Afin de soutenir les retraité.es et travailleurs proches de la retraite à se lancer dans l’entrepreneuriat, la fondation Revie a convié, à Ouagadougou, les personnes du 3e âge à un panel spécial lié au projet Unithon. Ce samedi 25 mai 2024, à la Maison de la Femme, ils sont nombreux à participer à cette rencontre qui se tient sous le thème « Une nouvelle vie professionnelle pleine d’éclat : c’est possible ».
Chapeaux et képis à la tête chez les hommes, écharpes sur l’épaule et sacs à main chez les femmes, verres correcteurs aux yeux, ces papis et mamies, tirés à quatre épingles font leur entrée un à un dans la salle. Ils marchent à pas comptés avec élégance qu’on aurait dit, un défilé de mode. Les uns se déplacent nonchalamment, les autres prennent appui sur une canne. Les plus solides tendent la main aux autres pour leur permettre de monter les marches. Veufs, veuves, associations de retraités et travailleurs proches de la retraite se sont mobilisés pour faire de ce rendez-vous, le leur. C’est un instant de retrouvailles entre collègues, collaborateurs et supérieurs hiérarchiques dans une ambiance conviviale et chaleureuse. Le sourire, les rires aux éclats et les tonnes de salutations en disent long sur les bienfaits de cette rencontre qui affiche le sentiment de la nostalgie sur les visages.
Prévue débuter à 9h00, c’est pratiquement vers 9h30 que l’activité commence. Et tenez-vous bien ! C’est la reine des délestages sonne le gong et cela dure jusqu’à 20 mn. En une fraction de seconde, les lotus, les agendas, les chemises en carton et les blocs-notes font surface pour servir d’éventails, le temps qu’on puisse brancher le groupe électrogène. Malgré tout, ventilateurs et climatiseurs ne tiennent pas le coup. Ce quart d’heure paraît une éternité tant, tout le monde transpire. On doit notre salut à l’aération de quelques portes et fenêtres. 10 mn plus tard, le courant revient. Le protocole débrancher-rebrancher se met en place. Une autre gymnastique qui prend encore du temps. Fort heureusement, l’électricité est restaurée.
« 5000 entreprises en 5 ans »
Le président de la fondation Revie Salam Ouédraogo introduit officiellement, la cérémonie en déballant le thème “Une nouvelle vie professionnelle pleine d’éclat : c’est possible”, grâce au projet Unithon. Selon le premier responsable de la structure, le Burkina fait face à un capital humain désœuvré qui a besoin de trouver du travail, d’entreprendre.
De ses propos, il faut investir dans ce capital humain en se tournant vers le développement communautaire endogène basé sur les ressources locales, d’où la création de l’Unithon. Il s’agit d’une sorte d’entreprenariat communautaire axé sur l’actionnariat. “Voilà pourquoi, nous avons pris les jeunes et les femmes pour une démarche inclusive. Nous avons un système incubateur. Objectif, créer 5000 entreprises en 5 ans, dans 50 métiers. En investissant dans Unithon, vous participez à relancer la vie de quelqu’un dans le désarroi, au bien-être d’une personne, d’un être humain. Quoi de plus noble que ce geste !”, apprécie-t-il.
Salam Ouédraogo invite ces personnes du 3e âge à partager leurs connaissances, leurs compétences avec les plus jeunes car ils en ont besoin. Toutes ces années de travail constituent une ressource inépuisable de recherches et de valorisation, à mesure de galvaniser la jeunesse dans le domaine de l’entrepreneuriat.
A la suite du président de la fondation Revie, Bogré Yabré, agent de l’ONATEL (Office national des Télécommunications) à la retraite partage son expérience avec ses pairs. Sur 11 entreprises qu’il crée, neuf tombent en faillite tandis que deux survivent. Ce consultant en maîtrise d’ouvrage des systèmes d’information réussit à tenir en haleine les participant.es. Il développe avec brio, les facteurs d’échecs qui ont jalonné son parcours. Sa facilité à communiquer, à interagir avec le public et à convaincre est remarquable si bien que la plupart d’entre eux, n’hésite pas à prendre des notes.
Pour son expérience dans le maraîchage, on retient trois aspects fondamentaux sur lesquels, il invite chacun à réfléchir à deux fois avant de se lancer dans l’entrepreneuriat, peu importe l’activité. Le premier point mis en exergue, est sans conteste, les moyens financiers. Le second point est le manque de compétences, de connaissances réelles ou la non-maîtrise des secteurs d’activités dans lesquels l’on veut évoluer. Le troisième tout aussi important que les autres se table sur le manque de disponibilité constante du promoteur au sein de son entreprise pour faire bouger les lignes. “ Donner à fond, de son temps pour l’activité que l’on veut mener fait partie des gages de succès pour votre entreprise”, insiste-t-il.
