Né pour valoriser le travail des artistes plasticiens, le marché d’arts contemporains de Ouagadougou « Wékré » a ouvert ses portes le 1er juin 2021. Queen Mafa est allé à la rencontre des artistes plasticiennes venues exposer leurs œuvres. Reportage !
Des tableaux accrochés aux arbres, d’autres posés sur des supports, des statues disposées çà et là, des meubles artistiques…C’est le décor qui s’offre aux yeux du visiteur lorsqu’il arrive sur le site de l’exposition Wékré. Au fur et à mesure qu’il observe les différentes œuvres, il est transporté dans un univers d’émerveillement mais aussi de réflexion rythmée de temps à autres par les chants d’oiseaux et des éclats de rires. Cette partie du parc urbain Bangr weogo qui abrite l’exposition depuis le 02 juin 2021 a été transformé en un véritable marché d’œuvres d’arts à ciel ouvert. « Nous avons bien fait de venir faire l’exposition ici parce que l’espace est plus grand, plus convivial et très agréable », affirme Aboubacar Sanga, secrétaire exécutif du collectif Wékré.
Avec pour thème « la course de fond », la deuxième édition de Wékré est orientée vers les professionnels du domaine. L’année dernière, un appel à projet avait été lancé et tous les postulants avaient été retenus. « Cette année, on voulait s’inscrire dans la démarche des marchés professionnels des arts plastiques. Les artistes ont été choisi à partir de leur travail par un comité de sélection », indique Aboubacar Sanga.
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Venus du Mali, du Togo, du Benin, de la France ou originaire du Burkina Faso, ils sont une cinquantaine d’artistes dont 10 femmes à participer à l’exposition.
« La femme m’inspire »
Artiste chanteuse et peintre, Makamsa Yago prend part à Wékré pour la deuxième fois. Trois de ses tableaux sont exposés et ils sont tous en lien avec la femme. « La femme m’inspire donc dans mes peintures, j’essaie de mettre l’accent sur sa vie, ses œuvres, ses combats, … », fait savoir Makamsa Yago dont la particularité est de peindre avec un couteau. Ses tableaux ont donc une texture rugueuse au toucher, ce qui les différencie des autres.
Wékré est pour elle une opportunité de faire connaitre son art. « Si au Burkina, on arrive à participer à des marchés d’art, on fait connaitre notre art au plan national et on impose petit à petit notre marque », explique l’artiste peintre. Elle invite donc la population à visiter l’exposition afin de se familiariser avec le travail des artistes plasticiens.
Vous vous êtes déjà assis sur une chaise-marmite ?
Contrairement à Makamsa Yago, Suzanne Kaboré, artiste designer est à sa première participation à Wékré. « Je suis venue présenter deux salons et un bar donc un total de trois œuvres », nous dit Suzanne Kaboré. « J’utilise des matériaux comme le métal, le bois et des objets du quotidien comme les marmites, les cuillères, les fourchettes, les clés et les barriques », poursuit l’artiste. L’un des salons de Suzanne qui attire particulièrement les regards contient d’ailleurs deux marmites dont l’une sert de table et l’autre de chaise. Tous les dossiers des chaises de ce salon sont faits avec des couvercles de marmites. Même si l’engouement est au rendez-vous, l’artiste designer note que les acheteurs sont rares. « Les gens viennent surtout visiter mais d’ici la fin, on se dit qu’on aura des achats », espère Suzanne Kaboré. Elle décrit l’initiative Wékré comme une aubaine pour les artistes de se retrouver et d’apprendre les uns des autres.
A qui la faute ?
Une adolescente de 13 ans, les mains sur la tête, sa grand-mère assise derrière elle, sa mère et sa sœur ainée qui se tiennent debout à l’arrière, le tout titré : « A qui la faute ? ». C’est l’œuvre sculpturale de Talato Agnès Tebda, également peintre et marionnettiste. « A travers cette œuvre, je pose la question de savoir à qui revient la faute concernant l’éducation d’aujourd’hui. Pourquoi ça ne va pas ? Comme vous le voyez, la petite fille qui a 13 ans est enceinte donc sur qui faut-il rejeter la faute », s’interroge Talato Agnès Tebda. En plus de cet ensemble de sculpture, l’artiste peintre présente deux tableaux. Agnès Tebda, remercie les promoteurs de Wékré pour la mise en place de ce festival qui met en exergue les artistes plasticiens : « Avant on n’avait pas de cadre consacré à notre art au Burkina mais désormais grâce à eux, on en a donc nous les remercions ». Elle interpelle aussi les autorités sur la nécessité de tenir compte de ceux qui ont décidé de faire de l’art plastique leur métier.
« Les femmes africaines se battent pour pouvoir s’imposer dans ce milieu »
Artiste peintre et art-thérapeute, Isabelle Dossa fait partie de exposants de la deuxième édition de Wékré. Trois de ses œuvres qui font référence à la femme africaine en général et béninoise en particulier sont exposées. Intitulé « derrière un homme », l’un des tableaux de l’artiste peintre parle de la place cachée de la femme. « Ce que j’ai voulu montrer c’est que derrière un homme, il y’a une femme qui est suffisamment large, non pas parce qu’elle est corpulente, mais parce qu’elle porte sur elle-même tout le poids de la famille », décrit Isabelle Dossa. « C’est cette mère qui est là pour ses enfants même si le père va voir ailleurs », ajoute l’artiste.
Du point de vue d’Isabelle Dossa, la deuxième édition de Wékré diffère de la première sur plusieurs points notamment l’organisation, le cadre et les partages d’expériences. Elle se réjouit du fait que la situation de la femme artiste en Afrique soit au menu des échanges. « Je vis ici depuis 10 ans et je vois qu’autour de moi, les femmes africaines se battent pour pouvoir s’imposer dans ce milieu », déclare Isabelle Dossa.
Signifiant éclosion en langue mooré, le projet « Wékré » est un cadre de visibilité pour les artistes plasticiens du Burkina sur le plan national. L’acte 2 de Wékré a pour invitée d’honneur la peintre burkinabè qui réside en France depuis une trentaine d’années, Olga Yaméogo. La clôture de la deuxième édition est prévue pour le dimanche 06 juin 2021.
Faridah DICKO