Directrice exécutive de l’Académie africaine des sciences, basée à Nairobi, et professeure à l’Université de Johannesburg (Afrique du Sud), Catherine Ngila a une spécialité : l’eau et ses polluants. Elle y consacre ses travaux depuis trois décennies, œuvrant à la mise au point de procédés de détection et de filtrages basés notamment sur les nanotechnologies. Des innovations qui lui ont valu de recevoir le prix L’Oréal/Unesco pour les femmes et la science en 2021, en compagnie de quatre autres lauréates du monde entier. Cinq ans plus tôt, elle avait déjà été sacrée meilleure femme scientifique d’Afrique du Sud.
L’objectif ultime de Catherine Ngila est clair comme de l’eau de roche : le développement de nanofiltres à grande échelle pour pouvoir équiper tous les foyers ruraux d’Afrique en cartouches filtrantes à des prix accessibles.
Si le sujet lui tient à cœur, c’est qu’il résonne en elle depuis l’enfance. Lors de ses jeunes années, l’eau de tous les jours était celle qu’on allait puiser à la rivière. Une eau rouge, trouble, qu’il fallait systématiquement passer à travers un carré de tissu et mélanger à du bicarbonate de calcium pour essayer de neutraliser les impuretés.
A l’école primaire, elle brille en mathématiques afin de satisfaire son professeur qui menace de châtiments corporels les élèves récalcitrants. Au collège, elle découvre sa véritable passion, la chimie.
Chevaux de bataille
A sa nomination, elle est à nouveau la seule femme noire à son niveau. De quoi forger sa détermination à devenir un « role model » pour d’autres après elle. Une ambition qui est même l’un de ses moteurs pour rester vivre, travailler et enseigner en Afrique. Les jeunes filles du continent envisagent trop rarement de poursuivre leurs études jusqu’au doctorat, regrette la professeure : « On attend d’abord d’elles qu’elles se marient et fassent des enfants. Moi je leur dis : ne débutez pas une relation avant d’avoir obtenu au moins un diplôme ! »
Elle espère voir plus de femmes se lancer dans les métiers de la science… et plus de jeunes chercheurs africains disposer des outils pour réaliser leur potentiel. Car si l’Afrique subsaharienne ne manque pas de têtes bien faites, les universités, elles, sont souvent bien mal loties. A l’exception de l’Afrique du Sud, la plupart des laboratoires de la région sont cruellement dépourvus d’équipements et de financements.
A l’Académie africaine des sciences, cette institution panafricaine chargée de promouvoir la recherche scientifique sur le continent, elle en a fait l’un de ses chevaux de bataille. « J’exhorte les gouvernements africains à investir, sans quoi l’Afrique restera éternellement en queue de peloton de la recherche mondiale, lance-t-elle. Si je n’avais pas quitté le Kenya, je ne serais jamais arrivée là où j’en suis. »
Source : lemonde.fr