Elle aurait pu se contenter de défendre le droit des travailleurs domestiques par des plaidoyers. Mais Ophélie Konsimbo a choisi une seconde plume, celle de la littérature, pour interroger le monde. Amoureuse des mots et portée par une passion précoce pour la lecture, elle a trouvé dans l’écriture un espace de liberté, de questionnement et d’existence. Autrice d’une sensibilité rare, sa plume trempe dans l’encre de l’introspection, de la révolte et de la tendresse. Portrait d’une femme qui écrit pour se comprendre, pour comprendre le monde.
Originaire du Burkina Faso, Ophélie Myriam Palingwendé Konsimbo suit un parcours scolaire sans détour, marqué par un amour profond pour les lettres. De la Scoob à l’internat Sainte Thérèse d’Avila à Kaya, jusqu’au lycée de la Jeunesse Adama Touré à Ouagadougou. Sa formation universitaire la mène ensuite entre la France et le Canada, et aujourd’hui, elle est doctorante en droit international du travail.
En plus d’être juriste de formation, Ophélie est passionnée par l’art et les sciences sociales. Toutefois, elle prolonge sa réflexion dans l’univers radiophonique. Elle est animatrice sur la radio Miirya, où elle pilote « La Polémique », une émission qui décortique des sujets d’actualité sous des angles parfois inattendus.
Cependant, c’est entre les pages des livres que la jeune dame trouve vraiment son refuge. Grande lectrice depuis l’enfance, elle ne peut dater exactement l’origine de sa passion pour l’écriture. « Aussi longtemps que mes souvenirs peuvent me renvoyer, j’ai toujours lu. C’est la lecture qui m’a conduite à l’écriture », confie-t-elle. Elle dévorait tout ce qui lui tombait sous la main, sans toujours comprendre, mais toujours animée d’une curiosité insatiable.
À mesure qu’elle lisait, le besoin d’écrire se dessinait. D’abord dans des lettres à ses proches, puis dans le silence complice d’un journal intime ou d’un carnet d’idées. Mais, deux évènements ont façonné sa vocation d’écrivaine, notamment les encouragements inspirants de son oncle et la découverte, en terminale, de l’autobiographie de Jean-Paul Sartre, son philosophe préféré.
L’un des éléments qui caractérise cette jeune écrivaine, c’est la profondeur de sa sensibilité. Elle sait mettre des mots sur les émotions les plus intimes. On se souvient notamment de son texte poignant intitulé, « Cette porte me terrifie », écrit en hommage à son amie d’enfance (Ornella Miranda Ouédraogo) disparue. Un récit chargé d’émotion qui révèle la délicatesse de son cœur et sa capacité à transformer la douleur en littérature.
Écrire pour exister
Ophélie écrit pour exister sous une autre forme. D’abord, elle écrit pour elle, afin de se questionner, se guérir, se construire. Et puis, pour les autres aussi, car la littérature, dit-elle, « c’est exister pour soi et exister pour le monde ». Elle ne cherche pas à séduire un public large ; elle recherche plutôt la cohérence intérieure, l’honnêteté intellectuelle.
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Comme bon nombre d’écrivains, elles sont multiples, vastes et profondes, les influences des auteurs sur la plume qu’elle forge. Elle raconte que Mariama Bâ lui a appris la sincérité littéraire. Sartre, la révolte. Amadou Kourouma, la puissance brute de la narration et Maya Angelou, la multiplicité humaine. Elle lit les penseurs, les poètes, les résistants, les classiques africains et les voix du monde, pour ne citer que ceux-là, car la liste étant longue.
Dans ses écrits, Ophélie aborde plusieurs thèmes ayant trait à la condition humaine. « Je n’ai pas réellement de thèmes de prédilection, c’est la vie qui m’intéresse », souligne-t-elle avant de renchérir, la fatalité, l’amour, l’extase, la joie, la révolte face à l’injustice. Elle s’intéresse à ce qu’il y a entre la vie et la mort, à ces moments tragiques qui nous transforment, à cette lumière qui continue de jaillir dans l’obscurité.
« En toute circonstance, un écrivain doit aimer la vie »
Son parcours d’écrivains n’est pas uniquement semé d’embûches. Il est autant marqué par de bons souvenirs que d’obstacles. Pour Ophélie, sa rencontre avec le philosophe Jacques Salomé à Genève constitue un évènement mémorable. A l’occasion, le philosophe lui souffle un conseil essentiel : « En toute circonstance, un écrivain doit aimer la vie ». Une phrase simple, mais monumentale, qu’elle lie volontiers au concept d’amor fati de Nietzsche.
Elle évoque, par ailleurs, sa rencontre avec Maître Titinga Pacéré au musée national, lors de la Foire Internationale du Livre de Ouagadougou. Celui-ci avait prononcé cette citation. « Tu ne dois pas t’asseoir pendant que les autres dansent pour faire tourner la société ». Des mots qui ont résonné comme un véritable slogan pour la jeune écrivaine, laquelle s’est promise, un jour, de raconter des histoires sur cette danse évoquée par Maître Titinga Pacéré.
«Je ne me mets pas devant une feuille avant de penser à ce que je dois écrire»
Certains écrivains font souvent face à un défi majeur, celui du syndrome de la page blanche. Ce qui n’est pas le cas chez Ophélie Konsimbo. « Dans mes écrits académiques, oui. Mais, pas en ce qui concerne la littérature. Quand je me décide à écrire un livre, c’est qu’en amont l’idée est assez formalisée. Je ne me mets pas devant une feuille avant de penser à ce que je dois écrire, chez moi c’est le processus inverse », explique-t-elle. Elle écrit lorsqu’elle a quelque chose à dire. Si rien ne lui vient à l’esprit, elle vit, observe, lit, jusqu’à ce que l’écriture l’appelle de nouveau.
Jeune écrivaine, à ce jour, elle compte à son actif trois ouvrages individuels. Kibaré, en langue française, je viens aux nouvelles et Paroles poudrières, toutes deux des œuvres éditées aux éditions Édilivre. Un si beau mariage aux éditions Imprimeries Global Sahel Presses universitaires de Ouagadougou. Elle a aussi dirigé un recueil collectif, denommé Chroniques de nos rencontres.
Signifié plus haut, Ophélie est doctorante en droit international du travail. Son ambition est de finir sa thèse, puis explorer d’autres arts comme la musique ou le cinéma, et surtout, écrire un grand roman sur la nature humaine, semblable à celui des Frères Karamazov ou de, En attendant le vote des bêtes sauvages.
A toutes ces personnes qui aspirent à écrire, Ophélie glisse une phrase d’Orelsan qu’elle aime beaucoup, « La vie est comme le grand bain d’une piscine : il faut sauter pour apprendre à nager ».
Pour elle, écrire, c’est oser. C’est avoir le courage de livrer une part de soi, de chercher sa voix parmi celles des autres, se lancer dans cette aventure sans certitudes, mais avec foi. Écrire, c’est vivre.
Fabrice Sandwidi