A 16 ans, Glwadys Ilboudo a déjà vécu plus d’épreuves, que la plupart des gens de son âge. Enceinte à 14 ans, elle a dû affronter le regard des autres, la colère de ses parents, le risque de voir son avenir compromis. Mais, loin de se laisser abattre, elle a fait preuve d’un courage et d’une détermination hors du commun, qui lui ont permis de décrocher son BEPC avec brio. Nous l’avons rencontrée au lycée départemental de Ipelcé, un village situé dans la province du Bazèga, au Burkina Faso, où elle poursuit ses études.
Assise sur une chaise devant sa classe, vêtue de sa tenue scolaire kaki, un foulard jaune sur la tête laissant apparaître ses boucles d’oreilles, le sac d’écolier déposé à sa droite, Glwadys nous accueille visiblement, gênée. Elle balbutie quelques mots de bienvenue avant de commencer à nous raconter son histoire.
Alors, élève en classe de 4e au collège de Banghingogo, la vie de Glwadys prend une tournure inattendue : l’avènement d’une grossesse précoce et non désirée. « On m’a fait savoir que je suis enceinte. Je me suis dit que tout est fini et que mon avenir est gâché, à jamais. Ça été vraiment difficile pour moi, sur place. C’est ma mère qui m’a accompagnée, ce jour-là et elle s’est fâchée contre moi. Je ne voulais plus renter à la maison. Je suis ensuite, allée tout dire à ma tante qui, à son tour, a raconté ça à mon père, quelques jours après. Sa réaction a été pareille à celle de maman. Il me l’a ouvertement fait savoir. Il m’a dit que ce que j’ai fait est contre tout acte d’encouragement ». Une onde de choc pour le chef de famille qui peine à croire ce qui lui arrive : la prunelle de ses yeux attend un bébé, à 14 ans.
Consciente du poids qui pèse désormais sur ses épaules, la future maman fait une promesse à son père. « J’ai fait savoir à mon père que certes, je suis enceinte, mais je vais accoucher. Et que si j’accouche, je vais rattraper tout ce que j’ai laissé passer. Il ne m’a rien dit et il m’a laissée terminer le trimestre avant d’aller chez l’auteur de ma grossesse pour l’accouchement », précise-t-elle. Ce dernier est élève en classe de 3e.
Tout le monde m’évitait, à chaque fois, que je passais.
C’est le début d’un calvaire pour une jeune fille qui, jadis était un modèle pour les autres. Elle doit désormais faire face aux regards accusateurs et aux moqueries de ses camarades. « Telle une peste, personne ne voulait s’approcher de moi. J’ai souffert. Ça n’a vraiment pas été facile parce que je n’avais plus d’ami.e.s », raconte-t-elle.
C’est au cours de cette épreuve que Glwadys, forte de caractère prend une résolution : se battre afin de montrer à toutes ces personnes qui l’ont stigmatisée à cause de sa grossesse que rien n’est jamais perdu. « Quand l’enfant est né, c’était une fille et je l’ai nommée Alice. C’est le nom qui m’est venue à l’esprit », indique-t-elle, souriante.
Si les grossesses précoces font de nombreuses victimes en milieu scolaire et occasionnent des centaines d’abandons scolaires, la situation de Glwadys est un cas d’école. En effet, en plus de sa détermination, elle a pu compter heureusement, sur le soutien inconditionnel de sa mère Christine Konseiga qui n’ a pas laissé tomber sa fille.
Voir le témoignage de la mère de Christine https://fb.watch/phFhSyoRBv/?mibextid=Nif5oz
Elle prend alors, soin de sa petite fille Alice pour permettre à Gwladys de reprendre les bancs. Malgré ce coup de main, il n’est pas facile d’étudier quand on est mère. « Quand je rentre dans la soirée, il faut attendre que l’enfant dorme. C’est à ce moment, que je profite apprendre un peu, mes leçons et si elle se réveille, j’arrête de bosser et je l’allaite avant de dormir », se remémore-t-elle.
Tous les jours, Glwadys se réveille à cinq heures du matin pour se préparer et prendre le chemin de l’école, qui est située à plus de trois kilomètres de la maison. Elle y va à vélo.
