Aimée Josiane M’po Zongo dite Tata Aimée, ce nom sonne sur toutes les lèvres sur les réseaux sociaux, tant elle brille par son talent en art culinaire. Derrière son statut d’enseignante, se cache un cordon bleu, une femme engagée, une humaniste dans l’âme qui donne sans compter, toujours prête à rendre service. Résidant au Canada, la jeune femme est un modèle au parcours inspirant que nous vous invitons à découvrir…
Visage élégant, teint lumineux, bien coiffée, sourcils bien dessinés, les yeux étincelants, Aimée M’po Zongo est une dame raffinée. Du haut de ses 1m68, elle lance avec ses fossettes, un regard pulvérisateur.
Originaire de Zoula, village situé dans la province du Sanguié, Aimée est l’aînée d’une fratrie de neuf enfants dont six filles et trois garçons. Née de parents cultivateurs, elle allie travaux domestiques, travaux champêtres et l’école. « Je me demandais souvent si ma mère était vraiment ma vraie mère parce que je trouvais qu’elle exagérait dans les travaux qu’elle me confiait », se remémore-t-elle.
Forte, courageuse et solide, Aimée Josiane aide aussi sa mère à puiser l’eau pour la préparation du dolo. « Une amie de maman lui a dit, de faire attention car elle me faisait porter de gros poids qui vont m’empêcher de grandir normalement », se souvient-elle.
Soucieuse d’être autonome, à partir de la 6e,, elle multiplie les petites activités génératrices de revenus : vente de fagots de bois, beurre de karité et mangues mûres. Elle parcourt près de sept kilomètres à pied, pour les vendre à Koudougou.
Toute petite, Aimée Josiane avait déjà la bougeotte. « Quand j’avais 12 ans, un jour, on était en train de faire de la sauce dans laquelle on devait mettre des arachides moulues. Ma mère m’avait demandée de les piler et je l’ai fait à la hâte. Elle m’a bien frappée car les arachides n’étaient pas bien pilées. Depuis ce jour, cela m’a amenée à bien faire les choses », clarifie-t-elle.
Le sérieux dans le travail demeure sa marque de fabrique. Aimée Josiane est très exigeante surtout quand il s’agit du travail bien fait. « J’exige beaucoup d’efforts de la part des autres. Je veux que tout soit toujours correcte, en ordre et ce n’est pas évident. Finalement, c’est devenu un tic et c’est dérangeant pour les autres », reconnaît-elle.
Aimée Josiane attribue son dévouement au travail à l’éducation qu’elle a reçue, affirmant que cela a énormément contribué à forger son sens de la responsabilité.
« Un parcours qui force le respect »
Après l’obtention de son BEPC, elle quitte Réo pour Ouagadougou afin de poursuivre ses études secondaires, en secrétariat. A la fin du cursus en 2000, elle décroche avec brio, trois diplômes, CAP, BEP et BAC G1, la même année. À la suite de ces performances, elle passe le test de l’Institut universitaire de Technologie de l’Université de Bobo-Dioulasso (IUT/Bobo) et sort la tête haute. Deux ans plus tard, elle décroche cette fois-ci, un DUT en secrétariat.
Malgré tous ces diplômes en poche, Aimée Josiane n’est pas satisfaite car elle a un autre penchant : enseigner. Mais, en attendant le concours des professeurs de lycée et collèges, elle met à profit ses compétences de secrétaire à l’École normale supérieure de Koudougou (ENSK en son temps). Une fois de plus, elle est admise aux concours des professeurs et à la fin de sa formation, elle est affectée comme professeur de secrétariat au lycée technique de Ouagadougou. Ce même établissement qui l’avait accueillie quelques années plutôt comme élève. Aimée se consacre à ce métier pendant 13 années au cours desquelles, elle obtient parallèlement un master en sociologie.
Pour couronner le tout, elle est admise au concours des conseillers pédagogiques. « Après deux ans de formation, je suis sortie conseillère pédagogique du secondaire et affectée à Dédougou où j’ai passé trois années jusqu’à ce que je quitte le Burkina pour le Canada », justifie-t-elle.
Ayant déposé ses valises dans cette contrée d’Amérique du Nord, sa nouvelle vie s’annonce difficile. « Les réalités d’ici n’ont rien à voir avec la vie au pays. On apprend de nouvelles choses et on acquiert une certaine expérience qui peut nous être bénéfique une fois retournés en Afrique », raconte-t-elle.
