Imaginez une société sans culture, sans tradition, sans langue de communication! A quoi ressemblerait-elle ? La question a fait l’objet d’une communication, ce jeudi 13 juin 2024, au colloque ENDO-LAB (Laboratoire de l’endogène). Communication au cours de laquelle, Dr Awa Tiendrebéogo Sawadogo 2e jumelle, maître de conférence en sociolinguistique-ethnolinguistique à l’université Joseph Ki-Zerbo, a démontré le lien étroit entre ces différents aspects. Elle a également fait ressortir le besoin crucial de promouvoir les langues nationales.
La tradition peut se définir comme la transmission de faits historiques, de culture, de coutumes, de légendes etc. par la parole. La tradition se transmet de père en fils, de générations en générations par la langue, à l’oral. Rappelons aussi que le terme tradition renferme trois éléments à savoir les notions, la transmission et la durée.
Par opposition à la tradition, la culture est l’ensemble des données acquises et transmises à l’intérieur d’un groupe social. Les us et coutumes sont les habitudes dans les mœurs, dans les manières, dans les actions.
Précisons que la langue est un instrument de communication et d’auto identification propre à une communauté donnée. Elle appartient à la communauté et non, à l’individu.
De nos jours, nous voulons passer de l’oralité à l’écriture parce que nos langues qui, autrefois étaient considérées comme barbares et sans culture sont en train de prendre le dessus, a expliqué, Dr Awa Tiendrebéogo Sawadogo 2e jumelle, maître de conférence en sociolinguistique ethnolinguistique à l’université Joseph Ki-Zerbo. Elle a souligné la nécessité d’écrire cette transmission orale afin que les us et coutumes soient perpétués au risque de voir les systèmes de valeurs disparaître.
Cependant, il est souvent difficile de perpétuer les langues nationales dans certain.es cadres familiaux ou communautés car on parle le français au détriment de la langue maternelle. Dr Awa Tiendrebéogo Sawadogo admet cette évidence. « C’est une aliénation mentale qui a été faite à dessin et il faut qu’on revienne là-dessus parce que le gouvernement a compris qu’il faut réveiller les richesses contenues dans nos langues. Je propose donc, que les langues soient transmises dans des familles, ce qu’on appelle la planification d’acquisition et qu’elles soient matière et médium d’enseignement dans tous les ordres à l’école, du scolaire jusqu’à l’université. Nos langues sont capables de transcender toutes les réalités, de transcrire et traduire la science », a ajouté la secrétaire permanente de la promotion des langues nationales.
Selon la sociolinguiste, le 15 mai, journée des traditions et coutumes devrait être dénommée en langues nationales. Pour elle, la diversité linguistique ne saurait être un frein à cette possibilité puisque la tradition est incluse dans nos langues.
Elle suggère qu’à chaque 15 mai, tout se fasse en langues nationales, que la journée des coutumes et traditions soit expliquée en langues nationales. Puis, au gouvernement d’assurer une large diffusion de ce concept à travers les médias parce qu’aux yeux de l’opinion publique, il y a une confusion totale entre coutumes, traditions, culte et culture.
L’autre souci rencontrée dans la dynamique de promotion de ces langues, c’est parler dans un langage technique. Cette aptitude demande une certaine compétence et cela pourrait en limiter la vulgarisation. « Nous avons eu honte de nos langues, que nous ne sommes plus compétentes dans nos langues. Quand ces langues seront rendues officielles, c’est-à-dire faites comme langues de travail, nous ne devons plus avoir des difficultés à parler dans nos langues », a-t-elle indiqué.
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Dr Awa Tiendrebéogo a signifié que les populations ont une tradition de l’oralité. « Les us et coutumes se transmettent par le truchement de la parole. Dans le contexte du Burkina Faso où environ 30% de la population sont faiblement alphabétisées et 70% essentiellement rurales, les langues nationales demeurent des vecteurs de transmission des savoirs, des usages et des coutumes. C’est le cas des arts, des techniques (tissage, cuisine etc.) et celles qui sont liées à la langue (les contes, les proverbes, les chants, les devinettes, les jeux verbaux de la parenté à plaisanterie, etc.) », a laissé entendre la panéliste.
Le patrimoine culturel surtout immatériel est un condensé de textes oraux. A ce sujet, elle a cité entre autres, les légendes et les épopées construites autour des héros, (mémoires collectives pour les communautés) à l’image de la princesse Yennenga, la princesse Guimbi Ouattara. On note également, les maîtres de la parole tels que les djelis, les griots, les chanteurs…
Françoise Tougry
Monique Savadogo