Journaliste à la retraite, Kiemdoro Dô Pascal Sessouma a décidé de de briguer la magistrature suprême. Parmi les 13 candidats, le candidat du parti pacifiste est l’un des rares à être plus concrets lorsqu’il s’agit de la participation de la femme à la gouvernance. Dans cette interview accordée à la rédaction de Queen Mafa, vous pourriez découvrir la place de la femme dans son programme, son analyse sur les rapports homme-femme et sur l’égalité des sexes ainsi que ses rêves pour le Burkina Faso.
Qui est Kiemdoro Dô pascal Sessouma, candidat à la présidence ?
Je suis né dans le Kénédougou l’Ouest du Burkina Faso il y a 63 ans. J’ai grandi au village dans le bonheur de l’herbe, des champs. J’ai fait mes études secondaires au petit séminaire de Nasso puis au séminaire de Kossoghin. J’ai fait l’université de Ouagadougou après mon BAC ; ensuite je suis allé à Dakar où je me suis formé en journalisme. J’ai commencé à travailler à la télévision du Burkina en 1981. J’ai pris le chemin de l’exil en octobre 1984 où j’ai passé 2 ans en Côte D’Ivoire, de là je suis allé au Canada où j’ai eu la chance de travailler à la télévision canadienne en tant que grand reporter. Je suis revenu au pays en 1997 et c’est là que les burkinabè m’ont connu à la RTB comme présentateur de journal. Après cela j’ai créé une agence de communication, j’ai été enseignant aussi à l’ISTIC et j’ai aussi travaillé à la maitrise d’ouvrage de l’aéroport de Donsin. Depuis 2017, je suis retraité .
Comment le candidat que vous êtes, analyse les rapports homme-femme au Burkina Faso ?
Nous sommes dans une société profondément machiste. C’est une société profondément conservatrice. On a beau avoir 68 groupes ethniques, je pense que la place de la femme ne varie pas sensiblement d’une ethnie à une autre. La femme a été éduquée pour servir son mari. Elle a été éduquée pour obéir à son père et subsidiairement à sa mère. Elle n’a pas été éduquée pour être une rebelle donc par conséquent, ce sont des rapports que je ne nommerai pas « soumission » parce que ce mot suppose qu’il y a quelque part écrasement. Moi je parlerai plutôt de respect. Nous avons grandi dans cette culture où la femme est respectueuse de son mari mais sauf que le contraire n’est pas toujours vrai et c’est là peut-être que le bât blesse. Je ne dirai pas que la femme est vraiment opprimé dans ce pays, mais elle mérite quand même une place beaucoup plus importante que celle qu’elle occupe actuellement.
Quelle place accordez-vous aux femmes de votre programme de société ?
Je crois que je suis le seul candidat à l’heure actuelle qui a promis deux choses aux femmes. La première des choses c’est que je vais étonner le monde entier en créant un ministère de la femme typiquement féminin. Ce ministère sera composé uniquement de femmes allant de madame la ministre à l’agent de liaison. Pourquoi ? les femmes sont capables. Je voudrais que les femmes montrent aux hommes comment elles peuvent gérer les affaires de l’Etat à travers ce ministère-là. S’il n’y a pas une seule intervention masculine, les femmes n’auront plus le prétexte de dire que c’est tel ou tel personne qui a dit de faire ceci ou cela. C’est elles qui vont gérer ce ministère d’A à Z. Si ça marche ce sera pour elles tous les mérites, si ça ne marche pas, elles en tireront toutes les conséquences.
Ce ministère-là, s’il est créé va attirer beaucoup de média internationaux. Dans les sociétés occidentales, ils sont très portés sur la question de la femme et beaucoup de journalistes étrangers vont venir ici pour voir comment fonctionne un tel ministère. C’est ainsi que quelque part on crée le buzz et le buzz aussi crée l’économie. C’est bon pour l’image du pays, c’est bon pour l’économie nationale et c’est bon pour l’image de la femme au Burkina Faso.
«Le 8 mars de chaque année, je nommerai une femme premier ministre du Burkina Faso »
J’ai dit que dans mon programme gouvernemental je vais suspendre le poste de premier ministre parce que je considère qu’actuellement dans notre système de gouvernance, le premier ministre n’est pas élu. Il suffit que le président du Faso estime que quelqu’un a des compétences nécessaires et il le nomme premier ministre.
Souvent, ce dernier ne connaît rien du programme du président. Nous allons donc suspendre ce poste là et le président du Faso que je serai, sera responsable devant l’assemblée et devant le peuple. Ce serait donc à moi de délivrer le discours sur l’État de la nation. Comme le poste du premier ministre est suspendu, mais pas supprimé.
Ainsi, le 8 mars de chaque année à zéro heure, je nommerai une femme premier ministre du Burkina Faso pendant 30 jours. Sur mon mandat de 5 ans, il y aura au moins 5 femmes qui auront ce privilège-là de diriger les conseils des ministres, de poser la question de la femme aux autres membres du gouvernement.
