Assister les femmes enceintes pour qu’elles accouchent en sécurité est la passion de Mariam Nonguerma/Zoromé. Présidente de l’association des sages-femmes du Burkina Faso, elle a su transcender certaines difficultés pour être à l’écoute des femmes au point de devenir leur avocate. Rencontre avec cette femme pour qui le métier de sage-femme n’a plus de secret. A l’occasion de la journée internationale des sages-femmes célébrée tous les 5 mai , QueenMafa est allé à sa rencontre.
Parlez-nous de votre expérience dans le métier
Le métier de la sage-femme est très prenant et très passionnant. Il y a des moments de joie et souvent des moments de tristesse. Moi j’ai eu beaucoup de bonheur et de joie en exerçant cette profession car j’ai pu m’approcher des femmes. En dehors des accouchements, des soins professionnelles et curatifs, je suis devenue une sorte d’avocate et juge dans beaucoup de couple. Mais il y a des moments où nous sommes tristes parce que lorsque nous recevons une femme enceinte et que l’accouchement se solde par un mort-né ou par la perte de la mère, nous sommes affligées au même titre que les parents. Heureusement, dans la majorité des cas, les accouchements se passent bien et c’est la joie. Moi c’est mon sacerdoce. S’il m’était permis de revenir, je reviendrais sage-femme sans hésiter parce que j’en tire beaucoup de profit, pas en terme pécuniaire mais en terme relationnel, d’amour etc.
Quelles sont les difficultés liées au métier de sage-femme ?
Les difficultés sont d’ordre humain, matériel, organisationnelle et sociale. Sur le plan organisationnel, si vous êtes une sage-femme, et que vous n’êtes pas écouté, cela est une difficulté. Nous devons souvent être écoutées non pas seulement par nos patrons mais aussi par les femmes . Quand il y a la douleur, il y a un désaccord car la douleur de l’accouchement est insupportable si bien que certaines femmes ne coopèrent pas et c’est de là que naissent le plus souvent les altercations. Sur le plan matériel, nous avons souvent besoin de certains matériaux pour faire notre travail mais il y a des moments où il n y en a pas.
C’est vrai que l’État fait des efforts, mais le besoin se fait toujours sentir. Pour les difficultés sur le plan social, dans le métier de sage-femme, il nous arrive de passer certaines fêtes dans les centres de santé. Si vous n’avez pas un conjoint qui vous comprend, cela peut être une source conflictuelle. Mais fort heureusement ça marche dans la plupart des cas parce que ceux qui épousent les sages-femmes savent qu’elles peuvent ne pas être là à tout moment.
Sur le plan des ressources humaines, il faut que les sages-femmes soient en nombre suffisant. Si une sage-femme doit suivre 5 à 6 femmes dans la nuit, admettez qu’à un moment donné elle est exténuée, il y aura évidemment des changements d’humeur et les problèmes s’en suivent.
On reproche aux sages-femmes d’être insensibles et sévères, qu’est ce qui explique cela ?
C’est le volume horaire de travail qui explique souvent que les sages-femmes sont souvent nerveuses. Comme dans tous les métiers, il y a des rebelles, des gens de mauvais humeurs, réfractaires à tout. Vous avez beau les rappeler à l’ordre, certaines vont transporter leur humeur de la maison au travail pour les mettre sur les femmes. Nous sommes désolées, on le répète mais beaucoup ne changent pas. Il y a certaines qui changent avec l’information mais d’autres ne changent pas et cela c’est dans tous les corps de métier. Ce que je demande toujours aux sages-femmes c’est d’être compatissantes envers les femmes, d’être à leurs écoute et surtout leur assurer un bon accueil. Aussi, nous demandons aux femmes enceintes de comprendre, de coopérer et d’accepter d’adopter la position qu’on leur demande car c’est pour leur bien. Quand l’accouchement se déroule mal, la femme serre ses cuisses et que l’enfant ne sort pas au moment voulu, le système nerveux se compresse et l’enfant peut sortir mais il peut ne pas être intelligent et dans ce cas c’est toute la communauté qui aura perdu.
Que ressentez-vous après avoir fait accoucher une femme ?
Ce que nous ressentons, c’est un sentiment de joie car nous sommes les toutes premières à toucher le bébé avant sa maman. Même si la mère accouche par césarienne, après l’opération, le médecin remet l’enfant à la sage-femme qui plus tard va le rendre à la mère. Pour tous les enfants que j’ai tenu dans mes mains, je déborde toujours de joie à tel point qu’on me dit que je suis toujours joyeuse mais c’est le fait de tenir le bébé dans les mains. Et lorsque nous remettons l’enfant à la mère, elle et ses accompagnants débordent de joie. Et quand la joie est partagée, les sages-femmes ressentent le bonheur.
Entretien réalisé par Marie Sorgho