Originaire de Gourcy, Abzèta Ouédraogo dit Yadéga est commerçante au marché de Larlé, dans la commune de Ouagadougou. Sa spécialité, c’est la vente de condiments, plus précisément les feuilles fraîches. Une activité qu’elle mène depuis trois décennies. Son abnégation au travail et sa combativité font d’elle, un modèle, une femme bien appréciée par son entourage. Queen Mafa l’a rencontrée, le 31 mars 2023.
C’est en 1993, qu’Abzèta Ouédraogo se lance dans la vente des feuilles. « Juste comme ça, par plaisir parce que je le voulais », précise la commerçante.
Au début, elle propose des épinards à une petite clientèle. Petit-à-petit, sa clientèle s’élargit. Pendant 20 ans, elle reste dans la même dynamique. Les dix années suivantes, elle essaie de varier ses produits avec les feuilles d’oseilles, de haricots, de koumvando (aubergine locale en langue nationale mooré), de boulvanka (Corète potagère), le gombo frais, etc.
Sa fille, Ramata Ouédraogo, qui n’était encore qu’une gamine à l’époque se souvient des débuts de cette activité comme si c’était hier. Tous les jours, sa mère ramène les épinards à la maison avec les tiges afin de les apprêter pour le lendemain.
« Nous, on arrangeait pendant qu’elle s’occupait de la cuisine. Après avoir fini d’arranger, il faut que ça soit joli. Le lavage incombait à la petite sœur de maman, mon grand frère et moi. Les deux lavent dans deux bassines et moi, j’étais chargée d’attraper le sac, de l’écarter pour qu’on mette les feuilles jusqu’à remplir. Et souvent, le sac est tellement lourd que tu peux tomber avec », se remémore Ramata aujourd’hui épouse Pafadnam, avec nostalgie.
A partir de sept ans, Ramata et son grand-frère doivent désormais unir leurs forces pour soutenir leur mère dans tous les travaux ménagers car la tante est rappelée au village pour son mariage.
Le départ de sa petite sœur est un coup dur pour Abzéta. Mais, elle tient bon. Elle explique alors à ses enfants, la nécessité de s’entraider et les met à l’épreuve.
« A neuf ans, je savais faire le tô. J’avais ma spatule. Par exemple, si elle sait avec quel fournisseur, elle va travailler demain et que ça tombe un jeudi ou un dimanche, quand on se réveille, on fait le ménage, on puise l’eau et on la devance au jardin à Kossodo pour enlever les feuilles, le temps qu’elle finisse de cuisiner et nous rejoindre », rappelle Ramata.
Grace à ce commerce qu’elle estime rentable, Abzèta subvient aux charges de sa famille, aux dépenses quotidiennes et à la scolarisation de ses enfants d’où sa satisfaction. « Je suis fière de mon travail. Je suis vieille mais, je suis contente », dit-elle.
Une femme tenace
Si pour certaines personnes, voir sa mère vendre des feuilles au marché peut être vu comme peu valorisant, ce n’est pas le cas de Ramata. « Je n’ai pas honte. Pas du tout ! Dieu merci, nous avons suivi ses conseils et nous avons fermé la bouche des gens par nos travaux.», martèle-t-elle.
Selon Ramata, cette activité a permis à sa mère de s’affirmer, de continuer à prendre soin de la famille et de s’occuper de ses propres parents.
Même si les trois enfants d’Abzèta qui travaillent lui apportent une contribution financière, ces derniers estiment que leur capacité financière ne permet pas aux parents de se désengager entièrement des dépenses courantes de la famille.
Selon Zénabo Nikièma, sa voisine au marché, Abzèta est une femme modèle. Son abnégation au travail est une évidence. Depuis plus d’une décennie qu’elle la côtoie, elle apprécie la manière dont Abzèta s’organise au marché et avec ses enfants, en famille. « C’est une dame très gentille, qui aime son travail », ajoute-t-elle.
Au regard du chemin parcouru et de tous les efforts consentis pour que cinq enfants aient un bel avenir, sa progéniture souhaite à ce jour, qu’Abzèta mette fin à cette activité de longue date et profite pleinement de sa vieillesse.
« Je veux vraiment qu’elle se repose car elle a trop fait pour nous. Notre papa souhaite la même chose. Nous avons essayé à plusieurs reprises de la convaincre d’abandonner ce commerce en lui proposant autre activité moins fatigante, mais en vain », déplore sa fille, avec soupir.
Étant donné que son activité la maintient toujours en forme, Dame Ouédraogo, à 57 ans, ne compte pas jeter l’éponge. « Pas question d’arrêter !» rétorque-t-elle. Pour ce faire, elle emploie une servante qui l’aide maintenant.
Abzéta Ouédraogo invite la jeune génération de filles et les femmes, à soutenir leurs conjointss dans le foyer à travers des activités génératrices de revenus. Elle demeure convaincue que, ce que la femme gagne est toujours un plus, pour la famille.
Françoise Tougry