Aoua Koussoubé Ouédraogo est l’une des rares femmes scriptes au Burkina. Métier peu connu du grand public, la scripte est la personne clé de la production et post-production dans le domaine du cinéma. Actuellement en service à l’Institut supérieur de l’Image et du Son-Studio Ecole (ISIS-SE), Aoua Koussoubé est une femme méticuleuse, sympathique et dévouée au travail.
Son nom n’est pas étranger au monde du cinéma au Burkina Faso, Awa Koussoubé Ouédraogo a traîné sa bosse sur plusieurs plateaux de tournage. Mais, vous ne la verrez peut-être jamais dans un film puisqu’elle exerce un métier de l’ombre : le script.
Lors d’un tournage, Aoua Koussoubé joue à la fois le rôle d’assistante du réalisateur et la secrétaire du plateau dont le devoir est de noter toutes les informations du début jusqu’à la fin.« La scripte est la mémoire du film. C’est la personne qui assure la continuité de la réalisation », précise le spécialiste en montage, Elom Amblesso.
Aoua Koussoubé s’est lancée dans ce domaine,sur recommandation du producteur Pierre Rouamba. Elle fait ses premiers pas en tant que stagiaire auprès de Missa Hébié dans le film « En attendant le vote des bêtes sauvages », pendant sa formation à l’École nationale d’Administration et de la Magistrature (ENAM) en 2010.
Pendant son stage, Pierre la conseille et la guide. A partir de cet instant, elle se fixe un objectif bien précis, réussir dans ce domaine. Elle décide alors de se faire encadrer par la réalisatrice Adjaratou Lompo. « Par son ouverture d’esprit et son professionnalisme, elle a davantage cultivé en moi, la passion du métier de scripte », souligne-t-elle.
« Être scripte, c’est faire preuve d’observation minutieuse et d’organisation détaillée. La scripte est un acteur incontournable dans la réalisation des films. J’ai choisi ce métier parce qu’il me passionne », renchérit-elle.
Habibou Zoungrana, son professeur de montage à l’ENAM explique qu’Aoua Koussoubé est une élève disciplinée, motivée, qui manifeste un grand intérêt pour son cours.
« A la fin de sa formation, elle continuait à assister ceux qui sont sur le terrain et à approcher les aînés pour approfondir ses connaissances », indique-t-elle.
Une multitâche
Munie d’un cartable, de cahiers, d’un stylo, d’un crayon, d’une gomme et de fiches, Aoua Koussoubé est très attentive et vigilante sur le déroulement de chaque séquence peu importe le nombre de fois qu’elle a été reprise. Un tel métier nécessite beaucoup de patience. Et patiente, elle l’est.
Rien ne lui échappe, le numéro de la séquence à tourner, la plus belle séquence ou la plus drôle, le meilleur jeu d’acteur, l’effet, c’est-à-dire le jour où la nuit, le matin ou le soir, le bruitage, le plan des prises, la valeur du plan, les faux raccords et un petit résumé concernant cette séquence.
«Si un matériel est posé ici, au raccord suivant, elle doit veiller à ce qu’on ne déplace pas ce matériel-là. Pour le raccord de jeu d’acteur, le comédien doit dire presque la même chose et jouer de la même manière », fait remarquer la réalisatrice Habibou Zoungrana. A cela s’ajoutent, la continuité logique du scénario, matérielle et celle du jeu.
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Sa mission ne s’arrête pas là. Pour le rapport production destiné au producteur, Aoua Koussoubé utilise une fiche qui comporte, l’heure de la convocation de l’équipe de tournage, l’heure d’arrivée sur le plateau et les nombres de séquences de la journée. Le producteur du film se base sur cette fiche pour voir le déroulement et l’avancement du plan de tournage.
Il s’agit en fait du rapport post-production dont le but est de faciliter le choix des bonnes prises nécessaires au montage du film.
