Informer et renforcer la communication sur les difficultés d’accès aux soins pour les survivant.e.s et victimes de Violences basées sur le Genre (VBG) au Burkina Faso, c’est la mission confiée aux journalistes du Réseau des Médias africains pour la Promotion de la Santé et de l’Environnement (REMAPSEN). Ce Jeudi 21 mars 2024, à Ouagadougou, ils ont échangé sur cette thématique.
Selon les statistiques du rapport SIGI, 37% des femmes sont des victimes et survivantes de violences contre 16% d’hommes. Du 02 au 30 mars 2022, les dénonciations à travers le n° vert (80 00 01 287) font état de 1139 cas de VBG dont 958 femmes et 181 hommes, etc. Aujourd’hui, au Burkina Faso surtout, avec la crise sécuritaire, les violences physiques, verbales, sexuelles et économiques touchent toutes les couches sociales. Elles sont une négation des droits humains ayant des conséquences sur la victime, la survivante, sa famille, sa communauté et la société. Voici ce qu’a déclaré la juriste-consultante Habibou Kabré.
Dénoncer et poursuivre… Mais, à quel prix ?
La honte, la culpabilité, la stigmatisation et les représailles ouvrent le bal d’une série de souffrances. Avant de passer à l’acte de dénonciation, les victimes et les survivantes se demandent d’abord quel sera le regard de la société sur elles. L’ignorance des voies de recours pour la prise en charge vient réduire, les chances de résoudre le problème. Même si elles veulent agir, elles ne savent pas comment faire.
On note aussi l’incapacité à honorer certains frais. Par exemple, pour aller voir un psychologue, elles doivent avoir au moins 10 000F CFA, a indiqué Habibou Kabré, dans le porte-monnaie. Si elles ont besoin des conseils d’un avocat ou des dossiers à fournir, il faut encore mettre la main dans la poche. Et quand on connaît le niveau de vie de la population, tout laisse à croire que ce n’est pas donné à tout le monde.
Au plan juridique, souvent, l’acte commis constitue une infraction. De ce fait, l’auteur doit être poursuivi. « Mais, il arrive que les victimes renoncent à la poursuite et refusent que la loi soit appliquée. Aussi, il y a des infractions où au sein de la famille, on cherche même à faire taire l’affaire telle que l’inceste. En ce moment, la famille s’organise pour ne pas porter l’infraction devant les autorités compétentes. Elle préfère résoudre le problème à l’amiable pendant que certaines personnes vont jusqu’à stigmatiser la victime soit disant qu’elle est responsable de ce qui lui arrive. A leurs yeux, elle a voulu cette situation qu’elle traverse », a déploré la juriste.
Au niveau sanitaire, la question du certificat médical se pose car les victimes trouvent que le prix n’est pas abordable. Ce qui les amène souvent à renoncer à la procédure.
De plus, dans le cas du viol, lorsqu’il est demandé aux victimes de se rendre dans un centre de santé, elles sont un peu méfiantes parce qu’elles pensent que c‘est une manière de divulguer leurs histoires.
La lourdeur administrative est un autre souci. Que ce soit les cas de VBG ou de violences sexuelles, les concernées sont prises dans un cercle de va-et-vient entre le centre santé, la gendarmerie, la police, le commissariat et la justice afin d’avoir tous les papiers qui vont constituer la preuve de ce qu’elles ont subi et de ce qu’elles ont dit ! Un ping-pong coûteux, épuisant et parfois, décevant à la fin. N’ayant plus la force de tenir, certaines finissent par abandonner la poursuite des auteurs, en justice.
A cela s’ajoutent, le manque de coordination efficace entre les acteurs du domaine et une réponse adéquate aux attentes. « Chaque fois, c’est la victime ou la survivante qui est au milieu en train de tourner. Pour répondre à ce besoin actuellement, le ministère en charge de la justice est en train d’élaborer un manuel de prise en charge de procédure standard où tous les acteurs sont présents. On garde espoir que ça va aboutir », a-t-elle souhaité.
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La consultante a pris le soin d’expliquer la différence entre l’assistance juridique et judiciaire. A l’écouter, le judiciaire est le fait d’aider la personne avec des informations, des orientations qui vont la guider, rédiger les documents pour lui permettre d’aller devant le tribunal ou d’accéder à certains documents qui vont servir de preuve au tribunal. Le juridique est l’ensemble des conseils pour éclairer la personne.
Au regard de ce qui précède, l’heure est aux pistes de solutions. En témoigne, le rapport de février 2023 du Cluster VBG des acteurs communautaires. Ce rapport mentionne des données provenant de 11 régions du pays dont 348 cas déclarés de VBG, pris en charge.
Les prises en charge disponibles au Burkina
A en croire la communicatrice Habibou Kabré, il existe cinq sortes de prise en charge. La prise en charge psychosociale assurée par les services sociaux du ministère en charge du genre et aussi, avec d’autres structures qui interviennent dans le monde communautaire.
Nous avons la prise en charge sanitaire, dit-elle, faite par les services de santé pour un certain nombre de cas de VBG nécessitant forcément l’intervention des services de santé.
La prise en charge juridique, précise-t-elle, est faite par des structures compétentes habilitées à donner les informations juridiques adéquates à ces victimes pour qu’elles puissent intervenir et demander réparation à leurs préjudices.
La prise en charge judiciaire quant à elle, nécessite l’intervention des professionnels du droit (avocat, notaire, huissier) pour accompagner la victime ou la survivante devant les juridictions
Enfin, on a la prise en charge psychologique qui vise à aider la personne à pouvoir surmonter la difficulté.
Aux dires de la présidente de la Communauté d’Actions pour la Promotion en Santé sexuelle et reproductive (CAPSSR), Mariam Nongiuerma, la thématique est très préoccupante parce que les Violences basées sur le Genre constituent un fléau, un drame au Burkina. « C’est pour ça qu’on a souhaité avec l’aide de Médecins du Monde (MdM), en parler avec les journalistes qui sont nos relais auprès de la communauté », a-t-elle souligné.
L’activité du jour entre en droite ligne des « Rendez-vous de REMAPSEN ».
Françoise Tougry