La vente de fruits et légumes est un business majoritairement pratiqué par les femmes au Burkina Faso. Convaincu qu’il n’y a pas de sot métier, Moussa Mohamed Ouédraogo défie les préjugés et les plaintes de son épouse, et vit fièrement de ce business. A Ouagadougou, nous avons rencontré ce jeune homme courageux et ambitieux, à Tanghin, ce jeudi 15 février 2024.
16h30. C’est l’heure à laquelle nous avons rendez-vous avec Moussa Mohamed Ouédraogo. Sur les lieux, les marchandises qu’il propose aux clients sont soigneusement lavées et tapent à l’œil. Ici, il est difficile de ne pas trouver satisfaction pour la cuisine tant ses produits sont variés. Des tomates, des choux, des aubergines, de l’ail, des oignons, du piment, de la pâte d’arachide, des épices et bien d’autres condiments sont étalés sur cette table d’à peu près, deux mètres. Visiblement, Moussa est très à l’aise devant son petit commerce.
Tout de suite, la bonne ambiance entre Moussa et ses clients.e.s nous séduit. « Bonsoir madame ! J’espère que tu vas bien », a ironiquement lancé une cliente à Moussa Ouédraogo qui à son tour répond : « Oui ça va ! Mais c’est mademoiselle hein », avec un léger sourire aux lèvres.
« Je ne réclame rien du tout à ma mère »
La mère de Moussa est commerçante depuis plus de trois décennies. Grandir dans un tel environnement influence nécessairement ses habitudes et son éducation. Ainsi, des années plus tard, malgré son diplôme de baccalauréat, son amour pour le commerce est plus fort que tout. Il abandonne l’école et emboîte les pas de sa mère dans la vente des condiments.
C’est surtout son séjour à Abidjan qui ravive sa flamme du commerce car il réalise que les hommes ne se gênent pas à aider les femmes dans les différents travaux ménagers.
De retour au Burkina Faso, il décide sans complexes, d’aider sa mère dans son business. Chaque matin, il fait le tour des villages pour un ravitaillement de marchandises pour le marché du soir. Il fait aussi des provisions qu’il convoie pour son petit dépôt de fruits et légumes, basé à Abidjan.
Ses journées sont mouvementées de déplacements mais, il fait en sorte d’être disponible à Ouagadougou à partir de 16h. Heure à laquelle, il revient à Saab-Yaar, marché où travaille sa mère et récupère la marchandise de cette dernière pour s’installer à son habituel lieu de vente, au plus tard à 17h. ici, il fait une recette minimale de 30 000 francs CFA pour sa mère chaque soir même dans les moments les plus sombres du marché.
Par moment, la mère de Moussa prend le relai pour la vente afin de lui permettre d’aller faire les différents achats. « A ma descente à 16h, je passe récupérer la marchandise. Si j’ai d’autres courses, je continue. Mais si je n’ai rien à faire, elle rentre directement se reposer à la maison. Je ne réclame rien du tout à ma mère quand je l’aide dans la commercialisation de ses condiments, Très souvent, je pars dans les différents marchés comme celui de Zitenga ou Ziniaré pour envoyer en quantité pour qu’elle puisse faire des bénéfices. Je peux dire que je suis le moteur de son boulot », explique-t-il.
Actuellement, Moussa est une référence dans ce genre de commerce à Tanghin. Chaque jour, il se donne à cœur joie, à son activité et les éloges ne manquent pas.
Pour ce voisin, Moussa Mohamed Ouédraogo est une personne formidable. Il a le sens du bon voisinage. « Nous n’avons pas de souci avec lui », apprécie le boucher Alassane Kiemtoré. Il estime d’ailleurs que c’est un métier noble, à encourager quand on sait qu’au Burkina Faso, il est rare de voir des hommes faire ce travail.
