Depuis la crise alimentaire de 2008, le gouvernement a adopté des mesures pour augmenter la production du riz local et ce fut un pari réussi. Mais 12 ans après, le constat est alarmant : le pays n’est toujours pas autosuffisant en riz. La filière riz local serait mal au point selon les acteurs. A qui la faute ? Le gouvernement est pointé du doigt.
Des bidons d’huiles, des boîtes de patte de tomates, des sacs de spaghetti, ce sont autant de produits alimentaires que l’on aperçoit dans une boutique au quartier Wayalghin de Ouagadougougou. Ici, on y trouve également toutes les variétés de riz et le client a l’embarras du choix. « Les gens apprécient bien le riz made in Burkina, d’ailleurs j’ai des clients fidèles qui s’approvisionnent ici », a laissé entendre Bouba Diakité, gérant de la boutique. Et d’ajouter : « Certains clients trouvent que le riz du Burkina est sain et que s’ils en consomment, ils ne risquent pas certaines maladies. Donc ils préfèrent ça au riz importé ».
Pour la clientèle, le choix du riz made in Burkina se justifie par sa qualité. « Cela fait pratiquement 7 ans que toute la famille consomme le riz du Burkina parce que nous avons constaté que ce riz est de qualité donc nous en consommons régulièrement », a laissé entendre Madina Fofana, mère de famille et enseignante dans une école privée de la place. « Il n’y a pas plus propre et meilleur produit que ce qui est produit chez nous. Le riz burkinabè est un riz de qualité, j’en consomme et j’en suis fière », ajoute Benjamin Ouoba, comptable.
Dans un autre point de vente de produits alimentaires situé à Somgandé, le constat est le même. « C’est vrai que je vends toutes les variétés de riz mais j’ai une catégorie de clients qui ne payent que du riz local », a confié Seydou Segda, gérant de la boutique.
A en croire ces gérants et ces consommateurs, le riz du Burkina est très prisé. S’il y a quelques années le riz local était délaissé au profit du riz importé occasionnant des méventes chez les producteurs, cela n’est plus le cas aujourd’hui. Bien au contraire la demande est de plus en plus forte.
A titre illustratif, la production nationale de riz était de 334 745 tonnes en 2018 alors que les besoins en consommation de la même année s’élevaient à 612 000 tonnes soit un déficit de 235 473 tonnes à combler.
La formule du gouvernement pour combler le déficit, c’est le recours à l’importation. Plus de 40 milliards de F CFA sont injectés chaque année dans l’importation de cette céréale. En 2019, le Burkina a importé près de 400 000 tonnes de riz et le coût est estimé à 51, 4 milliards de F CFA.
Suite à la crise alimentaire de 2008 a pris des mesures pour encourager la production du riz afin d’assurer une sécurité alimentaire durable pour le pays. Ces mesures qui sont entre autres la subvention des intrants, l’adoption du prix plancher ont permis une multiplication de la production de riz par 3. Cependant au fil des ans, l’introduction d’autres instruments pour stimuler la production et stabiliser les prix, n’ont pas produit l’effet escompté. Le non fléchissement des prix, le freinage de la croissance de la production du riz ont vite déchanté les acteurs.
Pour les acteurs de la filière riz, cette situation peu reluisante est liée non seulement à l’insuffisance des mesures d’accompagnement mais aussi à un relâchement dans le suivie de la filière par le gouvernement.
« Chaque année le gouvernement fait des efforts mais ce n’est pas suffisant », a indiqué Jacob Kiema, responsable des initiatives économiques pour le compte des organisations de producteurs du Burkina Faso.
Un marché mal organisé
Les organisations de producteurs se plaignent de la gestion du marché du riz local. Entre fraude et non implication de l’Etat, le marché du riz local n’est pas règlementé. Faute d’organisation, la gestion du marché est laissée à tout le monde, même à ceux qui ne sont pas du domaine, chose qui fragilise la filière riz.
« Ce n’est pas un marché organisé parce que depuis l’ouverture de cette possibilité de livrer le riz aux cantines scolaires, tout le monde est devenu en même temps producteur et commerçant de riz, même ceux qui ne travaillent pas dans la filière. Cela fait qu’il y a des marchés qui ne reviennent pas aux vrais acteurs », a déploré Maimouna Ouédraogo, secrétaire permanent de l’union nationale des producteurs de riz du Burkina.
