A deux mois de la fin du projet « Jeunes en vigie » ou Jeunesse vigilante, Equipop.org et ses partenaires ont présenté l’état des lieux de l’accès des adolescents et jeunes aux soins liés à la santé sexuelle et reproductive. La cérémonie tenue le 30 octobre 2023, à Ouagadougou, a été l’occasion pour faire un plaidoyer en vue de l’amélioration de l’accès à des services de santé de qualité.
Les statistiques du ministère de l’Éducation nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues nationales (MENAPLN) sont parlants. En effet, les données ont révélé que dans les écoles primaires, les filles tombent enceintes.
Selon Dr Albert Hien, médecin à la direction de la santé et de la famille, cela n’est pas bon. Cela veut dire que si elles tombent enceintes, le risque des infections sexuellement transmissibles est très élevé. « Actuellement, les derniers bilans de 2022 montrent que la prévalence chez ces adolescentes de 10 à 14 ans est la plus élevée au Burkina, soit plus de 2% », a clarifié le chef du bureau des adolescents et des jeunes.
Pour lui, le risque est encore plus grand surtout avec la question des interruptions de grossesses puisque si elles tombent enceintes, elles ne veulent pas que la famille sache. Non seulement, elles sont très fragiles mais, elles ont des bassins immatures qui peuvent aboutir à des complications. Une situation qui, malheureusement va augmenter la mortalité maternelle.
Concernant l’état des lieux de la santé des jeunes et des adolescents, Dr Albert Hien a dépeint un tableau plutôt sombre. Il a ajouté que la jeunesse est sexuellement active de façon précoce avant l’âge de la majorité souhaitée sur le plan civil, c’est-à-dire,18 ans.
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L’éducation en péril
Dr Albert Hien a indiqué que le manque d’éducation est l’un des nombreux facteurs à la base de la sexualité précoce. « Nos papas et nos mamans étaient à la maison, ils étaient cultivateurs, ils avaient le temps d’éduquer. Mais aujourd’hui, nous sommes dans les bureaux, du matin au soir, on laisse les enfants à la maison avec la télé. La principale cause est le manque d’éducation », a-t-il justifié.
L’autre cause est le développement des techniques de l’information qui se sont améliorées. « Par exemple, si vous refusez de donner à votre enfant, un portable performant pouvant montrer des images, il ira voir ses camarades qui vont lui montrer des images pornographiques et autres. Donc, la tentation y est. De plus, il y a la question de la toxicomanie, de la drogue etc. », a-t-il ajouté.
Pour rattraper ce manque d’éducation, le médecin invite les parents à être plus responsables. « Par exemple, un adulte de 50 ans qui sort faire la cour à une fille d’une quinzaine d’années et si malheureusement cette dernière est la copine de sa fille, si elle venait à l’apprendre, cet adulte ne pourra plus rien lui montrer comme bon comportement. Pour corriger ces parents et adultes, c’est compliqué », a-t-il déploré. Il espère que les ONG, les associations vont peut-être travailler à changer ces comportements.
Au niveau de l’autorité, qu’est-ce qui est fait ou envisagé pour aider à une éducation sexuelle et responsable des jeunes ? A cette question, Dr Albert Hien rassure que l’autorité a pris ses responsabilités en élaborant un document guide qu’on appelle « Éducation à la Vie familiale (EVF) ».
En effet, ce document est la domestication de l’éducation complète à la sexualité. Puisqu’au regard des coutumes, on ne peut pas donner tous les aspects de la sexualité à un enfant, a-t-il expliqué, le Burkina a plutôt parlé d’Éducation à la Vie familiale dans laquelle, en plus des aspects sur la santé sexuelle, on a aussi développé des aspects de la bonne conduite, des valeurs morales et des enseignements qui peuvent permettre à l’enfant de réussir sa vie.
Le document étant finalisé, il est déjà en phase pilote dans cinq régions que sont l’Est, le Centre-Nord, le Nord, le Sahel et la Boucle du Mouhoun. Après l’évaluation de cette pilote, elle pourra peut-être passer à l’échelle nationale.
Selon la chargée du projet Sergine Noëlie Kaboré Traoré, l’objectif est de renforcer véritablement l’accès des adolescents et des jeunes à des services de santé de qualité intégrée mais également adaptés à leurs besoins spécifiques tout en respectant leurs droits.
Les activités de sensibilisation sur le terrain, les causeries éducatives, les entretiens avec les prestataires de santé ont eu un impact auprès des jeunes. Il est ressorti que les jeunes prennent de plus en plus conscience avec les activités menées et de plus en plus, ils fréquentent les centres de santé. Aussi, avec les plaidoyers auprès des autorités politiques, coutumières et religieuses, beaucoup d’entre elles ont pris l’engagement de s’impliquer pour l’amélioration de l’accès des jeunes à des services de santé de qualité. Un bilan satisfaisant selon Sergine Kaboré Traoré.
La première phase du projet s’achève en décembre. En termes de perspectives, toutes les démarches ont été faites et le bailleur a validé, à en croire Sergine Noëlie Kaboré Traoré. « Il reste maintenant à écrire les différentes activités et voir dans quelle période lancer la suite. Ce sera probablement en 2024 », a-t-elle laissé entendre.
« Jeune en vigie » débuté en 2020 a une durée de trois ans. Réalisé en consortium (Equipop.org, SOS Jeunesse et Défis, Burcasso, ONG Jeunesse et Développement, RAES), le projet se déroule au Sénégal et au Burkina. Deux régions sont concernées au Burkina, le Centre-Ouest (districts sanitaires de Koudougou et Réo) et celle du Centre-Est (districts sanitaires de Tenkodogo et Koupéla).
Françoise Tougry