C’est sur ce conseil que s’achève la partition de Yabré Bogré. D’autres intervenants dévoilent également leurs parcours. Il s’agit de Jean Marie Yaméogo, technicien supérieur d’agriculture à la retraite ; Jeanne Ouédraogo, enseignante à la retraite par ailleurs, fondatrice du groupe scolaire Wend-Yam ; Bindi Noula Parfait retraité, 36 ans de carrière militaire.
Une initiative salutaire
Au cours de ce panel, on enregistre des communications, des échanges fructueux, des partages d’expériences, des conseils. Les participants se disent satisfaits de cette opportunité. Wemteng Malgr-Naaba Koanga salue, à juste titre, la rencontre du jour. Il fait remarquer que souvent, les retraités ont tendance à rester assis dans les chaises, l’air évasif, à se tourner les pouces, ne sachant pas vraiment quoi faire. Il réalise à présent que la chaise n’est plus une solution car elle peut donner des maladies.
“L’initiative est formidable. C’est-à-dire que si elle n’existait pas, il fallait la créer. Honnêtement, c’est formidable. On nous apprend à nous utiliser nous-mêmes. Quand on reste sur la chaise, c’est pour mourir. Il faut donc, être actif. Mais, le fait qu’on ne le sait pas, on le fait. Maintenant, avec cette participation, même si tu ne peux pas entreprendre, il y a quelque chose en toi que tu peux développer tel que sortir. Rester tout le temps chez toi, c’est dangereux. On peut sortir, ce n’est pas forcément pour aller dans les bars ou les buvettes. On a des amis chez qui on peut aller, se recréer et revenir”, décrit-il.
L’Association des Femmes retraitées et Veuves pensionnées du Burkina Faso n’est pas restée en marge de l’événement. La coordonnatrice Madeleine Bonzi affirme que ce panel va leur permettre d’avancer dans l’atteinte de leurs objectifs. “Sincèrement dit, j’ai beaucoup apprécié le contenu. J’ai vu à travers leurs communications, une sorte de solidarité, une sorte de prise de conscience qu’ils veulent faire prendre aux retraités, des personnes qui peuvent accompagner le Burkina surtout dans le domaine communautaire endogène”. Et de poursuivre “Nous sommes très très contentes car l’objectif de l’amicale est de contribuer au développement socioéconomique toujours dans le domaine de ce que nous avons appris, ce que nous avons aimé dans notre carrière, ce que nous n’avons pas encore pu faire par rapport aux maux qui minent la société ».
Rester actifs et dynamiques
La retraite est une période qui nécessite préparation, organisation et dynamisme. Madeleine Bonzi l’a compris. Cependant, la réalité est toute autre dès qu’on se met à la tâche. “J’ai essayé de préparer ma retraite autrement. Mais, je n’ai pas eu un accompagnement sur le terrain. Sinon, j’ai beaucoup investi dans l’agriculture. J’ai même payé un tracteur, des motopompes. Mais, j’ai été découragée à la base, par les familles et les proches qui ont dilapidé mon matériel. Donc, je n’ai pas pu entreprendre”, regrette-t-elle.
Malgré les difficultés, Madeleine Bonzi ne renonce pas à son envie d’entreprendre. “Après ça, j’ai essayé l’élevage et la grippe aviaire est venue tout décimer. Présentement, je suis dans les jus et les transformations. Je me débrouille, ça se vend au jour le jour et ça va”, lance-t-elle.
Dans beaucoup de familles, la retraite pour certaines personnes se limite à s’occuper des petits-enfants, à devenir une sorte de baby-sitter, déposer les tout-petits à l’école et aller les chercher. Dans le but de se démarquer et de s’occuper davantage utilement, les membres de l’association entendent, grâce à l’appui de l’Unithon, mettre en place, une structure qui vise à accompagner les jeunes filles en difficultés de gardiennage de leurs enfants, des jeunes femmes qui, ayant des activités n’ont personne pour les soutenir en matière de garde. “ Ensuite, nous irons dans les écoles pour des sensibilisations afin de donner un nouveau visage à l’éducation aux élèves et aux parents. Nous allons conjuguer ensemble, nos efforts pour que quelque chose change au Burkina Faso” indique-t-elle.
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Aux termes du panel, les participant.es ont appris comment, désormais la retraite peut avoir un autre sens. Celui d’une vie épanouie, une vie saine, une vie d’entrepreneure, un autre moyen de renforcer la tirelire.
Françoise Tougry
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