Vous êtes l’une des femmes pionnières qui ont occupé de hautes fonctions dans l’administration publique burkinabè au temps de la révolution. Quels souvenirs gardez-vous de ces moments ?
A l’avènement du Conseil national de la Révolution (CNR), le président Thomas Sankara a fait confiance aux femmes en les plaçant à des postes de responsabilités, à des postes de commandement. Au départ, il y avait 25 provinces. Il a donc nommé 25 hauts commissaires et sur ces 25, j’étais la seule femme. Étant la pionnière, il fallait relever ce défi car j’ai senti une très grande responsabilité. La révolution ne devait pas échouer et surtout pas par moi. Si j’échouais, je fermais la porte aux autres femmes. Je me suis donc dite que je n’ai pas le droit d’échouer. C’est ça qui m’a galvanisée pour que je relève le défi à mon poste de commandement.
Si j’échouais, je fermais la porte aux autres femmes
Cela n’a pas été facile parce que le CNR venait de faire tomber un fils de la province du Bam en la personne du président Jean-Baptiste Ouédraogo. Et envoyer une femme haut-commissaire dans cette région était perçue comme une humiliation. Non seulement, on fait tomber leurs fils mais, on envoie « une femme» pour commander les hommes. Il a fallu travailler contre les préjugés. Il a fallu démonter par des actions concrètes que la révolution était venue pour le développement du pays. Ce que mes collègues hommes avaient comme tâches, moi j’en avais le double ou le triple. C’est un défi qui a été relevé. C’est à l’issue de cela que j’ai été appelée aux fonctions de ministre des sports et loisirs. Et là encore, c’était un autre défi à relever parce que c’était la première fois qu’une femme occupait ce poste.
Le 8 mars 1985 a été le départ d’une promotion durable des droits des femmes
Que pouvons-nous retenir de cette grande rencontre des femmes du Burkina autour de la Journée internationale de la Femme en Mars 1985 ?
En 1975, les Nations-Unies ont décrété la journée internationale de la femme. À partir de cette journée, il y a eu l’année de la femme en 1975. Après cette année-là, les Nations-Unies ont décrété la décennie de la femme qui a pris fin en 1985. C’est donc les Nations-Unies qui ont décidé que le 8 mars sera la journée internationale de la femme. Voilà comment est né le 8 mars.
C’est à la fin de cette décennie de la femme que nous avons décidé avec la direction de la mobilisation féminine (DMOF) d’organiser une semaine nationale de la femme qui allait se pencher sur les droits de la femme burkinabè. Cette semaine a été marquée par des journées de réflexions sur des thématiques données. Toutes les commissions ont travaillé sur la situation politique, juridique et socio-économique de la femme pour qu’elle soit visibles dans la sphère politique.
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C’est à partir de cette semaine que nous avons demandé à ce que le 8 mars soit chômé et payé. À la fin de ces travaux de la semaine nationale, nous nous sommes retrouvées à la place de la nation pour décompresser. Nous ne nous sommes pas limités à faire des djanjobas .
Le 8 mars 1985 a été le départ d’une promotion durable des droits des femmes et la plupart de ces droits ont été pris en compte par les politiques sectorielles dans tous les domaines.
Entretien réalisé par Mary Sorgho