L’Université de Ouagadougou a été le théâtre d’un moment fort dans le domaine des arts et de la recherche académique. Éléonore Kocty, comédienne et étudiante en Master d’Arts, Gestion et Administration Culturelles (AGAC), a soutenu avec succès son mémoire de fin de cycle intitulé : « La pratique du métier d’artiste-interprète : état des lieux, défis et perspectives ».
C’est un document de 160 pages que l’impétrante a soumis à l’appréciation des membres du jury. Son travail a été salué par le jury, qui lui a attribué la note de 17/20, signe de la pertinence de sa réflexion et de la qualité de ses analyses.
Durant ses recherches, Éléonore a réalisé un état des lieux complet de la profession, en abordant des aspects essentiels tels que la formation, l’accès au marché, la régularité des offres de travail, ou encore l’utilisation des outils de promotion comme les annales artistiques et les portfolios. Elle a rencontré de nombreux professionnels, analysé des données, dressé des graphiques, pour donner une vue claire sur la réalité actuelle du métier au Burkina.

Mais son regard ne s’est pas arrêté à un simple diagnostic. Le mémoire pose une réflexion critique sur la responsabilité des artistes eux-mêmes dans la précarité qui touche leur métier. « On pense souvent que les artistes sont seulement des victimes. Mais en réalité, nous contribuons parfois nous-mêmes à la clochardisation du métier, en négligeant la formation ou la réglementation », a-t-elle dénoncé.
Parmi ses recommandations, Éléonore insiste sur l’importance d’instaurer une grille salariale, de valoriser la contribution des artistes à la construction nationale, mais aussi de mieux encadrer l’accès au métier. Elle se réjouit d’ailleurs que les conclusions de son travail soient en phase avec les innovations de la nouvelle loi sur le statut de l’artiste, adoptée après la finalisation de ses recherches.
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Elle défend également avec force la nécessité de la formation professionnelle. « On ne peut pas construire une industrie du cinéma solide avec des acteurs qui n’ont pas une bonne maîtrise des techniques et pratiques. Il faut des écoles spécialisées, accessibles à l’échelle nationale », a-t-elle suggéré.
Interrogée à la sortie de la soutenance, Éléonore Kocty explique sa motivation sur le choix du thème. « Je suis artiste-interprète moi-même, et j’ai toujours été préoccupée par le fait que beaucoup d’artistes n’arrivent pas à mettre des mots sur les problématiques de leur domaine. Il n’existait pas encore de travail scientifique sur le métier d’artiste-interprète de cinéma au Burkina, j’ai voulu innover », a-t-elle lancé.

Quant au Pr Yves Dakuyo, il s’est réjoui de la qualité du document produit par l’impétrant. Par la même occasion, il a souligné que la plupart des travaux porte sur des produits finis. « Nous sommes dans un département et très souvent les travaux portent sur les produits finis, notamment sur le cinéma, le film, les qualités de films sur la poétique même du film. Mais nous nous posons rarement des questions sur l’histoire de ce qui se passe en amont », a-t-il déclaré.
Aussi, a-t-il fait savoir que le document produit par Éléonore Kocty est non seulement adressé à toutes les composantes de la chaîne du cinéma mais aussi aux autorités politiques qui sont dans les ministères. Elles ont là des informations de première main qui leur permettront de comprendre comment fonctionne réellement la structure des artistes interprètes.
Georgette Paré a fait savoir que la dynamique de la jeune impétrante l’honore personnellement, car depuis sa jeune carrière, elle a entrepris de trouver des pistes de solutions, afin d’entretenir l’image des artistes-interprètes. « Je suis très ravie de voir une jeune génération qui emboîte le pas et qui va d’ailleurs, plus loin que ce que nous, nous avons fait. Je suis vraiment enchantée, Éléonore de voir que tu as consacré ton master à cela », a-t-elle expliqué.
Fabrice Sandwidi