Diplômée en journalisme de l’Université de Strasbourg, Béatrice Damiba a occupé de plusieurs postes de responsabilité dont celui de rédactrice en chef de Sidwaya, d’attachée de presse du Premier ministre en 1983, de Haut-commissaire du Bazèga, ambassadrice du Burkina en Italie et présidente du Conseil supérieur de la communication (CSC). Coparrain de la célébration des 50 ans du journal « L’Observateur paalga », elle rend à travers ces quelques lignes, un vibrant hommage au doyen de la presse écrite.
Lorsque, le 28 mai 1973, naissait L’Observateur Paalga, l’aîné des quotidiens burkinabè (voltaïques à l’époque), j’étais sur les bancs de l’université à Strasbourg, en train d’apprendre le b.a-.ba du métier de journaliste.
Je n’ose passer sous silence qu’avant lui, quelques titres après l’indépendance de la Haute-Volta en 1960 ont eu des existences plus ou moins heureuses. Rentrée au pays et fonctionnaire, j’ai dû me contenter du Bulletin quotidien (BQ), cette feuille de chou tout juste ronéotypée (reproduction à partir de stencils perforés !), miroir du régime du RDA au pouvoir et où mes articles étaient
régulièrement censurés.
A la fois envieux et admiratifs de L’Observateur, déjà imprimé et au ton libre, il nous faudra attendre le 5 avril 1984 pour porter Sidwaya, premier quotidien d’Etat imprimé, sur les fonts baptismaux. Hélas ! Deux mois après, notre modèle phare est victime d’un incendie criminel.
Quant à moi, cinquante ans après, me voilà à la retraite tandis que «L’observateur», rebaptisé entre-temps «L’Observateur paalga», en renaissant de ses cendres suite aux ravages des feux du 10 juin 1984, continue son bonhomme de chemin, pour ne pas dire son aventure ou sa chevauchée, contre vents et marées. En effet, que d’eau a coulé sous les ponts !
La vie d’un quotidien n’est pas un long fleuve tranquille. Surtout dans un pays où la vie démocratique va en dents de scie, entraînant dans ses sinuosités les libertés et les droits en général, la liberté de la presse et le droit à l’information en particulier. Sans compter que l’analphabétisme ambiant n’est pas pour garantir la viabilité économique ni la prospérité de l’entreprise quand la publicité et les annonces ne sont pas au rendez-vous, de sorte à équilibrer les recettes de vente.
J’étais ministre de l’Information et de la Culture fin des années 80, début des années 90 quand j’eus à cogérer avec Jean Léonard Compaoré, alors ministre de l’Administration territoriale et de la Sécurité, le dossier de réhabilitation du journal, après le drame de 1984, suivi de la reprise manquée du 27 janvier 1989 et de la mise sous scellés.
Ce ne fut pas chose aisée au sein du gouvernement. Et c’est moyennant le compromis d’adjoindre l’appendice «paalga» au titre du journal que l’autorisation lui fut donnée de réapparaître. Ce qui fut fait le 15 février 1991.
Quand bien même la création d’un journal écrit aurait toujours été déclarative dans notre pays aux termes des différentes lois successives, depuis la loi N°20 AL du 31/08/1959 (inspirée de la loi française du 29/07/1881 sur la liberté de la presse)jusqu’à à la loi N°57-2015/CNT du 04/09/2015, portant régime juridique de la presse écrite, en passant par la loi 56-93/ADP du 30/12/1993, portant Code de l’information.
L’Observateur restera dans la mémoire collective des Burkinabè comme le pionnier, le précurseur des quotidiens imprimés et illustrés du pays. Il sera conforté dans sa position et ses choix, en ces débuts des années 90, par la libéralisation du secteur de l’information et de la communication en Afrique, consacrant le fameux printemps de la presse africaine. C’était suite à la conférence, tout aussi fameuse, de la Baule qui secoue le monopole des partis uniques en Afrique francophone.
Ces bouleversements confirment que la liberté de la presse va de pair avec la démocratie (cf. ci-dessus). Au moment où L’Observateur Paalga jubile pour son âge d’or, il est un véritable livre ouvert sur l’histoire des 50 dernières années de la Haute-Volta, Burkina Faso. Il reflète la mémoire de plusieurs générations de politicien(ne)s, de professionnel (le)s, de libres penseurs, de lecteurs (trices) d’ici et d’ailleurs.
Il est aujourd’hui une source intarissable où peuvent s’abreuver les chercheurs, les enseignants, les étudiants et toute personne curieuse de regarder dans le rétroviseur de notre histoire des cinq décennies écoulées, excepté la parenthèse juin 1984-février 1991.
Y sont relatés et commentés : les coups d’État et autres frénésies sociopolitiques, la vie des institutions, des partis politiques, des syndicats et des OSC, l’évolution économique, les grandes manifestations culturelles, etc.
Dans le secteur de la presse, L’Observateur paalga a vécu ou vit : l’assassinat de Norbert Zongo en décembre 1998, l’instauration de la Convention collective des journalistes professionnels du 6 janvier 2009, l’institution de la Carte de presse et du laissez-passer du 30 avril de la même année, l’instauration de l’aide publique à la presse privée, la concurrence de nouveaux titres apparus dans l’espace médiatique, l’explosion de la presse audiovisuelle privée et … non des moindres !… l’avènement du numérique et la menace qu’il représente pour la survie de la presse papier et des emplois qui en dépendent.
Je laisse au colloque international sur le thème «Les médias traditionnels africains face au développement du numérique : résilience, opportunités et défis » le soin d’en débattre pour
éventuellement déboucher sur des propositions d’une pratique newlook du journalisme qui pérennise cette si noble profession.
BON JUBILE D’OR à L’Observateur paalga, au doyen
Édouard Ouédraogo et à toutes les équipes de rédaction
Confraternellement
Béatrice DAMIBA