Le suicide est un phénomène complexe et multifactoriel qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Selon les dernières données de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) publiées en 2020, les décès par suicide au Burkina Faso ont atteint 1,521 ou 1,13 % des décès totaux. Dans cet entretien réalisé le 22 juin 2023, on en parle avec Dr Aïcha Traoré Sanou, médecin psychiatre militaire a la clinique de santé mentale du centre médical du camp général Aboubakar Sangoulé Lamizana de Ouagadougou.
Quel est le lien entre la dépression et le suicide ?
Le suicide et les tentatives de suicides constituent les principales complications de la dépression.
Parmi les symptômes de la dépression, il y a les idées négatives. On a tendance à se dévaloriser. On commence à se qualifier de terme négatif tel que « Je suis inutile », « Ma vie ne sert à rien ».
Dans ce cercle vicieux, il va s’installer ce qu’on appelle, la douleur morale. Pour une personne déprimée, une dépression sévère, la personne finit par dire que le suicide apparaît comme solution pour mettre fin à la souffrance que la personne endure. C’est l’une des plus grandes complications de la dépression.
Y’a-t-il des statistiques des suicides au Burkina Faso ?
L’OCDE en 2019 rapportait 14,4 suicides sur 100 mille habitats au Burkina Faso. En 2022 un confrère pour son travail de mémoire a travaillé sur les tentatives de suicide sur 6 mois dans les services d’urgences au centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo. Il y a eu 62 personnes qui ont été reçu pour tentative de suicide. Pour dire que devant un cas de suicide abouti et avéré, il y a eu plusieurs d’autres cas de tentative qui ne sont pas relayés par la presse. Récemment à travers les journaux, on voit qu’il y a eu beaucoup d’étudiants qui ont essayé ou se sont suicidés. Mais nous n’avons pas de statistique disponible.
Est-ce qu’il y a des signes qui permettent de savoir si un proche a des envies suicidaires ?
Il y a des signes et des moments de vie. Pour les uns, cela va être tout évènement douloureux ou une vie difficile, la séparation, l’abandon, le deuil. Pour d’autres, c’est compliqué après la perte d’un être cher. Pour certains, c’est à travers le langage. Il y a en a qui vont se qualifier en terme négatif et/ou se mettront à rechercher comment arriver à mourir, « Dire que je vais vous manquez quand je ne serai plus là ». Ce sont des comportements qui doivent alerter les proches.
En milieu rural, c’est surtout les herbicides que les gens prennent. Quand on a quelqu’un qui n’a rien à faire avec de l’acide mais qui se met à en chercher, quelqu’un qui cherche des armes à feu et cela dans contexte de mal-être ou de souffrance, c’est possible qu’il ait des idées suicidaires.
Est-ce qu’il y a des maladies qui prédisposent à cela ?
Oui. Certaines maladies mentales peuvent prédisposer au suicide. Il y a également la stigmatisation du malade mentale (regards et comportements de négligence, de violence à l’endroit des malades mentaux), la consommation des drogues également.
Comment peut-on prévenir le suicide ?
C’est vraiment d’être disponible. Quand on a quelqu’un ou un proche qu’on connaît, qui traverse une situation difficile, qui a du mal à se remettre, c’est vraiment d’être disponible pour cette personne, être à l’écoute.
Il faut encourager la personne à tisser les liens et à être avec les autres. Ce sont des facteurs qui peuvent aider pendant la crise suicidaire.
Abdoulaye Ouédraogo
Aminata Ouédraogo stagiaire