Avec plus de 140 marchés, le commerce est l’une des activités phares dans la ville de Ouagadougou. A Arb-yaar, marché situé au quartier Tanghin, des commerçants montent au créneau, pour exprimer leur ras-le-bol lié au système de marché hebdomadaire pratiqué par certains d’entre eux.
Friperies, ustensiles de cuisine, pagnes et tissus, perles, légumes et fruits, tels sont les divers produits proposés aux clients, ce mercredi 07 juin 2023, au marché d’Arb-Yaar de Tanghin. Ici, pas besoin d’accéder à l’intérieur du marché pour s’approvisionner. Pour cause, un groupe de commerçants, se promenant de marché à marché pour vendre leur produit, vient tous les mercredis s’installer tout autour dudit marché.
Julie Bambara, étudiante en deuxième année d’agro-alimentaire est venue acheter des légumes. « C’est ma sœur qui m’a envoyée faire le marché. Mais, je pense acheter un pagne et j’ai prévu de l’argent pour ça, vu qu’il y a tout ce que l’on désire. », a-t-elle expliqué.
Nous tentons d’accéder à l’intérieur du marché. L’entrée est presque obstruée par des marchandises.
Une commerçante, voyant sa marchandise en danger, sous nos pieds, nous interpelle d’un ton violent : « vous, ne marchez pas sur mes produits !».
Difficile d’avancer rapidement. Mais finalement nous sommes parvenus à entrer à l’intérieur du marché au bout d’une dizaine de minutes. C’est tout différent de l’extérieur. Calme, un peu vide, rien ne donne envie d’y rester.
Cette situation n’est pas du goût des commerçants installés à l’intérieur du marché qui n’hésitent pas à exprimer leur mécontentement.
Mamadou Zongo, le délégué des commerçants du marché, a déploré cette situation. « Il n’y a pas de marché à l’intérieur parce que les gens vendent à l’entrée. Nous avons tenté, en vain, de faire comprendre à ceux qui sont autour qu’ils doivent rentrer ici pour se mettre avec nous. Ils ne font pas partie des vrais commerçants du marché. Ce sont des gens qui font le tour des différents marchés pour gâter les ventes ».
Et de renchérir : « Comme ils se placent à l’entrée du marché, tous ceux qui arrivent restent dehors et trouvent que les prix sont abordables. Du coup, ils nous laissent, nous qui sommes à l’intérieur du marché pourtant, ceux qui sont installés à l’intérieur du marché s’acquittent des taxes ».
Selon le responsable du marché, cela fait plus de 10 ans qu’ils mènent une lutte contre le phénomène du marché hebdomadaire à Arb-Yaar.
« Nous avons approché la mairie de l’arrondissement numéro 4 pour trouver une solution. Nous avons contacté tous ceux qui sont censés pouvoir nous aider. Mais, le problème persiste toujours », a-t-il ajouté, frustré.
C’est un phénomène qui dérange beaucoup, dit-il, pas seulement à Arb-yaar, mais aussi dans presque tous les marchés de Ouagadougou.
Une commerçante qui a requis l’anonymat, découragée par la situation, nous exprime son ras le bol. « Ceux qui s’installent à l’entrée du marché viennent vendre ici, chaque mercredi. Ils récupèrent tous nos clients. Si un client vient à l’intérieur du marché, c’est que ce dernier n’a pas eu ce qu’il veut à l’entrée. Pourtant, nous qui sommes bien installés à l’intérieur, nous payons des gardiens par mois et nous payons des taxes. S’il y a quelque chose à faire pour qu’ils nous rejoignent à l’intérieur, ce sera parfait et le marché sera à un meilleur niveau », a-t-elle témoigné.
Selon cette dernière, seuls les habitants du quartier savent qu’il y a des marchandises de qualité à l’intérieur. « La police a même essayé de les sensibiliser, en vain. Dès que la police donne dos, ils s’installent à nouveau. Quand des gens veulent acheter quelque chose, ils disent qu’ils vont attendre le mercredi pour le faire, comme si nous étions au village », a-t-elle confié avec regret.
Sidou Ganamé qui exposait sa marchandise à l’intérieur du marché a dû rejoindre le groupe de commerçant installé à l’entrée pour être plus visible.
Si les commerçants du marché se plaignent, ceux installés au bord de la route semblent par contre se frotter les mains.
Nous avons tenté de leur arracher quelques mots, sans succès, sur leur occupation anarchique de l’entrée du marché. « Désolé monsieur mais, je ne peux pas me prononcer », nous a lancé un commerçant occupé à satisfaire sa clientèle sans daigner nous prêter attention.
Noufou Zongo , commerçant ambulant depuis quatre ans vient chaque mercredi dans ce marché pour les ventes. Il ne trouve pas d’inconvénients à cela. « Comme nous voulons avoir notre pain quotidien, il n’y a pas de soucis», a indiqué Noufou.
Pour lui, le marché hebdomadaire offre un grand avantage. « Si les clients viennent trouver les mêmes marchandises sur place tous les jours, ça les dégoute quand-même. C’est pourquoi je préfère me promener » , a-t-il déclaré.
La mairie de l’Arrondissement n°4 coupable ou accusé à tort ?
Afin de mieux comprendre la situation, nous nous sommes rendu à la mairie de l’arrondissement 4. Selon le président de la délégation spéciale de l’arrondissement numéro 4, Salomon Kambou, il revient aux CO.GES de faire en sorte que les commerçants occupent les installations à l’intérieur du marché. Pour Salomon Kambou, les commerçants que l’on croise à l’entrée des marchés ne sont pas tous venus d’ailleurs. Il invite les commerçants à faciliter la tâche à la mairie. « Nous avons commencé par le marché de Toukin pour voir. Si les commerçants adhèrent à la vision de la mairie, on va les accompagner », a-t-il expliqué.
Pour le cas précis d’Arb-Yaar, il affirme que, lorsque les travaux de la voie menant vers la Rocade Nord (échangeur du Nord, rond-point de Kossodo) seront finis, des dispositions seront prises pour empêcher les gens d’occuper la voie. « On va leur dire de rentrer occuper les boutiques qui sont à l’intérieur. Il faut que les commerçants comprennent que ce que nous faisons est dans leur intérêt », a-t-il précisé.
Conscient des enjeux, il compte sur le soutien de plusieurs acteurs pour résoudre le problème. D’où la nécessité de faire de collaboration entre les différentes structures.
« Il faut mobiliser les moyens, pour contraindre ceux qui occupent les voies de la circulation à un certain moment, à libérer les lieux », a-t-il lancé. Et de conclure : « On a déjà commencé avec un marché et à Arb-Yaar, il y a le président du COGES avec qui nous sommes permanamment en contact. C’est un problème qu’on connaît car la police est déjà partie là-bas ».
Abdoulaye Ouédraogo