Quitter le domaine de la fête pour se focaliser sur la réflexion, tel est le crédo du mouvement « célébrons le 8 mars autrement ». Né en 2020, ce mouvement s’est engagé à mener le combat pour la cause des femmes déplacées internes et des femmes démunies. Dans cet entretien, la coordonnatrice dudit mouvement Rita Sawadogo dévoile les actions réalisées.
Comment est né le mouvement « Célébrons le 8 mars autrement » ?
Le mouvement est né d’une rencontre fortuite. Je rentrais de mon village et j’ai croisé une femme qui portait au dos un bébé d’environ 6 mois et tirait un autre enfant d’à peu près trois ans. Cette femme n’avait qu’un seul pagne qui cachait sa nudité et qui servait en même temps à attacher le bébé au dos. Celle qu’elle tirait était nue. Cette femme fuyait pour sauver sa vie et celle de ses enfants suite à une attaque, car on était en période de froid. J’allais à Kaya. Je l’ai déposée là-bas et vidé tout ce que j’avais pour elle. Je me suis alors posée cette question : ‘Nous sommes en train de parler de 8 mars alors qu’il y a ce genre de situations ? » Cette femme a été prise en charge par l’action sociale.
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Quand je suis rentrée à Ouaga, je n’ai pas dormi de toute la nuit. Je me suis mise à écrire : « Et si on célébrait autrement le 8 mars ? Et si on pensait à toutes ces femmes et ces enfants qui vivent en plein air ? » Cela a été un cri de cœur que j’ai lancé. Ce cri de cœur a eu un écho auquel je ne m’attendais pas. Donc nous avons décidé de créer un mouvement pour célébrer autrement le 8 mars d’où ce nom. Aujourd’hui, le mouvement a plus de 200 adhérents.
« Nous n’avons rien contre la fête mais, nous disons que la célébration du 8 mars ne doit pas se limiter à la fête ».
Quels sont les Objectifs du Mouvement ?
Notre vision est de promouvoir la mise en œuvre de toutes les recommandations issues de la première semaine nationale de la femme au Burkina. Nos objectifs sont de mener des activités, nous engageant à la mise en œuvre des fruits de ces réflexions issues de 1985. Nous souhaitons que les femmes se focalisent sur les recommandations de ces travaux tendant à faire reconnaître les droits des femmes.
Nous voulons inviter les femmes à quitter le domaine de la fête pour se focaliser sur le domaine de la réflexion et de la mise en œuvre effective des acquis de la semaine nationale de la femme. Nous n’avons rien contre la fête mais, nous disons que la célébration du 8 mars ne doit pas se limiter à la fête. Il faut que nous sachions raison gardée.
Nous avons également formé des hommes
Quelles sont les réalisations que vous avez pu faire sur le terrain depuis la création du mouvement ?
La première année du mouvement, nous avons mené une campagne de collecte qui a reçu un écho au-delà de nos attentes. En vivres, c’est plusieurs tonnes. En vêtements et en numéraire, c’est presque 17 millions que nous avons repartis dans la zone de Kaya, Dori, Djibo, Dano, Dédougou, Fada, les cascades. Nous avons remis les dons à l’OCADES qui s’est chargé de les distribuer.
La deuxième année, nous avons célébré le 8 mars en faisant des formations au profit des femmes déplacées internes sur des activités génératrices de revenus notamment l’élevage, le développement personnel, la fabrication de savon, de pommades, vinaigre eau de javel shampoing.
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Nous avons également fait une collecte de sang parce qu’à un moment, la banque de sang a lancé un SOS. Nous avons entrepris des démarches pour obtenir des forages que nous avons implantés sur des sites de personnes déplacées internes. Nous avons eu quelques bourses pour des filles déplacées internes qui sont dans des écoles de formation.
En 2021, vous avez prévu l’octroi des micro-crédits aux femmes des milieux défavorisés. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Nous n’avons pas les moyens de donner du financement aux femmes mais, nous avons approché des structures de financement pour obtenir un taux très bas au profit des femmes déplacées internes pour qu’elles puissent avoir de petits crédits à l’issue de la formation pour démarrer leurs activités.
C’est le Réseau des Caisses Populaires du Burkina qui a bien voulu nous accompagner en octroyant des crédits à un taux d’intérêt d’environ 1,5 %. A partir de ça, les femmes qui le désiraient ont pu avoir des crédits et s’en sortent aujourd’hui et cela fait notre fierté. Nous avons formé environ 3 000 femmes à Kaya, à Ouagadougou, à Sapouy, Banfora, Dédougou, . Nous avons également formé des hommes. Il y a d’ailleurs un homme à Ouagadougou qui s’est lancé dans l’élevage et qui tire son épingle du jeu.
Nous avons décidé d’attacher nos pagnes
Quelle sera la particularité de la commémoration du 8 mars 2023 ?
Cette année est une année particulière. Nous avons lancé une campagne de collecte des contributions des hommes et des femmes qui sera reversé dans grande la cagnotte nationale.
A contexte particulier, activité particulière. Nous avons décidé d’attacher nos pagnes et nous demandons aux autres femmes d’apporter leur contribution pour qu’on soutienne notre pays.
Nous avons à cet effet pris une Carte sim orange unique pour recevoir les dons sous le contrôle d’un huissier de justice. Nous espérons que les femmes vont faire une démonstration de patriotisme en contribuant massivement jusqu’au 8 mars.
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Le 9 mars nous arrêtons la collecte et fermerons le compte sous le contrôle de l’huissier de justice et du ministère des finances. Lors d’une cérémonie officielle, nous allons remettre le produit de la collecte à la ministre de la promotion du genre qui à son tour remettra la contribution des femmes au ministre des finances pour reversement à la cagnotte nationale. .
Partagez avec nous un témoignage de l’impact de vos actions sur la vie d’une femme déplacée interne ou une femme démunie.
Nous avons une femme à Kaya qui aujourd’hui fait de l’embouche bovine. Cette femme ne tarit pas de remerciements et d’éloges à l’endroit de notre mouvement. Elle a même pu s’acheter un terrain en zone non loti, elle a construit sa maison et elle y habite avec ses enfants. Elle contribue à payer la scolarité de ses enfants. Il y a beaucoup de femmes qui se sont lancées dans la saponification. Ça nous fait du baume au cœur quand nous avons ces retours.
Entretien réalisé par Mary.S