Dans l’optique de briser le silence autour des Violences basées sur le Genre (VBG), deux structures Agiles et Référence ont organisé en collaboration avec l’ambassade de l’Allemagne au Burkina, un cadre d’échanges avec les confidentes des survivantes des violences à l’égard des femmes et des filles. Ce panel tenu ce vendredi 1er décembre 2023, à Ouagadougou, entre dans le cadre du projet pour la protection, la réhabilitation et la réinsertion sociale des femmes victimes de viol sous la crise sécuritaire au Burkina.
Ce vendredi 1er décembre 2023, elles ont été plus de 10 femmes confidentes des survivantes des VBG venues des 13 régions du Burkina Faso à s’entretenir avec les acteurs de lutte contre les Violences basées sur le Genre dans la salle de conférence du Haut-Commissariat pour les Réfugiés.
Représentant le chargé d’affaire de l’ambassade d’Allemagne, Julia Annette Spieler a expliqué que ce cadre est un lieu pour briser le silence. Aussi, a-t-elle a expliqué le choix du thème porté sur le viol. « Nous avons choisi le thème de viol, car nous avons constaté à maintes reprises dans le cadre de la mise en œuvre de ce projet que beaucoup de choses sont faites au Burkina pour lutter contre les VBG. Mais dans ce cadre, il est également très important de mettre un accent très particulier sur ces cas » a-t-elle lancé.
« 59% des viols sont commis à domicile »
Selma Farida Touré a présenté les études menées par son cabinet Agiles. Ces études ont montré que les régions les plus affectées par les viols avant et pendant le terrorisme sont les régions du Nord, du Centre-Ouest, du Centre Est, du Centre-Sud et du Plateau central. Aussi, selon la répartition des viols en temps ordinaire selon le lieu de l’acte montre que 59% des viols sont commis à domicile et 25% sont commis en brousse. En ce qui concerne les agresseurs, ce sont les connaissances et les proches des familles qui sont les plus nombreux.
La présentation de l’étude est suivie de témoignages pleins d’émotions, des femmes confidentes. Madame Poa a versé des larmes lorsqu’elle a témoigné. “Les terroristes ont pris en otage 4 femmes et 20 personnes ont violé ces dames. À la fin de l’acte, ils ont pris des piles introduire dans le vagin de ces femmes. Deux ont perdu la vie”, a-t-elle déploré, les larmes aux yeux. Il faut noter que la plupart des témoignages de ces femmes confidentes tournent autour des femmes vulnérables. Pour elles, elles s’occupent tellement de victimes qu’elles en viennent à oublier certaines tâches ménagères.
Pour les femmes confidentes, ce cadre a été le lieu pour elles, d’exposer leurs difficultés et formuler leurs doléances. Fatou, une des femmes confidentes a raconté comment elle est devenue confidente. “ Je ne savais pas que j’étais confidente car je n’ai pas de fait de formation pour cela. Tout a commencé avec l’accompagnement de mon élève qui a été violé. Après cela, les survivantes ont commencé à m’appeler. À ce jour j’ai accompagné 38 personnes dont 6 élèves” a-t-elle expliqué.
Dès l’entame du panel, la directrice du cabinet Agiles, Selma Farida Touré a salué la présence de tous à cette activité avant de préciser que la lutte contre les VBG est une responsabilité collective, une mission qui requiert l’engagement des différentes couches de la société.
Il est donc nécessaire selon elle, de créer un cadre favorisant l’expression des femmes survivantes des violences. « Il y’a des acteurs qui, dans l’anonymat et le silence, jouent le rôle de confidente des survivantes. Il s’agit d’autres femmes qui jouissent d’une certaine crédibilité et exercent un certain leadership dans la société. Ce rôle de confidente est pesant et vraiment éprouvant pour ces femmes. Dans le cadre des 16 jours d’activisme contre les VBG, nous avons décidé de mettre en lumière ces héroïnes et faire connaître leurs actions » a laissé entendre Selma Touré.
Les témoignages laissant la place aux échanges a permis d’aborder plusieurs questions notamment la sécurité des confidentes, les difficultés rencontrées par ces dernières et l’aide des confidentes. Pour ce qui est des difficultés, on note la formation. En effet, les confidentes manquent de formation en la matière. De plus, la plupart des victimes des VBG sont prises en charge par les confidentes elles-mêmes. À cela s’ajoute le manque des fonds pour la prise en charge de ces victimes, le besoin d’accompagnement mais dans la discrétion.
« Dommage que cela tende à devenir un sujet tabou »
Au titre des recommandations pour aider ces braves femmes qui prêtent l’oreille aux victimes des VBG, on retient l’accompagnement des confidentes avec des psychologues, la protection du travail des confidentes, l’accompagnement financière. De même, il a été recommandé que les confidentes collaborent avec les FDS section brigade de la protection de l’enfance de leurs localités.
Au sortir de ce cadre d’échanges, la directrice du cabinet Agiles a expliqué le pourquoi de cette activité et la mise en lumière des confidentes. “ Nous avons décidé de les mettre en lumière, faire connaître leurs actions car elles méritent d’être accompagnées et outillées car elles font un travail formidable sur le terrain sans moyen” a-t-elle expliqué. Elle n’a surtout pas manqué de rappeler que le viol des femmes est une priorité, une question cruciale, une atteinte à la dignité et c’est dommage que cela tende à devenir un sujet tabou. Pour Julia Annette Spieler, représentante du partenaire a réaffirmé l’engagement de l’ambassade dans le combat des droits de la femme. “L’ambassade reste surtout engagée sur les droits des femmes tant dans les questions des cas de viol que dans les VBG et les droits des femmes en général” a-t-elle lancé.
Fabrice Sandwidi