La lecture est essentielle pour les jeunes. Elle leur permet de découvrir, de s’épanouir et de se cultiver. Mais comment les inciter à lire ? Comment leur faire aimer les livres ? Comment les accompagner dans leurs choix ? Nous avons interrogé Dr Fatou Ghislaine Sanou, spécialiste des littératures africaines au Laboratoire Littératures, Arts, Espaces et Sociétés (LLAES). Elle nous parle des enjeux et des défis de la lecture jeune public ainsi que des astuces pour créer un climat propice à la lecture.
Que faut-il entendre par lecture jeune public ?
La lecture jeune public concerne les enfants et les adolescents. En général, il est question de littérature d’enfance et de jeunesse. Il s’agit donc, de prendre en compte les tout-petits, les enfants et les adolescents dans leur rôle de lecteur.
Qu’est-ce qui peut pousser les jeunes à la lecture ?
On apprend à lire en voyant les autres le faire. Il faut donc, l’accompagnement d’un médiateur (parent ou tuteur) afin de cultiver le plaisir de découvrir les livres. Chez les enfants, cela peut commencer par la lecture à haute voix. En effet, le livre est un excellent outil de connaissances, d’apprentissage, de réflexion et d’échanges. La lecture contribue à l’éveil culturel, à la construction de soi et à l’ouverture à l’autre.
Quelle satisfaction tirent-ils de la lecture ?
La lecture procure tout d’abord, du plaisir, aide à oublier les problèmes du quotidien et éloigne du stress. Ensuite, la lecture développe l’esprit d’analyse et l’esprit critique. Elle améliore également l’expression orale et écrite tout en développant la mémoire et les capacités cognitives.
En un mot, la lecture représente un levier capital pour réduire les inégalités. Elle contribue à l’éducation et à l’épanouissement intellectuel dans la société.
Au cas où, les jeunes ne veulent pas de la lecture, qu’est-ce que les parents peuvent faire pour les accompagner ?
La participation d’un adulte pour accompagner les jeunes lecteurs dans leur démarche de lecture et de découverte est une nécessité.
L’amour de la lecture se cultive dès le plus jeune âge et se nourrit à l’adolescence. S’il est difficile de nos jours, de demander aux jeunes, de se passer des écrans, il est important, en revanche, de leur présenter les livres comme une alternative ludique, une façon différente d’explorer les sujets qui les passionnent mais aussi, un passe-temps solitaire qui leur permet de trouver des réponses à de nombreuses questions liées à leur âge.
L’une des raisons qui emmène les enfants et les jeunes à ne pas aimer la lecture est le fait que cela leur semble obligatoire, imposé et presque jamais un choix opéré par eux-mêmes (par exemple, la lecture imposée pour un cours ou une classe).
Pour amener les jeunes à la lecture, il est important que leur environnement quotidien (ville, quartier, maison, école…) puisse leur proposer souvent, des livres, beaucoup de livres et surtout d’excellents livres. Cependant, il faut également un médiateur qui soit disponible pour eux.
Ce médiateur les met en rapport avec le livre. Qu’aiment-ils ? Quel est leur univers ? Quelles sont les interrogations sur le monde et les autres ? En le découvrant, l’adulte saura trouver les livres qui correspondent à la personnalité du jeune lecteur. En effet, lire soi-même en tant que parent et ne pas être sans cesse sur un écran car la notion d’exemplarité est très importante chez l’enfant et l’adolescent.
On remarque que les filles aiment les romans à l’eau de rose. Pourquoi ? Ce genre d’ouvrage littéraire n’impacte-t-il pas leur perception de la vie ?
Nous connaissons tous bien, les collections Harlequin ou Adoras par exemple. La recherche de romance fait partie de la recherche d’un bien-être intérieur. Comme le souligne le sociologue Bernard Lahire dans son ouvrage « La culture des individus », il est d’abord question de s’évader, de faire baisser la pression sans avoir à réfléchir et de laisser s’exprimer son côté sentimental.
Les lectrices s’identifient aisément à leurs héroïnes qui leur font rêver une vie bien souvent différente de leur réalité. Bien loin de leur quotidien, elles sont emportées par des histoires marquées de rebondissements.
Il est évident que ces livres doivent être reçus avec beaucoup de discernement. Il s’agit de fiction. Donc, ce n’est pas la réalité. Même si certains indexent l’impact des romans à l’eau de rose sur la vie des lecteurs, il faut certainement nuancer et y voir le bénéfice de connaissances et d’informations utiles sur les relations amoureuses.
Est-ce parce que les jeunes ne trouvent pas leur goût dans les livres de nos auteurs burkinabè qu’ils ne s’y intéressent pas.
La méconnaissance des textes d’auteurs burkinabè est liée à plusieurs facteurs. De manière générale, il s’agit de difficultés d’édition, de diffusion et de promotion des œuvres.
Nous avons une tendance par exemple à l’édition à compte d’auteur avec ce que tout cela peut comporter comme limites dans la réception des œuvres par le public et surtout la frange jeune.
Certains auteurs arrivent à tirer leur épingle du jeu, malgré tout. Toutefois, il faut souligner que la production de la littérature d’enfance et de jeunesse est balbutiante au Burkina Faso. Cela devrait attirer l’attention des écrivains afin de produire des œuvres de qualité pour les enfants et les jeunes.
Quelles sont les conditions d’un environnement favorable à la lecture ?
La place accordée à la lecture est déterminante pour le développement de l’enfant et de l’adolescent. Comme souligné plus haut, la présence d’un médiateur (un parent ou un tuteur) assidu est indispensable. Il pourra s’agir aussi bien du livre papier que du livre numérique.
En résumé, voici quelques démarches qui peuvent aider à favoriser la lecture :
– S’inscrire dans une bibliothèque ;
– Lire régulièrement des livres aux enfants ;
– Aménager un temps/un espace de lecture chez soi ;
– Lire avec l’adolescent pendant quelques minutes chaque jour pour l’amener à nourrir cette motivation ;
– Récompenser après la lecture d’un ouvrage ;
– Amener son enfant/son adolescent à des activités ou évènements littéraires ;
– Acheter un abonnement à un magazine dont la thématique l’intéresse.
Pour les écrivains, il faudra bien entendu travailler, à produire une littérature d’enfance et de jeunesse nationale.
Entretien réalisé par Françoise Tougry