S’il y avait un livre d’or pour les femmes engagées au Burkina Faso, son nom mériterait d’y être gravé. Pouitimba Edith Koira, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a su utilisé tous ses sens de femme, pour se frayer une place dans un monde où celle-ci est toujours reléguée au second rang. Partie à l’école à l’âge de dix ans sans l’autorisation de ses parents, Edith Koira, telle une étoile, a refusé de sombrer . Elle s’est donnée les moyens de briller et son parcours inspire plus d’un. Queen mafa vous invite à déguster le livre intitulé « Pouitimba Edith Koira », dont chaque chapitre constitue une école pour la nouvelle génération.
Invitée par l’initiative Panentugri pour le Bien-être de la femme (IPBF), Pouitimba Edith Koira a pris part au festival féministe de Ouagadougou, tenue du 28 au 30 mars 2023. La soixantaine bien sonnée, de taille moyenne, Edith Koira, dame aimable et loquace, a ébloui les festivalières à travers son parcours éloquent et ses conseils avisés.Consciente des difficultés que rencontrent les femmes sur le chemin de l’engagement politique, elle estime que, partager son expérience est un devoir qu’elle se fait le plaisir de remplir.
Pour bien réussir sa vie associative ou politique, madame Koira a fait recours à la négociation et à l’humilité. « J’interpelle les filles qui veulent s’engager en politique à beaucoup cultiver l’humilité et avoir le sens de la négociation », conseille la doyenne car pour elle, la meilleure manière pour réussir son engagement, c’est de montrer à l’homme que tu t’intéresses à lui. « Cette marque d’attention contribue à ce que l’homme accepte l’engagement de la femme », a-t-elle indiqué.
Et d’ajouter : « Ce n’est pas parce qu’on est occupé qu’on doit tout laisser à la fille de ménage. Il faut trouver du temps pour faire la cuisine et surtout prendre soin de la maison et de la famille ».
Remontée contre l’opinion qui soutient que les femmes engagées sont des révoltées, prêtes à lutter contre les hommes, Edith Koira, éduque par son comportement. Elle ne se fait pas prier pour aider ses semblables et surtout montrer le sens de son engagement. Calme, posée, son parcours inspire plus d’un. Mais qui est réellement Edith Koira ?
Un parcours exceptionnel
Née à Sangha dans la province du Koulpélogo, un village du Burkina Faso, Edith Koira entre à l’école primaire à l’âge de 10 ans. Fille aînée, ses parents analphabètes n’avaient pas l’intention de l’inscrire à l’école.
Mais, telle une étoile qui refuse de sombrer, Edith qui ne supportait pas de rester à la maison et voir ses amies aller à l’école, a décidé de prendre son destin en main. « C’est à la fenêtre que je suivais les cours après avoir fini mes travaux ménagers », se souvient-elle.
C’est ainsi qu’elle se fera remarquer par un enseignant, Oumarou Thiombiano, nom qu’elle ne peut jamais oublier. Ce dernier la conduit auprès du directeur de l’école, monsieur Jean Kaboré qui prend la responsabilité de l’intégrer à l’école à l’insu de ses parents. Il a fallu l’intervention de l’enseignant, qui voyait déjà en elle d’énormes potentialités, pour obliger ses parents à accepter.
C’était ainsi le début d’un parcours scolaire atypique. Son certificat d’Études primaires élémentaires en poche, elle entre au collège Marie-Reine de Tenkodogo d’où elle décroche son diplôme du BEPC après quatre années de dur labeur. Toute chose qui lui ouvre les portes de la fonction publique burkinabè, en tant qu’institutrice.
D’institutrice, elle devient conseillère pédagogique, puis inspectrice de l’enseignement primaire qui est d’ailleurs le grade le plus élevé du métier. Comme dans tout métier, madame Koira a connu des hauts et des bas dans l’exercice de ses fonctions.
En 1984, Edith Koira est licenciée pour participation à une grève des enseignants du primaire. Elle décide de transformer ce temps mort en sa faveur en retournant à l’école à l’âge de 23 ans pour poursuivre le second cycle.
Elle valide la classe de la seconde, puis la première. Cependant, elle n’a pas pu composer le baccalauréat, puisqu’elle sera réintégrée dans l’enseignement au moment où elle se préparait à affronter l’examen.
De retour à la charge, la vaillante dame, décide de passer le test d’entrée spéciale à l’université qui, en son temps était accordé à ceux qui veulent poursuivre les études universitaires et qui n’avaient pas le baccalauréat. Elle intègre ainsi l’université au département de sociologie en 2004.
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Grâce à sa persévérance, elle soutiendra sa maîtrise en 2017, à l’âge de 55 ans. La présidente de l’Initiative Pananetugri pour le bien-être de la Femme, Nathalie Bakyono qui a eu la chance de la rencontrer pendant son parcours universitaire, ne tarit pas d’éloges à son égard. « C’est une dame qui m’a beaucoup influencée. On se retrouvait souvent dans son bureau pour étudier. Bien qu’elle travaillait déjà, elle avait toujours de meilleures notes que nous qui étions étudiantes à temps plein », a-t-elle expliqué.
Edith, une femme engagée
Très engagée dans le social, Edith Koira milite pour la première fois dans l’Association des Etudiants catholique (JEC) depuis le collège. Ensuite, avec d’autres camarades, elle crée l’Association des Ressortissants de la commune de Sangha, dont elle assure la présidence.
Selon elle, l’objectif est de s’occuper du social des ressortissants et surtout de créer un climat de bon vivre ensemble entre l’administration et les gens du village.
C’est d’ailleurs ce combat social qui la conduira vers la politique. En effet, elle fait ses premiers pas en politique avec le parti au pouvoir à l’époque, le Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP) de 2005 où elle est élue conseillère municipale et vice-présidente du conseil régional du Centre-Est en 2005.
Sûre et convaincante, madame Koira entre dans le Conseil national (CN) du parti, puis au Bureau politique national (BPN). Aujourd’hui citée parmi les personnes ressources du pays, Edith Koira a aussi fait ses preuves sur le plan administratif.
D’institutrice, elle occupe le poste de directrice provinciale de l’Education nationale et de l’Alphabétisation du Ganzourgou de 2011 à 2015.
De 2015 à 2021, madame Koira est nommée chef de service de l’encadrement pédagogique des enseignants.
Admise au concours d’inspectrice de l’éducation nationale, elle sera nommée au poste de conseillère technique au ministère en charge du commerce de mai 2021 à juillet 2022 jusqu’à son départ à la retraite en 2022.
Infatigable, Edith Koira continue d’apporter son expertise à la nouvelle génération, à travers des cadres comme le festival féministe et au niveau de son association.
Aminata Ouédraogo (Stagiaire)