C’est vrai que ce n’est que 30 jours, mais il y a un début à tout et c’est mieux que rien. Si ce poste-là réussit et que finalement les femmes qui vont occuper ce poste le gère adéquatement et correctement, ça ne surprendra plus personne qu’une femme puisse prétendre un jour vouloir diriger le Burkina Faso.
La femme burkinabè doit apprendre à s’assumer
Actuellement, les femmes sont timorées en politique. Je vous fais un aveu : pour les élections législatives, j’ai voulu dans une province du Burkina Faso, avoir des candidats uniquement féminins, mais je n’en ai pas trouvé. Au départ, elles étaient toutes partantes et on a trouvé l’idée géniale mais à la fin, lorsqu’elles ont consulté leur mari, elles ont changé d’avis. Vous voyez, c’est ça aussi le problème de la femme. Si elle a besoin de l’accord d’un homme pour sa carrière, elle n’est pas libre de ses décisions.
Je pense que la femme burkinabè doit aussi apprendre à s’assumer. Il est dit dans le mariage que la femme n’a pas forcément besoin de l’accord de son homme pour sa carrière. La carrière politique est une carrière comme les autres mais elles choisissent souvent parce que le mari les menace en disant: choisi entre le foyer et la politique. La plupart choisissent le foyer. C’est un choix que je respecte mais il est peut-être temps aussi qu’il y ait un renversement de tendance à ce niveau.
Pour parvenir à une égalité des sexes, quels sont selon vous les axes sur lesquels il faut agir ?
Ça commence à la base, au niveau de l’éducation. J’ai eu la chance de vivre au Canada, un pays fortement égalitaire. Là-bas, ils sont arrivés à un système où même les hommes portent des prénoms féminins et vice versa. Tout cela pour montrer que « Léa » n’est pas forcément femme et que « Charles » n’est pas forcément homme. Ça c’est leur stratégie à eux.
Moi je ne crois pas que je vais en arriver à cette solution que je juge trop extrême. Je dis seulement que si déjà dans la culture africaine, on arrive à comprendre que dans l’héritage familial, une femme a les même droits qu’un homme, c’est déjà un pas important.
C’est là que ça commence. A ce niveau, les lois ne sont pas rigoureusement respectées. Dans le système éducatif c’est une bonne chose de favoriser par exemple les filles qui ont les meilleures notes en leur accordant une bourse pour pouvoir poursuivre leurs études mais quelque part c’est très insuffisant. Je pense que c’est au niveau des familles même qu’il doit y avoir un changement de mentalité et de paradigme.
« Si vous attendez tout d’un homme, il ne faut pas vous étonner qu’il vous méprise »
Il faut que les gens comprennent que ce n’est pas parce qu’une telle est fille qu’elle ne peut pas réussir autant qu’un garçon. J’ai beaucoup de respect pour ces femmes qui embrassent des métiers d’hommes comme le dit. Ça, c’est un courage extraordinaire. Je crois que la femme burkinabè a malheureusement souvent tendance à tout attendre d’un homme. Si vous attendez tout d’un homme, il ne faut pas vous étonner qu’il vous méprise. Les femmes se trompent elles-mêmes. Souvent entre copines, elles se disent : toi tu es belle, tu n’as plus besoin de travailler, mais voilà l’erreur. Il faut que les femmes arrêtent de se flatter. Tu es belle mais tu es avant tout une femme, tu es un être humain avec ta dignité. Si tu attends tout d’un homme, s’il te donne tout ce dont tu as besoin, tu deviens sa chose.
Donc mesdames, il faudrait que vous preniez conscience que tout autant que les hommes travaillent pour vous donner tout ce qu’il faut pour votre beauté, vous aussi vous pouvez en faire autant. Moi j’ai rarement vu dans ce pays un homme et une femme dans un restaurant où c’est la femme qui sort l’argent de son sac pour dire que c’est elle qui paie la facture. J’ai rarement vu ça alors que le respect commence par là aussi. Une fois de temps en temps aussi prenez l’effort de dire : « aujourd’hui c’est moi qui paye ».
Citez 3 choses dont vous rêvez pour le Burkina et que vous souhaitez voir réaliser dans un futur proche ?
La paix, quand je lis ou quand j’entends qu’il y a des FDS qui sont tombés au front, je dis oh mon Dieu, encore des veuves, encore des familles attristées. Il faut absolument la cohésion sociale : il n’est pas normal qu’on se tape les uns sur les autres.
La solidarité ; à l’extérieur, les burkinabè sont solidaires. Pourquoi ici on ne pourrait pas travailler ensemble ? Quel que soit nos origines ethniques, quel que soit l’endroit où on réside, nous sommes tous les enfants de ce même pays.
Je souhaiterai enfin qu’il y ait moins de corruption dans ce pays parce que la corruption gangrène tout le système économique. Ça veut dire que les efforts consentis par les uns sont mangés par un groupuscule. Ça ne profite pas à un grand nombre d’où la misère, la pauvreté, la délinquance.
Entretien réalisé par Marie Sorgho