Depuis la région des Cascades, Nobila Mariam Maïga Ouédraogo mène à travers l’Association Vie d’Enseignante pour une Société épanouie (AVISE), dont elle est la présidente, un combat pour l’épanouissement des femmes et la cohésion sociale. Enseignante déterminée, elle s’est battue contre la maladie pour continuer à servir sa communauté. Dans cet entretien qu’elle a bien voulu accorder à la rédaction de Queen Mafa, elle évoque son parcours d’enseignante, les problèmes de santé qu’elle a traversés ainsi que ses ambitions pour son association.
Parlez-nous brièvement de vous !
Je suis originaire du Yatenga, née le 13 mars 1988 à Gorom-Gorom , mariée et mère de deux enfants. Je suis Professeur Certifiée des écoles en service à la Direction régionale de l’Éducation préscolaire primaire et non formelle des Cascades.
La vie au village m’a permis de comprendre que chacun de nous, a besoin d’être inscrit à l’école. Je voulais être enseignante pour participer à l’éducation de nos enfants. Si aujourd’hui, j’en suis arrivée là, c’est parce qu’un enseignant a plaidé pour que je retourne à l’école. J’étais destinée à conduire le troupeau et ensuite, le mariage. Mon parcours d’enseignante a été brillant jusque-là, avec de bons résultats obtenus.
En novembre 2022, un SOS a été lancé sur les réseaux sociaux pour vous venir en aide parce que vous étiez souffrante. Aujourd’hui, comment vous portez-vous ?
Il y a d’abord eu un SOS en février 2019 et ensuite, en novembre 2022 à cause d’une thrombose veineuse et d’une hernie discale paralysante. Pour le cri de cœur de novembre 2022, c’est monsieur HARO Iliass, administrateur de la Voix des Instituteurs qui a appris que ma santé va mal et il m’a encouragée à faire un cri de cœur. Je n’étais plus disposée à faire un cri de cœur, vu tous les problèmes que j’ai eu après le premier cri de cœur en 2019.
Donc, monsieur HARO a lancé le cri de cœur dans le groupe la voix des instituteurs. Après deux semaines, les cotisations étaient loin du montant nécessaire pour mon intervention chirurgicale.
Alors, j’ai décidé de prendre mon courage à deux mains, pour faire un message sur ma page personnelle parce que je suis beaucoup suivie et j’avais foi que mes amis et mes collègues feront quelque chose pour me soutenir.
A ma grande surprise, j’ai vu qu’un de mes amis, monsieur Lengah Fils a commencé à partager ma publication, et beaucoup d’autres ami.e.s également. En deux jours, ils ont pu réunir la moitié de la somme et monsieur Lionel BILGO, ancien ministre du MENA/PLN et ses amis ont complété le reste de la somme. Ensuite, le Ministère de la Santé a facilité l’évacuation pour la Tunisie. Monsieur Lengah Fils est également celui qui nous a assistées, ma fille et moi de Bobo jusqu’à Ouagadougou. Monsieur Tasséré SAVADOGO et monsieur Tibiafouba MADIEGA ont pris le relai pour m’accompagner à l’aéroport où j’ai pris le vol pour la Tunisie.
Je rends grâce à Dieu car ma santé s’est améliorée mais, je suis toujours sous traitement et ce n’est pas facile. Mais, j’ai foi qu’un jour, je gagnerais définitivement sur la maladie.
Le 31 décembre 2022, vous avez créé l’Association Vie d’Enseignante pour une société épanouie (AVISE). Pourquoi cela ?
L’AVISE a été créée dans la dynamique de la résilience pour la prévention et la gestion des conflits communautaires d’abord au sein de nos écoles et aussi dans les villages. Notre objectif est de pouvoir impacter la société à travers des sensibilisations pour la paix et la cohésion sociale. Nous faisons aussi la célébration de l’excellence à l’école primaire avec les élèves déplacés internes, particulièrement l’excellence des filles car elles sont les plus exposées à des phénomènes tels que les mariages forcés et les grossesses précoces et indésirées…
Quelles sont les actions que vous avez menées sur le terrain ?
En avril 2020, nous avons célébré la journée internationale des droits de la femme spécialement pour les femmes déplacées internes, d’abord pour expliquer leurs droits en tant que femme, aussi pour leur témoigner de notre solidarité et leur montrer l’importance du vivre ensemble. Ce fut une manière pour nous également de les interpeller à l’entrepreneuriat dès qu’elles en auront l’occasion. Lors de cette journée les femmes ont bénéficié d’une sensibilisation sur les violences basées sur le genre avec monsieur le Directeur Régional des droits humains des Cascades car nous savons tous qu’elles sont les plus exposées aux violences en tant que femmes déplacées internes.
Nous avons suivi différentes formations en matière de management, de leadership féminin, paix et cohésion sociale… En outre, nous avons reçu des lettres de félicitations. Les membres sont devenus plus dynamiques et engagés dans tous ce qu’ils entreprennent.
Quelles sont les réalités de la vie d’enseignante, sur le terrain ?
La vie de la femme enseignante n’est pas facile du moment où elle doit s’occuper de sa famille en menant très souvent les tâches ménagères, éduquer ses propres enfants et jouer en même temps le rôle d’une bonne mère avec tous les élèves. Il y a également les tâches administratives où il faut préparer les leçons, proposer des devoirs et ensuite les corriger.
D’où puisez-vous, la force d’aller de l’avant ?
La meilleure manière de pouvoir tenir dans ce métier, c’est d’avoir la vocation et l’amour de l’enseignement. Et être conscient que les parents comptent sur nous pour la réussite de leurs enfants, l’État compte sur nous pour avoir de bons citoyens productifs et toute la société compte sur nous pour lui garantir une bonne relève à travers les enfants. Donc, il n’est pas question d’abandonner.
La crise sécuritaire et humanitaire que traverse le Burkina Faso affecte-t-elle votre association ?
Avec la crise sécuritaire et humanitaire, il est difficile pour nous d’atteindre souvent, certains villages car nous travaillons plus avec les populations locales (chefs coutumiers, guides religieux…) dans la prévention et la gestion des conflits. Des fois aussi, nous faisons face à des problèmes de gestion de conflits entre les populations hôtes et les personnes déplacées internes.
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Quels sont vos ambitions pour votre association ?
Notre plus grand projet c’est avoir notre propre siège avec un espace et du matériel pour pouvoir former les filles mères, les filles déscolarisées et surtout, les femmes dans des métiers comme la savonnerie, le perlage, le tissage.
Présentement, nous sommes en location dans un local pas très grand. Nous bénéficions actuellement, du projet Women’s Leadership in Action WLiA de MERCY CORPS et du financement de UNPF (Fonds pour la Consolidation de la Paix). Nous aurons du matériel pour les activités génératrices de revenus. Mercy corps travaille en consortium avec le Réseau de Communication d’information et de formation des femmes au Burkina Faso (RECIF-ONG) et le Réseau des femmes de Foi pour la paix au Burkina Faso (REFFOP).
Nous allons faire des économies et aussi, faire appel à tous les partenaires techniques et financiers qui aimeraient nous accompagner.
Entretien réalisé par Françoise Tougry
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