Depuis la fermeture des frontières terrestres par le gouvernement en 2020 pour raison de Covid-19, les activités commerciales qui dépendent de l’import-export tournent au ralenti. A la gare du train où nous avons fait un tour, les commerçantes crient leur ras-le-bol. Lisez plutôt !
Le soleil se montre timide ce mardi 1er juin 2021 à Ouagadougou. Aux abords de la gare de train, les commerçants assis chacun devant son étal bavardent avec leurs voisins. Dans ce coin qui grouillait de monde, l’affluence d’antan n’est plus perceptible. Depuis l’avènement de la Covid-19 et de ses mesures restrictives, les trains sont à l’arrêt. Les commerçants qui n’ont pas fermé boutique, restent là en espérant voir la reprise de leur activités, conditionnée par l’ouverture des frontières.
Restauratrice d’une quarantaine d’années, Awa Bamogo est mariée et mère de famille. Ce restaurant fondé par sa mère, il y’a 31 ans est aujourd’hui sa seule source de revenu. « Ici, nous vendons, du tô, du riz, de l’attiéké, … ». Quelques années plutôt, les affaires marchaient bien et Awa pouvait cuisiner deux fois dans la même journée. « Avec les recettes du restaurant, on payait même les impôts », explique la restauratrice. Cependant, depuis le 21 mars 2020, date à laquelle le Président du Faso, Roch Kaboré a annoncé la fermeture des frontières, la situation du restaurant a changé. « Depuis l’arrêt du train, c’est dur pour nous. Les voyageurs ne viennent plus, ce sont nos voisins commerçants seulement qui mangent ici. Nous cuisinons mais ça ne marche pas, on n’est obligé de ramener ce qui reste à la maison et de jeter ce qui est gâté », déplore Awa Bamogo. « Regarde ça, c’est depuis hier qu’on a cuisiné et jusqu’à présent c’est pas fini. Ça va se gâter, je vais prendre jeter », dit-elle en montrant une glacière de couleur marron contenant des sachets de tô.
Sur le même alignement que le restaurant d’Awa Bamogo, Saramatou Sidalo vend diverses marchandises. « Il y’a du savon kabakourou, du kaolin, de l’huile rouge, du café, … », indique Saramatou. Vendeuse de marchandises à la gare de train depuis une vingtaine d’années, Saramatou Sidalo, souffre aussi de la fermeture des frontières. « Je n’ai plus de clients donc certains de mes produits pourrissent. Pourtant actuellement, les marchandises sont devenues chères. Pour faire venir ça des pays côtiers, il faut payer à peu près un double transport et attendre 10 jours pour que ça arrive ici. Avec le train, ce n’était pas comme ça », fait remarquer Saramatou. « Pourtant, nous n’osons pas augmenter le prix des produits aussi sinon notre situation va empirer », poursuit la vendeuse.
A quelques pas de Saramatou Sidalo, Djémila Compaoré s’occupe du commerce de sa tante. Ici, en plus des marchandises comme le café, l’huile, le savon, il y’a aussi des plats en bois, des mortiers et des pilons. « La majorité des produits que nous commercialisons vient de la Côte d’Ivoire donc depuis que le train ne part plus, nous peinons à renouveler nos stocks », souligne Djémila. « Nos clients viennent demander certains produits mais ce n’est pas disponible vu que les frontières sont fermées », ajoute Djémila Compaoré.
« Qu’ils ouvrent les frontières, ça ne va pas du tout »
Toutes les commerçantes que nous avons rencontrées aux abords de la gare de train sont unanimes : elles n’ont reçu aucune aide du gouvernement pour la relance de leurs activités. Aussi, plaident-elles auprès des dirigeants pour l’ouverture des frontières.
« Les frontières sont fermées, la clientèle se fait rare, les prix des produits sur le marché aussi augmentent. Nous qui achetons pour revendre là, on fait comment pour avoir de quoi survivre ? », interroge Awa Bamogo. « Qu’ils ouvrent les frontières ou qu’ils diminuent le prix des produits parce qu’ici, nous, on ne s’en sort plus ! », conclu la restauratrice.
« Nous souhaitons que le gouvernement ouvre les frontières afin que nous puissions renouveler nos stocks sinon c’est le chômage qui nous guette », lance Djémila Compaoré.
« Qu’ils ouvrent les frontières parce que c’est chaud. Ça ne va pas du tout », clame Saramatou Sidalo.
Au moment où nous quittions la gare de train, une femme, mine serrée ramassait des fruits de la passion pourris pour aller les jeter. « Elle a commandé ça à l’extérieur et c’est venu par les cars. Quand c’est arrivé ici, c’était déjà gâté. Elle ne peut rien faire avec, c’est une grande perte », nous fait savoir l’une des voisines de la victime. « C’est comme ça qu’on souffre ici, il faut que les trains là redémarrent », dit-elle en s’éloignant.
L’idée de fermer boutique et d’aller rester à la maison en attendant la levée des restrictions de la Covid-19 a bien sûr déjà traversé l’esprit de ces commerçantes. Mais, Awa, Saramatou et Djémila même si elles ont de plus en plus de mal à avoir de la clientèle, continuent de vendre dans l’espoir que les frontières terrestres s’ouvrent bientôt. Combien de temps, pourront-elles encore tenir ?
Faridah DICKO