Françoise Odette Bofola Siambo connue sous le pseudonyme de Daisy Bofola, artiste musicienne burkinabè est l’invitée de Queen Mafa. Née à Bobo-Dioulasso, elle est l’aînée d’une famille trois enfants. Orpheline de mère à 10 ans, Daisy a dû se battre pour construire sa vie et ceux de sa fratrie. De cette partie de sa vie qu’elle a toujours gardée discrète, à présent, Daisy Bofola se dévoile à ses fans.
Daisy Bofola ?
Je suis née dans les 80. Trois mois après ma naissance, ma mère est retournée à Pô où mon père qui est militaire était en service. J’ai deux frères et une petite sœur qui est décédée, paix à son âme ! Géneviève dit Génifleur, la fleur qui ne se fane jamais. Malheureusement.
Comme mon père était militaire, nous habitions dans des maisons construites pour les instituteurs qu’on appelait « Les six villas ». Le camp n’était pas loin de l’école de « Pô Commando ». Mon père nous amenait régulièrement dans son bureau et quand je m’ennuyais, il me confiait à la maîtresse. C’est comme ça qu’il m’a inscrite au CP1, à 5ans.
Comment était la vie en famille ?
J’ai eu une enfance heureuse seulement, j’étais assez renfermée. Ce qui fait que je n’avais pas d’amis à l’école. Mes frères et ma sœur étaient mes seuls amis. A la récréation, on se retrouvait dans un coin et on mangeait notre pain. J’ai construit en fait une affection particulière autour d’eux. Je pense avoir été une grande sœur câline.
Qu’est-ce qui vous a marquée à l’école primaire?
A 7ans déjà, je recevais 500F pour aller à l’école. J’aimais aussi le couscous et le lait. Je ne faisais pas l’école buissonnière, non pas du tout. Je recopiais correctement mes leçons sans vraiment les apprendre volontiers.
En 1991, nous avons quitté Pô et nous sommes venus à Ouagadougou au quartier Ouidi. Puis, à Kolgh-Naaba où j’ai fait mon CEP à 10 ans. La première fois, j’ai échoué. La deuxième fois également. Mon père s’est fâché et il m’a dit : « Arrête de me faire jeter mon argent par la fenêtre et dis-moi ce que tu veux faire ! ». Ce que je voulais faire, c’était le théâtre et la musique. Mon grand-père a trouvé qu’à 12 ans, je ne pouvais pas décider de ce que je veux faire.
En 1993, il m’a alors emmenée à Bobo-Dioulasso pour faire l’internat Vicenta Maria où j’ai réussi à devenir plus ouverte et à me lancer dans les interprétations musicales. J’aimais surtout la chanson « Journal intime » de Pierrette Adams. On m’avait de ce fait surnommée Pierrette Adams.
En 1997, pendant les vacances, mon grand-père m’avait promis le transport pour que j’aille rendre visite à mes parents. Il n’a pas tenu sa promesse car il ne m’a pas envoyée l’argent. J’ai tellement pleuré que ça m’a marquée. Et là, j’avais fait une prière.
J’ai dit à Dieu que pendant quatre dimanches, j’irai à l’église et qu’en retour, il fasse que mon père m’envoie l’argent du transport. Miraculeusement, le troisième samedi, mon oncle Sayouba, qui me surnomme Singaladjan (qui veut dire longs pieds en Dioula) m’appelle et dit : « Tiens l’enveloppe ! Ton père dit de venir à Pô ». J’étais tellement contente que je ne suis plus jamais retournée à Bobo. j’ai arrêté mon éducation scolaire au CM2.
Quel genre d’élève étiez-vous, calme, brillante, turbulente ?
Je n’étais pas turbulente. Au contraire, j’étais vraiment très renfermée. Quand vous me demandez par exemple le nom d’un de mes promotionnaires, je ne sais pas.
Je savais toujours me tenir. Même pour les leçons qu’on nous demandait d’apprendre, je faisais l’effort d’être à jour. Mais quand il y a un certain laxisme, je ne me donne pas cette peine d’apprendre.
Qui serait le maître ou la maîtresse à qui vous voudriez rendre hommage ?
Seigneur jésus, qu’ils me pardonnent si l’un d’entre eux tombe sur cet article ! Je ne me souviens du nom d’aucun enseignant. C’est extraordinaire. Cette partie de ma vie-là, je ne m’en souviens pas.
La vie auprès de ton père, c’était comment ?
Mon père, c’était un papa-poule. Mon père nous a tellement protégés. Je n’ai jamais quitté mon père si ce n’est pas pour aller chez mes grands-parents. J’ai donc gardé cette boule dans laquelle je suis. Par exemple, j’aime pas trop aller chez les gens. Mais, j’aime pas qu’on vienne me rendre visite.
Par contre, ma petite sœur qui a grandi dans une autre famille dans laquelle on l’a assez maltraitée était fort différente de moi. Elle était ouverte, accueillante, elle recherchait le sourire chez tout le monde.
Mon père était un homme vraiment direct. Ma personnalité s’est forgée au fur et à mesure surtout quand on m’a forcée à aller à Bobo, faire des cours de couture.
Mon père a été un papa-maman. C’était mon idole. Quand nous étions petits, il prenait des tôles et se cachait pour faire le tô pour nous. Même étant le premier garçon de sa maman, ma grand-mère lui faisait préparer le tô et le riz.
Je me rappelle qu’il nous amenait ma petite sœur et moi au camp militaire. Chaque matin à 7h30, ils montaient le drapeau. Un jour, Thomas Sankara, paix à son âme, était de passage au CENEC (centre national d’entrainement de commando) à l’heure de monter le drapeau. Il a pris ma petite sœur sur ses épaules et moi, il m’a attrapée la main en étant au garde à vous. La photo n’existe plus parce qu’elle a été volée.
Qu’en est-il de votre mère puisque vous parlez beaucoup de votre père ?
Ma mère s’appelait Iya Awa. Elle s’est disputée avec mon père quand j’avais 5 ou 6 ans. Elle nous a abandonnés et elle est partie. Elle a eu peur de revenir parce que, ce que mon père lui avait dit était la vérité. Ses copines l’avait montée contre lui. Sincèrement, je ne pourrai pas vous dire comment était ma mère, parce qu’elle venait de temps en temps nous voir et repartait.
Malheureusement, elle est décédée en 1990 à l’âge de 34 ou 35 ans. Donc du coup, même pour me souvenir de son visage, j’ai besoin d’avoir sa photo devant moi. Une anecdote, c’est mon père qui a appris à ma mère comment préparer les mets d’ici puisqu’elle est d’origine ghanéenne. Quand ils se sont connus, elle n’avait que 16 ans. Aujourd’hui, je parle plus de mon père parce que c’est avec lui que j’ai grandi.
Qu’est-ce que vous aimeriez dire à votre père Jean Siambo?
Si j’ai quelque chose à lui dire, c’est ceci : « Papa, si je devrais me réincarner dix mille fois, tu seras toujours mon père, pareil pour mes frères et sœurs. Vous êtes ma plus grande fierté. Tu me manques beaucoup et j’espère que là où tu es, tu reposes en paix ! Mon plus grand regret, c’est que tu n’aies pas vécu assez longtemps pour me voir chanter ».
Vous allez me faire pleurer ce soir. (Pleurs !).
Ce don de chanter, je tiens ça de lui. C’était un interprète. Je l’imagine arriver dans un maquis avec mon premier album ou le second Azalaki et jouer mon CD. Personne n’allait jouer autre musique si ce n’est que moi.
Françoise Tougry
Sana Latifatou (Stagiaire)