Certaines de ses camarades, restées sympathiques envers elle, se disputent le bébé, le jour où elle l’emmène à l’école. Chacune veut tenir Alice dans ses bras. Elle reste là, à les observer sans mot dire. D’autres continuent de l’éviter et de la dénigrer. « Regardez cette fille-là ! Que viens-tu encore faire à l’école avec ton enfant ? Nous sommes là sans enfants. Mais, on n’arrive pas à convenablement avoir la moyenne et toi, tu crois pouvoir travailler comme si de rien n’était », souligne-t-elle.
Sa souffrance n’a pas été vaine.
Malgré la grossesse, Glwadys a pu passer en classe de troisième. Mieux, lors des différentes évaluations, elle est sortie, la tête haute, première de sa classe.
A la fin de l’année scolaire 2021-2022, la mère d’Alice décroche son BEPC au 1er tour, avec l’entrée en seconde. « Mon père, à qui j’avais promis de rattraper le temps perdu était très content de moi. J’ai vraiment fourni beaucoup d’efforts pour lui montrer que c’est possible. Ma mère était elle aussi, très fière de moi. Elle m’a fait savoir que j’ai très bien travaillé et que sa souffrance n’a pas été vaine », laisse entendre la brillante élève, sourire aux lèvres. Aujourd’hui, Alice a deux ans, son père lui rend visite, de temps en temps.
Selon Andréa Guigma, son amie d’enfance, Glwadys Ilboudo est une élève respectueuse et elle prend à cœur, ses études.
Daouda Nikièma est élève en classe de 2nde A. Depuis l’année dernière, il côtoie Gladys. De son avis, elle est une fille calme et très studieuse, toujours en tête du classement scolaire. Malgré son accouchement, elle est restée assidue et ponctuelle au cours et rien n’a changé en elle.
Pour Clarisse Ouédraogo, son professeur d’anglais de la seconde, Glwadys est une élève déterminée à obtenir ce qu’elle veut et elle constitue un exemple pour ses camarades parce qu’elle ne se décourage pas. Au regard de ce qu’elle a eu à traverser, elle n’a pas baissé les bras. « Elle sera une femme active. Ses camarades la voient en jeune fille-mère. Mais, elle reste un modèle de persévérance », signifie-t-elle.
La présidente de l’Association Aucune Grossesse en Milieu scolaire (AGMS), Nadine Nikièma dit être touchée par l’histoire de Glwadys dont elle a pris connaissance par l’intermédiaire de sa tante Chantal. « J’étais très découragée parce que je n’ai jamais pensé qu’elle pourrait un jour, avoir ce problème. Je la connais. C’est une fille timide, très travailleuse. Mais, que dire ? », s’interroge Nadine Nikièma qui reconnaît que la grossesse de la jeune fille a été traumatisante. Mais, son courage a épaté plus d’un car elle s’est démarquée dans ses résultats scolaires surtout, avec l’encouragement de ses parents.
Suivez le témoignage de Nadine Nikièma ici : https://fb.watch/phKENcSc0H/?mibextid=Nif5oz
La jeune fille-mère lance un appel aux autres. « Je conseille à mes camarades de ne surtout pas avorter si elles tombent enceintes. L’avortement est une pratique très dangereuse avec beaucoup de risques. Il faut être courageuse pour face, à ce genre de situation. Certes, vous rencontrerez tout type de souffrance. Mais, vous aurez le dernier mot et vous sortirez victorieuses », recommande-t-elle.
Nadine Nikèma a laissé parler son cœur en négociant la place en classe de 3e pour Glwadys au lycée départemental afin de lui permettre de poursuivre les cours. La bienfaitrice reste convaincue que Gwladys a un avenir prometteur. En effet, Glwadys est passionnée de la médecine. « Je compte fournir plus d’efforts pour améliorer mon niveau. Je rêve de devenir médecin. J’ai confiance en moi. Il y a beaucoup de spécialités mais, j’aime où on fait les opérations », souhaite la future chirurgienne.
Françoise Tougry
Abdoulaye Ouédraogo