Lauréat du 3e prix de Baramousso 2022, le réseau pour la promotion et l’autonomisation de la femme rurale au Burkina (REPAFER) œuvre pour la promotion des droits de la femme et de la jeune fille. Basé à Manga dans la région du Centre-Sud, le réseau intervient dans cinq régions du Burkina Faso. Dans cet entretien accordé à Queen Mafa, la coordonnatrice du REPAFER dévoile les actions que mène son réseau.
Présentez-vous
Je suis Mamounata Ky/Ouédraogo, attachée d’éducation et consultante en leadership. Je suis la coordonnatrice nationale du Réseau pour la Promotion et l’Autonomisation de la Femme rurale au Burkina Faso dont le siège est à Manga dans la région du Centre-Sud. Nous intervenons dans les régions de l’Est, du plateau central, du Nord, du Centre-nord et des Cascades.
Pourquoi avez-vous décidé de vous mettre en réseau pour promouvoir la femme rurale ?
L’idée de création du réseau remonte à 2009. Il y avait déjà quelques femmes qui menaient des actions au profit d’autres femmes dans les villages notamment aux alentours du Zoundwéogo et du Kourwéogo. C’est au regard de l’impact et de la sensibilité de nos actions que nous avons jugé nécessaire de nous mettre en réseau afin de mieux accompagner la femme rurale.
Le réseau a été créé le 21 mars 2017. Nous avons eu la reconnaissance officielle en 2020 mais, il y avait des activités que nous menions au niveau national avant cette reconnaissance. Nous avons des femmes engagées dans le réseau avec qui nous échangeons sur les difficultés que rencontrent les femmes afin de trouver des solutions en réponse à ces difficultés.
Le REPAFER compte plus de 3000 membres
Quel est le profil des membres du REPAFER ?
L’association compte une centaine d’associations et de coopératives soit plus de 3000 membres.
Les membres du réseau sont les femmes qui ont vécu des situations difficiles. Ce sont des femmes issues de familles vulnérables devenues aujourd’hui indépendantes et qui ont décidé de se donner la main pour mener des actions en faveur de leurs sœurs pour qu’elles ne subissent pas le même sort qu’elles.
Nous avons un champ collectif dans lequel nous cultivons du maïs et de l’arachide. Nous faisons la transformation des produits locaux. Nous produisons de l’huile d’arachide, du « soumbala », du savon, etc. Nous les organisons et les accompagnons.
Quelles sont les actions novatrices que vous avez initiées en faveur de la femme et de la jeune fille pour la promotion de leur autonomisation socioéconomique ?
Nous avons initié la semaine de la femme rurale. Chaque année, nous consacrons une semaine à la femme rurale au cours de laquelle nous menons diverses activités. Cette semaine nous permet d’analyser la situation de la femme rurale et de la jeune fille afin de mener des actions fortes en leur faveur. Au cours de cette semaine, nous faisons des renforcements de capacités, nous pensons à la santé de la mère et de l’enfant. Nous échangeons avec les jeunes filles.
Au cours de cette semaine, nous organisons des cadres de concertations, des formations, des accompagnements en matériels de transformation des produits locaux au profit des femmes rurales. Nous organisons également des tables rondes avec les partenaires et les autorités pour parler des conditions de vie de ces femmes.
Chaque année, nous accompagnons une centaine de filles orphelines ou vulnérables à travers leur prise en charge scolaire pour leur permettre de poursuivre leurs études. Nous avons pu aider des femmes en mettant à leur disposition des châteaux d’eau et des motos pompes.
Qu’est ce qui est fait par votre réseau pour améliorer la santé de la femme et de la jeune fille ?
Chaque semestre, nous organisons des séances de sensibilisation sur la sexualité responsable et la gestion hygiénique des menstrues au profit des filles que nous scolarisons. Nous avons initié des causerie-débats avec les parents sur la sexualité de leurs enfants.
