Dans le cadre de la relecture du code des personnes et de la famille au Burkina Faso, l’Etat a envisagé la reconnaissance légale du mariage coutumier et religieux. Un projet de loi est en cours afin de permettre la mise en place de nouvelles mesures renforçant les situations matrimoniales. Cette initiative est saluée à sa juste valeur par Sanm’b Naaba Widpelgo du royaume de Boussouma qui y voit, une opportunité de renforcer la cohésion sociale et d’asseoir des bases de meilleure gestion des foyers.
Veuillez vous présenter !
Je suis Sanm’b Naaba Widpelgo du royaume de Boussouma. Je suis né à Boussouma. J’ai fait l’école primaire là-bas, une grande partie du secondaire à Kaya et une autre partie au lycée Phillipe Zinda Kaboré.
Après ma licence en physique pure à l’université de Ouagadougou, je suis entré à l’Ecole Inter-Etats des Ingénieurs de l’Equipement rural, ex EIER et actuel 2ie où je suis sorti ingénieur du génie rural.
J’ai travaillé au niveau de l’Etat pendant un temps et après, je suis sorti, créer ma propre entreprise.
Je suis vacataire et intronisé ministre des affaires étrangères du royaume de Boussouma en octobre 2021 par sa majesté Naaba Dima Sigri de Boussouma.
Quel est votre avis sur le projet de loi sur la reconnaissance du mariage coutumier et religieux ?
C’est une bonne chose même si je pense que c’est tard, venu. Ça devrait exister depuis longtemps car le mariage traditionnel et coutumier est notre essence. Avant l’arrivée des colons, on ne connaissait que ça. 85% des burkinabés de nos jours pratiquent exclusivement ce mariage. Maintenant, après nos mariages religieux ou coutumiers, certains couples son obligés d’aller devant le maire pour légaliser leur union.
Nous pensons que c’est une bonne chose, c’est courageux de la part des autorités actuelles d’avoir franchi le pas en rendant légale, le mariage coutumier et religieux.
Dans nos us et coutumes, le mariage est unique dans la vie et ce n’est pas entre deux individus. C’est une union entre deux familles. Souvent même, entre des communautés. Ni la femme, ni homme ne peut sur un coup de tête, dire que c’est fini puisse qu’on ne connaît pas le divorce. On ne se marie qu’une seule fois, il n’y a donc, pas de divorce. Le mariage va au-delà des deux individus, il réunit des familles. Donc, vous n’êtes pas « fous » pour jouer avec vos communautés au risque même d’être excommuniés.
Avec la crise sécuritaire et humanitaire que le Burkina traverse, pensez-vous que c’est une belle initiative de reconnaitre ce mariage ? Pourquoi?
Oui. Je pense que c’est une belle initiative. A cause de la crise que nous traversons, nous devons continuer à vivre et c’est ça, la résilience. Nous devons continuer à poser des jalons pour le futur et c’est ce qui est en train d’être fait.
Le mariage coutumier s’il était reconnu légalement, beaucoup de femmes n’allaient pas avoir des difficultés. Des FDS, des VDP tombent sur le front et leurs conjointes ne peuvent bénéficier de quoi que ce soit car il n’y avait pas de mariage dit légal lorsqu’ils se sont mariés coutumièrement et religieusement.
Même pour les déplacés internes par exemple à Kaya, certains couples se sont disloqués parce que les familles sont dispersées. Et les femmes n’arrivent pas à intervenir l’état dans l’assister parce que leur mariage n’est pas. D’autres profitent aller prendre d’autres femmes. parce qu’ils disent que ce n’est pas reconnu. Mais, s’ils étaient légalement mariés, l’État est obligé d’en tenir compte.
« Il faut vraiment, garder le caractère traditionnel et sacré de la chose. »
Comment cela va-t-il se passer, selon vous ?
En tant que coutumiers, nous allons bien sûr, être auditionnés par l’assemblée nationale pour voir comment va se passer.
Dans le cadre de l’opérationnalisation de cette démarche, il est important d’impliquer chaque responsable coutumier dans sa juridiction avec des documents pour enregistrer le mariage.
