la base LunAres en Pologne, avec Benjamin, notre commandant. Une nuit, nous nous sommes assis ensemble dans l’atrium et nous avons pris un morceau de papier sur lequel chaque membre de l’équipage a écrit deux lignes. Vous ne pouviez pas vraiment voir ce que le membre d’équipage précédent avait écrit (suivant la technique surréaliste du « cadavre exquis », ndlr), et au final le texte avait du sens, c’était un poème vraiment drôle, qui disait quelque chose sur le caractère et la dynamique de l’équipage, le tout sur un petit bout de papier. Une amie de Benjamin (l’artiste mexicaine Amor Munoz, ndlr), avait créé un algorithme qui transforme les phrases en un modèle 3D en forme de météorite, et nous l’avons imprimé pendant notre mission. J’ai donc emmené dans l’espace ma météorite, celle qui contenait le poème de ma toute première mission analogue.
On entend beaucoup parler aujourd’hui d’un « nouvel âge » spatial. Avez-vous l’impression d’en être l’une des représentantes ?
Oui, c’est une période passionnante pour travailler dans le spatial, et nous avons besoin de beaucoup plus de personnes pour faire partie de cette aventure. Le fait que je sois allée dans l’espace est une représentation fidèle de la façon dont les choses progressent
Oui, c’est difficile. Oui c’est encore très limité. Mais, beaucoup de gens dans cette industrie dont je fais partie sont engagées de tout cœur pour la rendre la plus accessible possible, pour offrir plus d’opportunités. Je suis la première Égyptienne et la première Africaine à être allée dans l’espace, mais je ne serai pas la dernière, ce n’est que le début.
Source : usbeketrica.com