Le Burkina Faso connaît une recrudescence d’enlèvement d’enfants depuis 2021. Au regard de la gravité de la situation, les chercheurs se sont intéressés au sujet. Ainsi, l’institut des sciences des sociétés (INSS) a organisé ce mardi 31 mai 2022 un panel à cet effet.
Selon les données de la police, le Burkina Faso a enregistré 191 déclarations de sortie d’enfants en 2020 et 220 déclarations en 2021, soit 30 enfants de plus que l’année précédente. De janvier à fin février 2022, ce sont environ 56 enfants qui ont disparu.
A en croire le docteur Sabine Somé, membre de l’équipe protection et cohésion sociale du laboratoire patrimoine de l’INSS, cette recrudescence de la disparition d’enfants est en partie liée au manque de vigilance des parents, à l’accentuation des pratiques occultes néfastes et au confiage. « On enlève l’enfant pour aller au niveau des pratiques occultes pour pouvoir s’enrichir. L’enfant est une cible pour alimenter les réseaux de traite, de trafic, d’exploitation sexuelle et économique », a-t-elle déploré.
Plusieurs facteurs sont à l’origine de ces disparitions. Les chantages affectifs, les mauvaises compagnies et la maltraitance à l’égard des aides familiales sont également des causes de l’accentuation de la disparition des enfants. « Beaucoup de filles sont dans cette situation. Quand elles sont maltraitées, elles s’échappent et se perdent », a précisé Martin Sanou, directeur de la protection de l’enfant au ministère de la femme et du genre.
Les parents pointés du doigt
Le phénomène d’enlèvement est une conséquence de la désintégration sociale de la société africaine. Selon Tamba Kourouma, représentant pays ECPAT France-Luxembourg, les enfants se retrouvent dans un monde où il n’y a pas de repère. La notion de ménage a progressivement remplacé celle de famille. « Si l’enfant est amené à vivre dans un ménage, vous n’imaginez pas ce qu’il perd en terme de valeur éducative », a-t-il mentionné.
L’éducation des enfants est de plus en plus confiée à des inconnues. Tout ce qui est système de sécurité et de suivi n’existe plus. Les parents sont devenus de plus en plus négligents vis-à-vis de l’éducation des enfants.
Pour remédier à cela, Tamba Kourouma propose de remettre chaque parent face à ses responsabilités, son rôle et ses engagements. De son point de vue, « Il faut un véritable travail de re-parentage. Être un géniteur ne signifie pas forcément être un parent », a-t-il laissé entendre.
Pour lutter contre le phénomène d’enlèvement des enfants, les panélistes interpellent les parents sur la nécessité d’être plus vigilants à l’égard des enfants. « Il faut aussi que les enfants écoutent les parents parce que s’ils n’écoutent pas et n’appliquent pas ce qu’on leur dit, ils seront toujours exposés », a déclaré Dr Sabine Somé.
Le directeur de la protection de l’enfant au ministère de la femme et du genre quant à lui préconise une maximisation des actions de sensibilisation des populations sur le phénomène en mentionnant les mécanismes de signalement. Martin Sanou propose également de renforcer la rigueur dans le contrôle des déplacements d’enfants.
Ce panel intervient dans le cadre du séminaire scientifique de l’institut des sciences des sociétés (INSS).
Marie Sorgho