« Un dynamisme au-delà de nos frontières »
Membre de plusieurs groupes de cuisine sur facebook, Aimée Josiane réalise que les recettes burkinabè ne sont pas assez valorisées. Ayant une fois publié une recette dans un de ces groupes, elle essuie une tonne de moqueries et de commentaires blessants. Traumatisée, découragée et se sentant humiliée, elle mit fin à ses publications dans ce groupe.
Amoureuse de la gastronomie, elle crée sur recommandation d’une sœur burkinabè, le groupe dénommé Cuisine burkinabè et d’Ailleurs (CBA), afin de faire profiter de ses recettes, à toutes les femmes d’où qu’elles soient et servir de canal d’échange d’expériences culinaires. Le 1er juillet 2017, le groupe voit le jour. A présent, ce groupe compte plus d’un demi-million d’abonnés.
Bien qu’elle soit loin de son pays natal, celle qui est devenue cheffe d’entreprise, persévère pour que son business tienne la route. « Je veille à ce que les activités confiées à mes sœurs continuent de fonctionner. Par exemple, la vente de la farine-express de donkounou mise en place depuis 2020 et la pâte d’arachide de Tata Aimée et sœurs dans les années 2017. Je trouve du temps pour programmer les publications de vente sur facebook et je converge les clients vers mes sœurs qui sont au Burkina… », relate-t-elle
Au fil du temps, sa passion s’est transformée en expertise. En effet, Aimée Josiane dispense des formations en pâtisserie, un domaine où elle exprime sa créativité « J’ai commencé depuis 2018. Je faisais en présentiel avant que je ne m’installe au Canada. Actuellement, je fais la formation en ligne », dit-elle.
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« Elle est un modèle pour mes frères et moi ».
Aimée Josiane est une source d’inspiration pour de nombreuses femmes et ses proches qui voient en elle, un modèle. « Elle me manque énormément. Elle est un modèle pour mes frères et moi. Je souhaite qu’on parle d’elle hors de nos frontières. Sa timidité fait qu’elle refuse ce genre d’interview. Mais pour vous, je ne sais pas quelle mouche l’a piquée », lance d’un ton humoristique, sa sœur Félicité M’po, assistante en marchés publics.
Aimée Josiane est une femme déterminée qui ne lâche rien. « Elle aime oser. Elle s’est formée toute seule sans aller dans une école de pâtisserie. Ce métier est sa passion », lance Félicité qui l’invite à abandonner un temps soit peu, sa modestie et accepter afficher son image afin de se faire connaître.
Aujourd’hui, c’est une évidence, Aimée Josiane est un véritable cordon bleu. Son talent n’est plus à démontrer car d’autodidacte, elle est passée à cheffe de cuisine. Elle a réussi à s’imposer dans ce domaine en inscrivant son nom dans les annales de la gastronomie notamment la pâtisserie.
Des milliers de personnes dont majoritairement des femmes ont bénéficié de ses connaissances en art culinaire. « Beaucoup ont commencé une activité génératrice de revenus grâce à mes formations. D’autres ont amélioré leur menu familial », se réjouit-elle.
« Une belle âme, pleine de talents »
Batogma Hema, commerçante de fruits et légumes et Aimée Josiane ont fait connaissance dans le groupe CBA. Au fil du temps, la sympathie s’est transformée en amitié. Cette dernière lui témoigne une affection sincère et ne tarit pas d’éloges à son égard. « Aimée est une belle âme pleine de talents. Une dame discrète, humble, bienveillante, très patiente, pieuse, toujours prête à partager son savoir avec son prochain. Des talents, elle en a tellement que je ne finirais pas de les citer », avance Batogoma, une amie.
« Je ne regrette pas de l’avoir connue. Je profite lui dire que je l’aime beaucoup. Que Dieu la bénisse ainsi que toute sa famille ! », ajoute-t-elle.
Actuellement, employée dans une entreprise de sa ville de résidence (Sherbrooke au Canada), cette épouse et mère de deux enfants, nourrit le rêve de rentrer au bercail. Elle affiche une inébranlable détermination à poursuivre son rêve, celui de concrétiser ses projets en faveur du Burkina et de la sous-région.
Françoise Tougry