Depuis quatre ans, Parfaite Ouédraogo Tiendrebéogo est une cliente de Moussa Mohamed. Elle loue l’engagement et le dynamisme de ce dernier. A l’en croire, Moussa accueille très bien ses client.e.s. Raison pour laquelle, elle prend du plaisir à s’arrêter tous les jours pour acheter ses condiments. « Il ne se fâche pas, il n’est pas arrogant, et il est très simple », dit-elle.
Dame Parfaite l’encourage et l’invite à ne surtout pas écouter les mauvaises langues. « Si toutefois son travail nourrit son homme, il n’y a pas d’inconvénients. Qu’il mette le paquet dans le domaine et tout ira bien ! », conclut-elle.
« Ce n’est pas un crime d’être un commerçant de fruits et légumes »
Même si les efforts de Moussa sont appréciés par sa clientèle et son voisinage, il reste néanmoins une difficulté majeure qu’il devra surmonter. Sa femme ne partage pas du tout, cette passion : vendre des légumes et fruits.
« C’est un peu compliqué. Elle se sent gênée au niveau de son entourage parce que pour elle, c’est un travail réservé aux femmes. Et si un homme plus précisément, un chef de famille fait ce genre de boulot, elle trouve ça bizarre. Elle pense également que ce boulot peut m’ouvrir la porte, à d’autres choses alors que c’est très loin d’être le cas », déplore-t-il.
Mari aimant et responsable, Moussa Mohamed Ouédraogo ne cesse de faire entendre raison, à son épouse. Tout ce qu’il attend de cette dernière est son entière confiance. « Du moment où j’arrive à assumer ma part de responsabilité, elle ne doit pas s’inquiéter car je sais ce que je veux dans la vie », rassure-t-il.
Moussa se rappelle également ce jour où sa fille est rentrée de l’école toute en larmes parce que ses camarades se moquent du métier qu’exerce son père, un vendeur de fruits et légumes. « On lui a demandé à l’école, ton père fait quoi ? Elle a répondu que son père vend du piment ». La maîtresse choquée, m’a appelé à son tour, pour demander si réellement, c’est ce que je fais et j’ai dit oui. Depuis ce jour, l’enfant est soulagé. Elle s’est rendue compte que ce n’est pas un crime d’être un commerçant de fruits et légumes », laisse-t-il entendre.
Il dit gagner dignement sa vie parce qu’il n’y a pas de sot métier. A la sueur de son front, il a acquis des motos, un terrain non loti et organisé son mariage. « C’est un métier assez rentable qu’il faut surtout exercer par amour », clame-t-il.
« Les enfants pourront découvrir la valeur qui se cache derrière ce métier »
Marié, père de deux enfants dont une fille et un garçon, il laisse libre choix à ses enfants quant il s’agit de leur avenir. Pour lui, il est nécessaire d’accompagner les enfants dans les métiers de leurs rêves.
« La première a toujours eu le courage de me dire qu’elle veut être docteur. Donc, je suis en train de l’accompagner dans ce qu’elle veut. Le garçon, lui malgré son âge, a une grande admiration pour les militaires et il ne cesse de dire qu’il veut être comme le président Ibrahim Traoré », affirme-t-il avec satisfaction.
Aucun de ses enfants ne souhaitent suivre les pas de Moussa Mohamed. Mais, il s’engage à préparer le terrain pour que chaque enfant ait un avenir prometteur. « Au cas où ça ne marche pas comme prévu pour leur rêve, je suis en train de préparer le terrain pour eux. Ici, ce n’est pas un endroit idéal pour qu’ils s’imprègnent de la chose. Mais à Abidjan, surtout que je connais très bien la Côte d’Ivoire, les enfants pourront découvrir la valeur qui se cache derrière ce métier exercé par leur père », clarifie-t-il.
Ayant acquis de l’expérience avec le temps, Moussa Mohamed promet de reprendre les bancs pour pouvoir aller de l’avant dans ses études. Son rêve est de suivre des formations professionnelles pour mieux gérer sa clientèle.
Abdoulaye Ouédraogo
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