Cette défaillance dans le processus de la promotion du riz local est en partie attribuée à l’Etat. « L’Etat commence l’accompagnement des producteurs mais il n’achève pas. Il lâche au niveau de la commercialisation. Il y a un sérieux manque de suivi dans la commercialisation », a indiqué Adama Bantanga, président de l’union des producteurs de riz de Bagré.
« Il n’y a pas de stratégie de collecte, les producteurs produisent et après, ils ne savent pas où envoyer la marchandise. Chacun est obligé de vendre souvent aux étrangers pour rembourser leur dette », a ajouté Adama Bantanga.
La gestion du marché est un élément capital dans le processus de la promotion du riz local. Si cette étape est bafouée, elle peut paralyser la filière riz.
« Accompagner les producteurs pour qu’ils produisent c’est bien mais il faudra qu’on trouve un marché pour ces producteurs-là parce que si on produit et on n’arrive pas à vendre, cela décourage les producteurs », a noté Kiéma Jacob.
Les organisations de producteurs s’organisent pour remonter la pente
Face à ces difficultés qui minent la filière riz, les groupements de producteurs ont décidé d’agir pour réduire les importations et contribuer à une plus grande production de cette céréale.
Entre marché groupé, construction de vitrine et promotion lors des foires, chaque groupement de producteur met en place une stratégie pour valoriser le riz local.
Au niveau de la confédération paysanne du Faso, les solutions envisagées concernent essentiellement la gestion du marché.
« Nous faisons le marché groupé : au lieu que chaque producteur aille vendre au marché, ce serait intéressant qu’on cherche un marché et on rassemble le stock avant d’aller vendre », a souligné Jacob Kiema avant d’ajouter :
« Nous recherchons également des marchés auprès des institutions comme les cantines scolaires, donc nous prenons contact avec les mairies qui gèrent ces cantines en vue de les approvisionner en riz local ».
Du côté de l’union nationale des producteurs de riz du Burkina, la coopération est la formule choisie pour booster la filière.
« Nous avons l’occasion de collaborer avec les communes pour approvisionner les écoles en riz, ça c’est déjà une grande ouverture pour nous », a laissé entendre Maimouna Ouédraogo.
1 million de tonnes de riz d’ici 2021 : l’initiative présidentielle à la rescousse
Conscient des difficultés qui minent la filière riz, l’Etat burkinabè entend mettre en œuvre un mécanisme de production de riz à grande échelle avec des mesures d’accompagnement à l’endroit des producteurs.
En vue de répondre aux besoins de la population, le chef de l’Etat, Roch Marc Christian Kaboré a lancé une initiative : celle de produire 1 million de tonnes de riz à l’horizon 2020-2021. L’objectif de cette intervention est d’accroitre la production pour l’atteinte de l’autosuffisance en riz et réduire les importations. Pour la réalisation de ce projet, l’Etat prévoit l’aménagement des bas-fonds, le renforcement des capacités des acteurs, l’octroi des intrants aux producteurs. « Les actions prévues sont la dynamisation des anciens bas-fonds aménagés et des plaines irriguées à travers la contractualisation. En termes d’intrants, ce sont environ 19 764 tonnes de semences et 39 141 tonnes d’engrais qui seront mis à dispositions des producteurs », a confié Traoré Drissa, responsable du suivi évaluation au niveau du projet riz pluvial.
Il est également prévu des mesures d’accompagnement des producteurs en matière de collecte, transformation et commercialisation du riz produit. « On va fixer un prix plancher d’achat des produits riz », a rassuré Traoré Drissa, responsable du suivi évaluation au niveau du projet riz pluvial.
Il sera instauré une communication en matière de promotion de la consommation du riz du Burkina. A ce titre, il est prévu un prix d’encouragement de la promotion des mets à base du riz au Burkina.
L’Etat prévoit également une réalisation de 600 nouveaux modèles d’exploitations, une signature des contrats de productions et d’achat avec les producteurs.
Malgré les reproches à l’endroit du gouvernement, les acteurs de la filière riz reconnaissent les efforts consentis par l’Etat pour le rayonnement cette denrée alimentaire. Avec l’initiative présidentielle qui est en marche, les producteurs espèrent réaliser leur rêve : celui de nourrir tous les habitants du pays avec le riz « made in Burkina ».
Marie Sorgho