Le centre de presse Norbert Zongo a organisé ce 17 juin 2022, un atelier de réflexions et de partage d’expériences entre les femmes journalistes. Il s‘agit de celles qui ont fait des enquêtes ou des reportages sur le calvaire que vivent les femmes déplacées internes PDI. Le but est de leur permettre de s‘exprimer sur la question. Mariam Ouédraogo, journaliste reporter au quotidien Sidwaya était l’invitée.
Mariam Ouédraogo a partagé son expérience de journaliste reporter dans le domaine de l’investigation, avec les participantes. «J’ai eu à échanger avec mes consœurs sur un certain nombre de sujets que j’ai traité avec les femmes déplacées internes», a-t-elle déclaré.
Il s’agit principalement des différentes exactions commises par des hommes armés non identifiés sur ces femmes dans la zone de Kaya. Elles ont été fouettées, violées. Il en a résulté des grossesses et des naissances, des tentatives d’avortement et des suicides. « Il y a eu des suicides et des répudiations. Celles qui ont déjà souffert de viol, au nom de la coutume et d’autres croyances religieuses sont chassées de leur communauté», déplore-t-elle.
Pratiquer le journalisme n’est pas aisé. Et ce n’est pas Mariam Ouédraogo qui dira le contraire. En effet, cette dernière a rencontré d’énormes difficultés qui l’ont affectée physiquement et moralement. « J’ai fait 11 mois sans travailler. Sur recommandation du médecin, j’ai quitté le pays pendant trois mois. J’ai fait de la nébulisation», évoque-t-elle. La nébulisation est un traitement administré aux asthmatiques en cas de difficultés respiratoires. «C’est un peu de la ventoline qu’on branche. Ça dégage les poumons et l’appareil t’aide à bien respirer. Ça m’a beaucoup sauvée. Quand j’étais en Côte d’Ivoire, j’ai fait sept ou huit séances qui m’ont soulagée», révèle-t-elle.
Mariam Ouédraogo dit être soulagée mais, pas complètement remise de son traumatisme. Son attitude le confirmera car pendant qu’elle faisait la présentation des différentes enquêtes menées sur les femmes déplacées internes, elle est à nouveau victime d’une crise d’asthme qui la contraint à quitter la salle pendant un moment.
Elle tente si bien que mal de dissimuler sa souffrance, se demandant si un jour, elle s’en sortira. «Je ne sais pas si je suis condamnée ou pas. J’ai une crise d’asthme et ça devient compliqué. Ça ralentit mon travail. Je suis très épuisée. Je fais croire aux gens que ça va. Mais, je souffre», commente-t-elle.
A la question de savoir si elle va arrêter de travailler en tant que journaliste malgré tout ce qu’elle a vécu, Mariam hésite encore sur la suite à donner à sa carrière. «A vrai dire, je ne sais pas. Actuellement, je suis très épuisée et sans force. C’est trop tôt pour dire que je vais arrêter. Tant que j’aurais cette petite santé pour continuer, je vais continuer jusqu’à ce que la vie me lâche », a-t-elle laissé entendre.
Mariam Ouédraogo invite par ailleurs les journalistes à aimer d’abord leur métier. «Je suis venue dans ce métier, le seul que j’aime. Dieu m’a fait grâce et chaque jour, quand je me réveille, je me rends compte que je suis journaliste. Ça ne fait que me motiver davantage», note-t-elle. Elle a tenu à rappeler que le métier de journaliste exige de la patience, de la passion, du courage et surtout de la discrétion.
Selon Mariam Ouédraogo, s’intéresser à l’investigation sans être discret, c’est se mettre en danger, exposer ses sources et son entourage.
La plupart des sujets qu’elle traite sont des sujets considérés comme sensibles. Mais, aux yeux de la journaliste, de tels sujets sont à la fois passionnants et stressants. A l’en croire, même au niveau de l’administration, ceux qui sont sensés donner des informations ne le font pas.
Au niveau des rédactions également, les journalistes ne disposent pas de tous les moyens encore moins du temps nécessaire pour la production de leurs articles. «Souvent, on veut bien faire les choses jusqu’au fond. Mais, notre volonté seule ne suffit pas. Il faut un accompagnement de nos médias», précise-t-elle.
Au terme de cet atelier, les participantes ont formulé des recommandations. Elles ont suggéré de perpétuer ces genres d’initiatives. Une autre de ces recommandations est que les médias nouent un partenariat avec des cabinets d’assistance psychologique pour venir en aide aux journalistes qui subissent des traumatismes liés à l’exercice de leur fonction.
L’une d’entre ces recommandations est que le centre de presse Norbert Zongo réussisse à mettre en place un fonds de soutien aux journalistes pour leurs productions. Aussi, est suggérée une thérapie de groupe. Les journalistes ont proposé de se retrouver une fois par mois dans la bibliothèque du centre pour faire de la lecture en vue d’ enrichir leurs connaissances.
Françoise Tougry
queenmafa.net