Du 29 au 31 juillet 2024, sous l’égide de la Société des Gynécologues obstétriciens du Burkina (SOGOB), des représentants de l’Union des Religieux et Coutumiers du Burkina pour la Promotion de la Santé et le Développement (URCB/SD) ont participé aux échanges sur les droits en Santé sexuelle et reproductive (DSSR). Aux termes de l’atelier, ils ont exprimé leur point de vue sur la thématique.
A l’issue de l’atelier sur les droits sexuels et reproductifs qui a duré trois jours, ces leaders coutumiers et religieux donnent leur appréciation de l’initiative.
La question de l’Interruption sécurisée de Grossesse
Selon le représentant la communauté catholique Antoine Sebego, l’atelier a été enrichissant en partages d’expériences et de connaissances. Il a affirmé avoir beaucoup appris sur les différentes lois surtout les Interruptions sécurisées de Grossesse, les conditions dans lesquelles, on peut le faire et ce que la loi prévoit dans ce sens.
Beaucoup de gens ignorent ces lois et il se réjouit d’avoir eu la chance d’être outillé sur ce sujet. Il pense que les participants seront des relais pour donner la bonne information à la communauté de base.
Sur l’Interruption sécurisée de Grossesse, Antoine Sebego pense que si la vie de la mère est en danger, c’est toujours mieux de sauver une vie que de perdre deux vies. « Sur ce point, si les raisons médicales sont avancées et le contour juridique est réuni, je ne pense pas que l’église catholique puisse condamner cela parce qu’il faut sauver une vie », a-t-il déclaré.
Pour Baloum Naaba de Tampouy, membre du réseau, chargé de mission, il a bénéficié de la clarification de certaines valeurs notamment l’avortement. On a l’avortement naturel, l’avortement provoqué et l’Interruption sécurisée de Grossesse.
Siaka Sanou est enseignant, professeur d’arabe, imam à Bobo-Dioulasso et coordonnateur régional de l’Union des Réseaux des coutumiers du Burkina, Santé et Développement des Hauts-Bassins.
En islam, la règle de base en ce qui concerne l’Interruption de grossesse est l’interdiction. Cette interdiction prend de l’ampleur en fonction de l’état d’avancement et du développement du fœtus.
Aussi durant les 40 premiers jours de grossesses, l’avortement n’est autorisé que pour des raisons valables comme le dit sourate 17, verset 31. « L’infanticide commis par crainte de la pauvreté est interdit ». Ce verset affirme en outre, que dieu pourvoira aux besoins de l’enfant et des parents. « Ne tuez pas vos enfants par crainte de pauvreté c’est nous qui attribuons leur subsistance tout comme à vous ! ».
Concernant l’Interruption sécurisée de la Grossesse, Pasteur Jean T. Bicaba a précisé que dans l’église évangélique, la bible interdit tout avortement. « Avorter veut dire tuer quelqu’un. Mais, si au niveau de la science et de la médecine, on voit que le fœtus qui est dans le ventre de la mère a une malformation ou bien la vie de la maman est en danger, on n’a pas le choix. En ce moment, la loi entre en vigueur pour sauver la vie de la maman. Pour cela, l’église est bien partante », a-t-il lancé.
Méthodes contraceptives et planification familiale
De ce que le représentant de la communauté catholique Antoine Sebego a dit par rapport aux méthodes contraceptives, l’église catholique milite plutôt pour les méthodes naturelles. On parle d’espacement de naissances. Pour le moment, , l’église catholique n’a pas encore adopté les méthodes dites modernes.
Vu le contexte actuel du pays, il faut vraiment que les mentalités changent et l’on sait que cela risque de prendre du temps. « Mais, nous espérons qu’avec la compréhension de tout un chacun, l’église catholique va fléchir sur sa position », a-t-il souhaité.
A en croire l’imam Siaka Sanou, lorsque la planification familiale signifie limitation des naissances, l’Islam ne s’y oppose pas. L’islam permet la planification quand il s’agit d’espacer les naissances.
Par exemple, le coran indique que l’allaitement complet dure deux ans pour qui veut le parfaire. Or, si l’allaitement dure deux ans et la grossesse neuf mois, théoriquement, entre deux enfants, il y a un espacement de trois ans.
L’allaitement exclusif est aussi un moyen contraceptif naturel même s’il a ses limites.
« Autre temps du prophète Mohamet, les musulmans pratiquaient le coït interrompu pour éviter les naissances rapprochées », a-t-il soutenu.
Baloum Naaba de Tampouy, membre du réseau, par ailleurs, chargé de mission a signifié que pour les méthodes contraceptives, il est conseillé de choisir la méthode de concert avec son mari. « C’est ce qui est agréable. Coutumièrement, la femme est séparée de son mari pour qu’elle puisse souffler un peu. Après un certain nombre d’années, elle rejoint son foyer. Mais, si ce sont des méthodes abortives, on n’est pas d’accord. Voilà », a indiqué Naaba.
Aux dires de Jean T. Bicaba, l’église est par contre, favorable à l’utilisation des méthodes contraceptives par les femmes, à condition que cela se fasse dans le mariage avec pour but d’espacer les naissances. « Comment se fait-il qu’à une jeune fille qui n’est même pas encore mariée, on lui dise de faire la planification familiale. La position de l’église est claire. C’est non », a-t-il martelé.
De la question de l’inceste
Prenant la parole, Antoine Sebego estime, que toute vie humaine est sacrée même si l’inceste est considéré comme un péché. « Nous pensons qu’on peut permettre à l’enfant de naître. Quitte maintenant, à trouver une famille d’adoption pour l’enfant pour lui donner aussi une chance parce qu’avorter, c’est une vie qu’on a enlevée. Donnons la chance à l’enfant il peut être utile pour la société », a-t-il exhorté.
A écouter Baloum Naaba, quand un père, un cousin, un oncle ou un proche enceinte la fille, l’inceste, qui va prendre l’enfant en charge ? « L’État autorise quelle avorte. Mais, ne l’oblige pas à le faire si elle veut garder l’enfant », a-t-il relevé.
Et le viol
De l’avis de Antoine Sebego, les viols sont des cas malheureux qui arrivent. Procéder à un avortement est contraire à ce que la religion enseigne. Donc, ces cas, on peut les gérer au même titre que l’inceste, permettre à l’enfant de naître.
Ces 72h de formation ont permis d’avoir une connaissance sur la loi que les autorités du pays ont voté en lien avec la santé sexuelle et reproductive. Elles permettront aussi de pouvoir véhiculer le message à la base pour que les différentes communautés prennent conscience qu’au Burkina Faso, il y a une loi en faveur du bien-être de la femme.
Françoise Tougry
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