Au niveau des mairies, il faut trouver des agents qui font le tour des villages de façon fréquentielle, par exemple, tous les trois mois, pour collecter des données et recenser les mariages sous la supervision des chefs de village.
Pour les mariages coutumiers et religieux, il faudra faire en sorte qu’il y ait des actes de naissance ou des pièces d’identité ou encore des textes administratifs pour vérification des règles légales. Mais, pas de la même manière qu’au niveau des mairies. Sinon, ça ne sera pas nécessaire. Il faut vraiment, garder le caractère traditionnel et sacré de la chose.
Tous ceux qui se marient devraient avoir un minimum de documents avec eux et le chef de village signe et atteste. Puis, on ramène à la mairie et le maire sur la base de ces registres, de ces données collectées, élabore des certificats de mariage.
Après, les gens viennent chercher le certificat de mariage ou soit, on le leur envoie parce qu’il y a des gens qui sont loin des chefs-lieux de communes. Par exemple, pour les vieux couples, leur demander de faire le déplacement, ça va être difficile.
« Il y a beaucoup d’avantages surtout pour les femmes ».
Reconnaître légalement le mariage coutumier et religieux, a-t-il des conséquences positives ou négatives ?
Je vois beaucoup de choses positives. En ville, les gens ont plus d’avantages surtout ceux qui travaillent dans la fonction publique. La plupart des gens du secteur informel ne s’y intéresse pas trop.
Dans les villages, il est du ressort de la chefferie coutumière et traditionnelle de sensibiliser les gens et à l’Etat, de mettre à la disposition de la chefferie coutumière, ce qui lui manque pour accomplir sa mission.
Je pense qu’il y a beaucoup d’avantages surtout pour les femmes qui, généralement n’ont pas l’information.
Avec l’appui de l’Etat, les chefs vont avoir une certaine force légale pour accompagner moralement et physiquement les couples à travers des sensibilisations.
Comme inconvénients, beaucoup de gens vont être réfractaires à la reconnaissance légale du mariage traditionnel et coutumier.
Si un homme veut pendre une deuxième épouse, il faut le consentement de la première. Non seulement, il n’y aura pas de consentement et cela risque de provoquer des frustrations.
Autre chose que je vois, est que traditionnellement, le mariage peut se faire chez nous, sans la présence des mariés puisqu’on peut faire le mariage coutumier sans même connaître le mari et après, on te dit, c’est ta femme. Et vice-versa.
Il y a combien de divorces dans ce pays ? C’est parce que les mariages coutumiers et traditionnels ne sont pas reconnus.
Si ces mariages sont reconnus, ni l’homme ni la femme n’ose quitter son foyer. S’il y a un problème et que vous revenez voir les chefs, il y a toujours une solution.
Un autre problème que je vois, c’est la panoplie de mariages qui peut être légale.
Par exemple, au niveau des religieux, la femme peut être chrétienne et l’homme musulman. Ensemble, ils peuvent choisir d’aller dans une même direction. En cas de difficultés dans le foyer, si on doit regarder la loi, qui va prononcer le divorce ? Est-ce que c’est là où tu t’es marié légalement ? Est-ce que c’est au niveau coutumier ?…
Les gens vont opter d’aller où ça les arrange et tout ça, va causer des problèmes. Donc, il faut réfléchir à tout cela.
Lire aussi : Reconnaissance du mariage coutumier et religieux : Les femmes de droits en parlent
Un dernier mot !
Je voulais simplement insister sur le caractère immuable du mariage coutumier et religieux qui fait que si ce mariage devient légal, ça pourra aider beaucoup à la stabilisation de la société.
Mais, cela demande à ce que le code des personnes et de la famille soit revu dans le sens d’intégrer certaines règles traditionnelles qui ne soient pas contre les intérêts de la majorité. On a par exemple, l’introduction de la dot, les droits de succession des ascendants…
Je salue l’avènement de cette légalisation du mariage coutumier et religieux qui peut être encore, un tremplin pour asseoir une société stable, tournée vers l’avenir car c’est ce que nos ancêtres nous ont légués.
Françoise Tougry
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