Briser le silence autour de la santé mentale afin de permettre une réinsertion socio-économique et familiale des femmes et des jeunes filles au Burkina Faso, c’est l’idéal que prône l’Association Sœurs pour Sœurs. A cet effet, l’association a organisé un webinaire, le mercredi 18 octobre 2023.
La rencontre virtuelle, placée sous le thème « Femmes, santé mentale et stigmatisation : brisons les tabous » a démontré que les femmes atteintes de maladies mentales sont marginalisées. Selon Kiswensida Congo Sawadogo, attachée en santé mentale et présidente de l’Association pour la Promotion de la Santé mentale (APSAM), en général, la situation en matière de santé mentale des femmes et des jeunes filles n’est vraiment pas reluisante. Les femmes sont en proie à des inégalités de genre, aux violences physiques et sexuelles ainsi qu’aux problèmes d’accès aux droits fondamentaux. Cela crée des facteurs de vulnérabilité.
Dr Eschil Tozé, médecin généraliste a indiqué que la santé mentale est un état de bien-être à la fois physique et mentale. La santé regroupe tous les facteurs émotionnels et affectifs. Pour lui, 1/5 des femmes est affectée et les causes majeures sont la pression familiale, les charges familiales, les premières règles à partir de 13 ans...
En cas de viol, l’avis des victimes ne compte pas. Elles n’ont pas parfois, le courage d’en parler et ainsi, commence le repli sur soi. Elles gardent ce traumatisme et quand les idées noires commencent à naître, le suicide peut survenir.
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Concernant le cas d’enfants handicapés, l’on accuse les femmes souvent, d’en être responsables. Cette situation déclenche des facteurs qui, au fil du temps, les poussent à se sentir abandonnées, écartées, stigmatisées. « Loin de la famille., enchaînées, elles dorment dehors, sales. Personne ne se soucie d’elles. Elles sont en quelque sorte, bannies », argumente-t-il.
« Celles qui vont à la recherche de soins en allant vers un spécialiste sont vraiment rares ».
Selon Dr Eschil Tozé, l’auto-stigmatisation est une partie très importante de la santé mentale. L’on parle d’auto-stigmatisation lorsque la femme accepte sa maladie et oublie qu’elle peut avoir des soins. Celles qui vont à la recherche de soins en allant vers un spécialiste de la santé mentale ou une personne ressource sont vraiment rares.
Quant à Alimata Sondé, agent de santé, à Boromo, elle émet le vœu d’un renforcement de capacités des agents de santé en la matière.
Afin de briser les tabous autour de la santé mentale, Kiswensida Congo Sawadogo insiste sur la nécessité d’une lutte commune et permanente incluant tout un chacun, acteurs du domaine de la santé, les professionnels de la santé, les familles, la société toute entière.
Dr Eschil Tozé, pour sa part, recommande de mettre l’accent sur la réinsertion. L’entourage est nécessaire pour la guérison voire la stabilisation de ces personnes. « Si la personne revient dans son entourage, aimée de sa famille, elle va s’en remettre même si au départ, elle a subi des moqueries et des humiliations. Et cette réinsertion ne peut se faire sans une sensibilisation de la population », clarifie-t-il.
A l’endroit des femmes, Dr Kiswensida Congo Sawadogo les invite à déstresser, à s’aimer et s’estimer. « Trouvez quelque à faire ! Occupez-vous ! », conseille-t-elle.
Au niveau familial, privilégier entre autres, le dialogue dans le foyer, adopter un style encourageant envers les résultats scolaires des enfants, être reconnaissant des efforts que chacun déploie pour la bonne marche du foyer.
Au niveau de l’Etat, Dr Congo suggère de mettre l’accent sur la promotion de la santé mentale, d’améliorer, le plateau technique, la qualité des soins et de faire en sorte que les enfants qui viendront à naître vivent dans de meilleures conditions. De plus, elle souhaite la mise en place d’un mécanisme de système de santé performant en faveur des personnes du troisième âge, que la législation soit favorable à la santé physique et mentale et que les organisations et associations fassent les plaidoyers !
Dr Eschil Tozé renchérit sur l’organisation des campagnes de sensibilisation sur la prévention, les symptômes et les signes des maladies mentales.
Le webinaire qui a réuni une quinzaine de participants dont des attachés en santé mentale, des médecins, des étudiants en psychologie, des acteurs de prise en charge et ceux intervenant dans les droits humains, a permis de faire l’état des lieux non reluisant de ce phénomène et de poser un regard nouveau en termes de perspectives.
Françoise Tougry