Le Burkina Faso enregistre plus d’un million de Personnes Déplacées Internes (PDI). Un phénomène dû à la crise sécuritaire que traverse le pays depuis 2015. Le Jeudi 17 novembre 2022, une équipe de Queen Mafa s’est rendue sur le site de PDI de Kaya, chef- lieu de la région du Centre-Nord, situé à une centaine de km de Ouagadougou pour un entretien avec Fatimata Sodré, personne déplacée interne depuis trois ans.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez depuis que vous êtes arrivés ici ?
La scolarisation de nos enfants, l’alimentation, l’accès l’eau potable ainsi que le logement constituent des sources d’angoisse pour nous. Notre souhait est de pourvoir travailler pour nourrir notre famille.
Depuis combien de temps êtes-vous ici ?
Cela fait trois ans que nous sommes arrivés ici d’Ankoula, un village situé à plus de 150 km d’ici. On n’est pas venu de notre propre gré. Nous sommes venus ici à notre corps défendant. Des individus armés nous ont surpris un matin vers 8h. Tout ce que nous avions comme fortune est resté en brousse. Quand tu vois une personne victime de balle à terre, tu ne cherches plus à rentrer dans la maison à plus forte raison prendre quelque chose. C’est comme ça que nous avons fui de chez nous.
Vous avez pris la fuite. Les femmes étaient-elles aussi des cibles ?
Ils ont leurs cibles principales. Il s’agit de nos époux et jeunes enfants. Ils cherchent à tuer ceux sur qui nous comptons. Ils savent que nous ne sommes rien sans eux. C’est l’avenir du Burkina qu’il cherche à ruiner. Mais arrivés ici, nous avons été bien accueillis. Nous avons à manger à cause des personnes de bonnes volontés. Quand la nourriture est finie, ils nous ont donnés de l’argent pour en payer.
Cet endroit est comme le paradis pour nous malgré tout le suspens qu’il y a.
Vous êtes une famille polygame. Comment se fait le partage de la chambre ?
Notre départ de chez nous a coïncidé avec la covid-19 et ils ont proposé plus de dix personnes par chambre. Nous avons trouvé ça, injuste. Vous dites de ne pas se serrer les mains, de porter les cache-nez et finalement vous nous demandez de partager une chambre avec plus de dix personnes. Tout ça pour se faire contaminer, nous avons alors refusé.
A présent, on partage les chambres avec nos époux et nos enfants. Si le mari est polygame, c’est la jeune mariée qui partage la même chambre que le mari et les autres femmes partagent leur chambre avec leurs enfants. Si l’homme est monogame, quel que soit le nombre d’enfants que vous avez, vous partagez la même chambre aussi.
Pour vous qui êtes mis à l’écart à cause de l’âge, qu’est-ce que cela suscite en vous ?
Nous ne faisons pas de bagarre à cause ça. On est né trouver ce genre de chose. Donc, nous sommes habituées. Le jour où ton époux à envie de toi parce qu’il a suffisamment profité de la plus jeune, il vient tout seul te retrouver là, au milieu de tes enfants.
Comment préservez-vous votre intimité du regard des enfants ?
Nous n’avons pas de solution à ça. Chez nous, les enfants dormaient à part. Mais ici, on ne peut pas avoir suffisamment de maison pour séparer les enfants des parents. D’ailleurs, c’est parce que nous sommes chanceux sinon des gens dorment ailleurs dans des cases sans toit.
C’est un digne fils de chez nous qui nous a amené ici et le gouvernement nous a ensuite aidés.
Les enfants savent ce que nous faisons. Vous les voyez petits mais, ils savent déjà ce qu’est le sexe. Si vous leur donnez l’opportunité d’avoir des copines, d’ici là, elles se retrouveront enceintes car ils voient ce que nous faisons.
Il suffit que les roues d’un engin Explosent et tout le monde devient traumatisé .
Comment appréciez-vous cet endroit ?
Cet endroit est comme le paradis pour nous malgré tout le suspens qu’il y a. Il suffit que les roues d’un engin explosent et tout le monde devient traumatisé. Mais, on est un peu habitué maintenant.
Avez-vous un mot à dire au peuple burkinabè ?
Nous invitons tout le monde à participer à la lutte contre le terrorisme. Tout un chacun de nous peut participer d’une manière ou d’une autre. Ce problème n’est plus une question de genre. C’est un problème des femmes, des hommes et des jeunes. Si nous luttons ensemble et que la paix revient, chacun sera stable. A vous les hommes de média, ne privez-pas les gens de l’information là où il y a la tension ! J’invite tous les journalistes à faire véhiculer le message au maximum.
Abdoulaye Ouédraogo, Stagiaire