Méticuleuse et dévouée au travail
Aoua Koussoubé a travaillé, de 2010 à ce jour, avec des figures du 7e art au Burkina telles que Missa Hébié. Aussi, d’autres réalisateurs ainsi que des producteurs sont inscrits dans son répertoire, Abdoulaye Dao, Aziz Nikièma, Bernard Yaméogo, Inoussa Kaboré, Jean Eliote Ilboudo, Mamadou Gnanou, Noraogo Sawadogo, Serge Armel Sawadogo, Tahirou Ouédraogo…
Elle a également mis son savoir-faire au service des réalisatrices Charlotte Cayeux, Irène Tassembédo, Kady Traoré et Kollo Sanou.
Koussoubé a, à son actif plusieurs plateaux. Il s’agit entre autres des longs métrages dont « Le poids du serment », « Le chant des fusils », « Crise conjugale », « Le prix de la séduction », « Thom ».
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Pour les courts métrages, on note « Nassara » et les films de studio école de l’ISIS. Dans le cadre des films de fiction, il y a « Kokoko ! Afferage.com », « A vendre ».
En matière de série-télé, on enregistre « Safarcity », « Secret de l’enveloppe », « Bibata », « Affaires publiques ». On n’oublie pas le sitcom « Vis-à-vis ».
Aujourd’hui, son talent n’est plus à démontrer. « Je crois que j’ai bien compris les exigences de ce métier et je m’y donne au maximum. C’est certainement pour cette raison que je suis sur les différents plateaux », soutient-elle.
Au bout de nombreuses années de sacrifices, ses efforts sont récompensés. Ainsi, en 2020, Aoua Koussoubé est décorée ‘’Chevalier de l’Ordre de mérite des Arts, des Lettres et de la Communication avec agrafe Arts’’. Une distinction à travers laquelle, elle continue de traduire sa reconnaissance à ses supérieurs hiérarchiques.
Selon le monteur Elom Amblesso, Aoua Koussoubé est si méticuleuse qu’elle veut toujours se rassurer du travail bien fait. « On travaillait sur une série de 26 épisodes de 26 minutes. Je l’ai appelée parce que dans les rapports de scripts, je me perdais un peu. On était en avril 2022. Elle m’a situé sur une feuille de décembre 2021 avec une telle précision que j’étais bluffé », se remémore-t-il.
Parfois, elle n’hésite pas à se déplacer en studio afin d’être sûre que tout va bien, précise Elom.
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Comme une lumière qui éclaire la maison, la scripte déblaie le terrain au monteur. A en croire Elom Amblesso, la scripte lui facile la tâche notamment dans le choix des plans de montage. En plus, ses directives lui permettent d’aller vite et bien, d’éviter d’éventuels soucis liés aux raccords, aux ajouts ou aux créations techniques, non énumérées dans le scénario de départ.
Tout comme Elom, Mikael Zombré a cotoyé plus d’une fois, Aoua Koussoubé sur bon nombre de plateaux puisqu’il est réalisateur, producteur et artiste comédien. A ce titre, il a joué dans la série « Députés dans la cité ».
De son avis, la scripte est la mémoire du plateau. Son travail est indispensable pour une réalisation sérieuse. « C’est une dame très gentille que j’apprécie vraiment », lance-t-il.
Déjà en 2010, dans le cadre du tournage du court métrage de fiction « Une si longue attente »; Pétrie d’expériences, dame Koussoubé est sollicitée notamment par Habibou Zoungrana.
Aux dires de la réalisatrice, Aoua Koussoubé est professionnelle, compréhensive, passionnée, dévouée au travail. « Elle est toujours la première sur le plateau et la dernière à partir. Elle m’a été d’un soutien énorme. Elle m’interpellait également sur certains aspects du tournage. Vraiment j’ai aimé la collaboration », mentionne Habibou Zoungrana.
Aoua Koussoubé estime qu’être script nourrit son homme. Mais, souligne-t-elle, « On ne peut pas généraliser car c’est à chacun de bien négocier son contrat ».
Cette dernière précise que le métier de scripte comme les autres métiers du cinéma évolue et reste encadré par des techniques et un savoir-faire professionnel d’où la nécessité de s’adapter impérativement à la technologie.
Aoua Koussoubé met volontiers ses compétences au service des étudiants, certains professionnels du cinéma et marque sa disponibilité dans ce sens, à toute fin utile.
Françoise Tougry