Au cours des menstrues, les femmes sont confrontées à d’énormes difficultés poussant certains hommes, à les fuir. Perception de saletés, sentiments de gêne, de honte, de préjugés, de tabou et de mythe sont entre autres, les maux qui entravent l’épanouissement de la femme. Comment les jeunes vivent cette situation ? Nous avons passé au peigne fin, l’implication des hommes dans la Gestion hygiénique des Menstrues (GHM).
Parmi 480 filles âgées de 12 à 15 ans, seulement 2% discutent de menstrues avec leurs pères. La mère est la principale confidente, suivie des amies et des sœurs. A l’école, elles n’en parlent ni aux garçons ni aux encadreurs hommes. Les hommes pensent que les menstrues sont une histoire de femmes. Telles sont entre autres, les conclusions d’une étude menée en 2020 par la spécialiste des questions de genre et Droits en Santé sexuelle et reproductive (DSSR), Maïmouna Touré Barry.
Si les menstrues sont considérées comme une histoire de femmes, cela pourrait expliquer pourquoi les hommes ne s’engagent pas vraiment dans cette aventure. En effet, selon le sociologue Massayouné Seydou Soma, les menstrues sont perçues dans nos sociétés, comme une affaire de femmes, une histoire entre la mère et ses filles, quelque chose de normale et inhérente à la vie des femmes et au fonctionnement de leur féminité.
Tant qu’elles sont bien gérées, cela ne pose pas de problème aux hommes. Les femmes, elles-mêmes ont intégré cette donne, si bien que les mamans avisent leurs filles qui ont leurs premières menstrues. « Les hommes ne doivent jamais voir ça », ont averti les mamans. Entendons par ça, les serviettes hygiéniques (morceaux de tissu, coton, tampon, etc.). « C’est lorsque les tampons souillés traînent un peu partout, que les désapprobations peuvent se manifester par moments », a souligné le sociologue.
Une gestion axée sur l’hygiène
A écouter l’étudiante Wendpayangdé Inès Zibango, lorsqu’on parle de gestion hygiénique des menstrues, il s’agit tout d’abord la propreté, changer de couches régulièrement pour éviter les infections et se doucher au moins, deux fois dans la journée.
Aussi, pour Issa Tou, membre du Mouvement d’Actions des Jeunes (MAJ) au niveau de l’Association burkinabé pour le Bien-être familial (ABBEF), la gestion hygiénique des menstrues est l’ensemble des pratiques qui visent à assurer la bonne hygiène notamment la toilette.
La gestion hygiénique des menstrues, du point de vue de Pulchérie Ninon Ilboudo évoluant dans l’audiovisuel, consiste pour les jeunes filles ou devenues femmes à s’entretenir, à être propre, à avoir des serviettes hygiéniques ou des tampons à disposition, à trouver plusieurs manières de se protéger et être à l’aise.
L’hygiène fait appel aux différentes stratégies mises en œuvre par les femmes et les filles lors des périodes de menstrues. C’est-à-dire, la façon dont elles restent propres et en bonne santé et aussi, comment elles acquièrent, utilisent et se débarrassent du matériel qui absorbe le sang.
Avant de s’impliquer dans la gestion hygiénique des menstrues, il est capital de comprendre le phénomène afin de mieux en parler. A en croire Issa Tou, la question de l’hygiène menstruelle est un sujet tabou, une sorte de mystère pour bon nombre d’hommes. “Parce qu’ils ne comprennent pas, ils croient que ce sont des saletés. Donc, quand il est question de parler de tout cela, ils disent que ça ne concerne que la fille. Et quand elle est en période, ils s’éloignent complètement d’elle d’où le fait de ne pas vouloir parler d’hygiène menstruelle”, a expliqué le pair éducateur.
Du coté de Pulchérie Ninon Ilboudo, certains hommes ont du mal à s’y impliquer car, étant du sang qui coule, ils voient les menstrues, autrement. Pourtant, c’est quelque chose de normal, de naturel.
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Un soutien participatif
Pendant la période des menstrues, une fille peut avoir son habit taché sans le savoir et marcher en public, avec. “Or, dans notre société, ils sont rares, les hommes qui vont attirer son attention. Au contraire, ils se moquent d’elle ou la regardent de travers. Je pense que dans ces genres de situation, ils doivent l’interpeller. Il n’y a pas de mal à ça », a fait remarquer Inès Zibango.
Issa Tou pense que les garçons peuvent prodiguer des conseils sur les GHM aux filles ou les orienter vers certains services de santé pour de plus de plus amples informations. « Soutenir sa femme, c’est déjà de comprendre ce qu’elle traverse car souvent certaines femmes ont des règles douloureuses et elles n’arrivent pas à exécuter les tâches ménagères comme il faut », a rappelé ce jeune homme en couple et père d’un enfant.
L’homme peut aussi aider sa femme à calculer les jours de son cycle. Et même si la femme oublie, il peut lui rappeler, de commencer à se préparer pour ne pas être surprise par l’arrivée des menstrues.
Vers une démarche inclusive
De l’avis de Inès Zibango, les papas doivent de temps en temps, causer avec leurs filles, savoir comment elles arrivent à gérer leurs menstrues. En cas de menstrues douloureuses, il est nécessaire de les accompagner dans un centre de santé.
L’experte des questions de genre et Droits en Santé sexuelle et reproductive, Maïmouna Touré Barry estime qu’il est très important que les hommes s’impliquent dans la gestion des menstrues car cela a l’avantage de leur faire comprendre, comment fonctionne le corps des femmes. D’abord, dès le jeune âge, les parents doivent véhiculer l’aspect positif des menstrues aux garçons en leur donnant une information précoce et de qualité. Ensuite, il faut intégrer la question des menstrues dans les programmes scolaires. A cela s’ajoutent, des sensibilisations causeries-débats, cadre d’échange entre parents-enfants et la démystification du phénomène des menstrues. Ensuite, la co-responsabilisation de la gestion des menstrues dans le couple améliore la relation et permet de mieux planifier les naissances et aussi de soutenir les femmes et les filles pour faire face aux défis des menstrues. “Aux parents, échangez précocement avec les filles et les garçons sur les menstrues et surtout véhiculez l’aspect positif des règles !”, conseille-t-elle.
Comment réussir à impliquer les hommes dans la gestion hygiénique des menstrues ? A cette question, le sociologue Seydou Massayouné Soma donne son analyse. « Déjà en ville, les hommes consentent à financer mensuellement le »Coton », voire aller l’acheter à la boutique et l’apporter à madame. Cela est déjà une contribution », a-t-il indiqué.
Actuellement, il y a des projets qui forment des tailleurs à la fabrication et la commercialisation de serviettes hygiéniques réutilisables. Cela est une autre forme d’implication. On note aussi que les projets sensibilisent, au niveau communautaire sur la Gestion hygiénique des Menstrues (GHM). Cela est de plus, un moyen d’impliquer les hommes. Dans l’univers scolaire, des sensibilisations sont faites à l’endroit des filles. On peut également y associer tous les jeunes élèves garçons adolescents.
En résumé, les sensibilisations communautaires et dans les écoles, impliquant femmes et hommes sur la GHM, pourraient contribuer à l’implication utile des hommes sur cette question.
Françoise Tougry
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