Depuis quelques jours, sur Facebook, les femmes, les jeunes filles et même les enfants s’adonnent à une activité assez particulière, le challenge « Joli tô ». Une idée qui, au fil des jours, a pris une tournure de compétition culinaire et de démonstration de savoir-faire.
Lancé le 24 juillet 2024 par Aimée M’po Zongo dit Tata Aimée, fondatrice du groupe Facebook, Cuisine burkinabè et d’Ailleurs (CBA), c’est la course aux publications. Dans ce challenge, la présentation est le point fondamental car il est dénommé « Joli tô ». Plus de 500 mille abonné.es usent de tous les moyens pour laisser libre cours, à leur imagination sans limite. Toutes les sauces sont la bienvenue, sauce gombo, baobab, feuilles, tomate, etc. assaisonnées de viande rouge, de poulets, de poisson fumé, frais ou sec sans oublier la dose d’épices. Certaines d’entre elles présentent du tô enrichi au moringa. C’est vraiment l’art culinaire sans frontières car toutes les ethnies d’ici et d’ailleurs participent.
« J’ai présenté mon tô fait au Canada ici et j’ai raconté une anecdote sur comment, j’ai appris à bien faire le tô, depuis mon enfance. Je crois que beaucoup de femmes se sont retrouvées dans mon cas et sans être officiellement lancé, le challenge est parti car chacune voulait montrer son savoir-faire », a révélé la promotrice du challenge.
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Entre Ornella Ouédraogo et le tô, c’est une histoire d’amour. En effet, “Quand j’étais petite, j’étais la seule fille de ma maman (mère adoptive). Elle était sage-femme et à chaque fois, qu’elle posait la marmite de tô au feu, on venait l’appeler pour un accouchement. Plusieurs fois, je descendais la marmite en attendant qu’elle revienne pour continuer. Un jour, elle avait déjà fait la bouillie. Donc, il n’était pas question de faire machine arrière. Mes frères étaient là, on a fait le tô, ce jour-là. Quand elle est revenue, elle était contente et c’est parti de là”, a-t-elle témoigné.
Aussi, dans les familles gourounsis, le tô est le pat le plus prisé. On peut faire du tô 4 ou 5 fois par semaine. Donc, l’apprentissage n’a pas été difficile. Pour couronner le tout, a-t-elle ajouté, je suis mariée à une famille gourounsi.
Sarah Ornella est mossi de Koudougou plus précisément de Sourgou, entre Koudougou et Sabou.
Pour le challenge, elle a présenté du tô mais, un peu plus souple. C’est à juste titre qu’elle a salué l’initiative. L’idée était vraiment la bienvenue, selon elle, parce que d’habitude, elle publie le tô plus que les autres mets. « Quand j’ai vu le challenge de tô, j’ai dit enfin, notre heure de gloire a sonné. Du tô gourounsi à cause des tartines avec du babenda. Le tô, c’est ma passion. Merci de vous être intéressée à ce challenge que nous avons pris du plaisir à faire. C’est très amusant », a-t-elle confié.
Pour la coordonnatrice du personnel à RMO Job center Judith Kanzemo, participer à ce challenge consiste à valoriser sa culture, à travers les mets locaux. Elle a également présenté le tô gourounsi avec sauce feuilles communément appelée gnougou. C’est-à-dire, un mélange de feuilles d’aubergines sauvages et d’amarantes.
« L’idée est très salutaire car elle nous a permis de montrer notre savoir-faire tout en valorisant nos différents mets traditionnels », a-t-elle expliqué.
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Selon Zalissa Bationo, originaire de Réo, prendre part à ce challenge, c’est montrer partout, la culture de chez elle et prouver que les femmes et jeunes filles ressortissantes de ce village ont le meilleur tô du Burkina pour ne pas dire, du monde.
Elle apprécie le dynamisme et la fierté avec lesquels, les autres aussi présentent leurs mets. « J’étais émerveillée par la réaction des unes et des autres. C’était waouh !! Et il y avait certaines qui savaient le faire mieux que moi. (rires). Il y avait une yaana qui savait bien le faire aussi. En tout cas, elles étaient toutes bonnes », a fait savoir Zalissa.
Il faut souligner que les adolescentes ne sont pas restées en marge de cette compétition. En effet, mademoiselle Amicha Sanogo qui vient de décrocher son CEP est entrée dans la danse et compte ravir la vedette à ses tatas.
Tellement elle maîtrise, on voit qu’elle adore manipuler la spatule. Poste radio à gauche, elle écoute la musique qui lui donne plus d’inspiration et d’énergie, constate-t-on dans la vidéo.
Rachidatou Perkoma, membre du groupe estime qu’elle est d’ailleurs, la gagnante. « Je te donne 20/20, joli tô. Que dieu te donne un bon mari! », a indiqué Alice Samandoulgou.
A voir ses prouesses, beaucoup de femmes sont fières d’elle et se déclarent déjà belle-mères. Elles ne manquent pas de féliciter ses parents pour l’avoir initiée, à faire le tô.
Savoir-faire du tô, une valeur sociale et familiale
Cela a une valeur honorifique pour la femme gourounsi. Je dirai même que c’est le mot clé de la définition de la femme gourounsi sans toutefois exagérer. “Nos mamans avaient l’habitude de nous dire qu’une femme qui ne connait pas faire le tô ne pourra pas bien gérer son foyer”, a expliqué Judith Kanzémo.
Du point de vue de Ornela Ouédraogo, savoir faire le tô, donne une valeur ajoutée à la femme. « Chez nous, à chaque fois qu’il y a des invités qui doivent venir, mon mari me dit de faire du tô comme d’habitude. Après avoir dégusté, les invités en parlent partout où ils me voient. Ça valorise la femme. Le beau-père de ma grande-sœur aimait bien ma sœur, car il appréciait son tô »,a-t-elle notifié.
Quant à Aimée, savoir-faire du tô, c’est la base et surtout bien le servir (présenter).
Le challenge a commencé, il y a une semaine, les gens continuent chaque jour de présenter leur plat de tô, ou de petites vidéos d’elles en train de faire le tô. Il n’y a pas eu de lancement officiel. Mais, on note un grand engouement autour du challenge car beaucoup de membres ont aimé l’idée de montrer leur savoir-faire.
Si certaines prennent tout leur sérieux pour cuisiner, d’autres le font juste pour arracher le sourire aux autres.
Il n’y pas de récompenses, mais participer juste pour le plaisir.
Françoise Tougry
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