Nous sommes en partenariat avec une ONG qui intervient dans le domaine de la santé et chaque année, nous faisons des dépistages du cancer du col de l’utérus, du cancer du sein, et vérifions la tension des femmes. Des menons des échanges avec les femmes et les jeunes sur les maladies sexuellement transmissibles.
La Protection et la promotion des droits de la jeune fille et de la femme rurale est l’une de vos domaines d’action. Quels sont les acquis que vous avez engrangés dans ce domaine en cinq ans d’existence ?
Nous avons initié des campagnes d’établissement d’acte de naissance et de carte nationale d’identité burkinabè (CNIB) pour les filles et les femmes. Nous avons mené des actions de sensibilisation à l’endroit des parents sur l’importance de l’établissement de l’acte de naissance de leurs enfants. A Manga, nous avons pu établir des actes de naissance pour les enfants qui n’en avaient pas et des CNIB pour les filles. Nous avons initié des cadres d’échanges sur les droits et devoirs des femmes. Nous travaillons avec le ministère des droits humains avec qui nous menons des actions de sensibilisation pour le respect des droits des femmes.
La femme rurale est généralement confrontée au phénomène de violence basée sur le genre. Qu’est ce qui est fait par votre réseau pour lutter contre ledit phénomène ?
C’est le domaine phare de nos actions sur le terrain. L’année passée, nous avons accompagné 15 victimes de VBG à travers la prise en charge de leurs ordonnances et la scolarisation des enfants qui sont affectés par ces VBG. Cette année, nous avons agrandi encore l’enveloppe pour pouvoir prendre en charge 40 victimes. Récemment, nous avons accompagné une femme qui a été égorgée à moitié par son mari. Nous avons deux centres d’écoutes dont un à Kourwéogo et l’autre dans le Zoundwéogo. Nous recevons les victimes en collaboration avec l’action sociale, la police et la gendarmerie. Nous travaillons aussi avec le ministère en charge du genre pour une meilleure prise en charge des victimes. Au niveau du Centre-Sud, nous avons mis en place une coalition femme-Paix et sécurité pour mieux gérer les cas de VBG.
Une cinquantaine de femmes déplacées internes de formée en techniques d’élevage.
Quelles sont les actions que vous menez en faveur des femmes déplacées internes ?
Nous avons formé une cinquantaine de femmes déplacées internes de la commune de Gogo en techniques d’élevage. A l’issue de la formation, nous leur avons donné des kits pour qu’elles puissent se lancer dans l’élevage. Nous avons apporté du coton hygiénique, des marmites et des fûts matériels aux femmes déplacées internes de Bindé. Avec la coalition femme paix et sécurité, nous avons pu mobiliser des vivres, des fournitures scolaires pour soutenir les femmes déplacées internes de la région du Centre-Sud.
Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontées ?
Les moyens logistiques et financiers nous font souvent défaut. Nous travaillons beaucoup avec des bénévoles. Ce sont des femmes engagées qui travaillent parfois sans financement. Nous n’avons pas assez de partenaires financiers pour mieux intervenir sur le terrain.
Par faute de moyen, Nous avons utilisé le prix baramousso pour aider des femmes rurales afin qu’elles puissent mener des activités de contre-saison. Nous avons clôturé un terrain de 2 hectares.
Partagez avec nous un témoignage de l’impact de vos actions sur la vie d’une femme ou d’une jeune fille!
Nous avons par exemple accompagné depuis la classe de CE1. Elle fait la terminale cette année. Nous avons travaillé à ce qu’elle ait une bourse CEDEAO en collaboration avec l’action sociale. C’est ce qui lui a permis de poursuivre ses études. C’est elle qui est notre ambassadrice auprès des autres enfants. Lors de la journée de la solidarité, elle a dit une phrase qui m’a beaucoup touchée. Elle a déclaré que les bénéficiaires d’aujourd’hui seront les donateurs de demain. Elle m’a fait une confidence en disant : « tantie, ce que vous avez fait de moi, je vais faire mieux que vous ». Elle a toujours été la première de sa classe. Elle souhaite devenir médecin.
Mary.S