La journaliste Mariam Ouédraogo a remporté le grand prix Marie Soleil Frère Minoungou de la meilleure journaliste du Burkina avec son reportage intitulé « Victimes de viols terroristes, des grossesses et des bébés lourds à porter ». L’article qui a obtenu la plus forte moyenne est paru dans le journal Sidwaya 9632 du vendredi 29 avril au lundi 02 mai 2022. Ce 21 octobre, convalescente et conduite à la cérémonie par sa petite sœur pour recevoir son prix, la lauréate s’est prononcée sur son parcours et ses ambitions.
- Voulez-vous que votre fille aussi devienne journaliste ?
Déjà, elle se fait appeler petit nenfant journaliste et elle m’a demandé « Mais maman, ton travail-là, qu’est-ce que tu fais » ? Je lui ai dit que je suis journaliste. Elle m’a dit : « Donc, je suis nenfant journaliste? ». Agée de six ans en classe de CP2, elle se sent déjà dans la peau d’une journaliste puisque à chaque fois quand j’écris, elle est à coté, on échange. Les mots qu’elle ne comprend pas, elle demande. Souvent, je le lui explique. Si elle veut, je ne peux que l‘accompagner.
- Pourquoi écrire des articles sur ces femmes ?
J’ai décidé d’aller voir ce qui se passe sur le terrain et j’ai remarqué qu’elles sont utilisées autrement à travers des viols et comme esclaves sexuels. Elles servaient à d’autres choses. On les violait continuellement et elles étaient laissées à leur merci puisque les hommes ont fui les laisser toutes seules dans ces localités, avec les enfants. Elles peuvent s’estimer heureuses parce qu’elles peuvent avoir la vie sauve contrairement aux autres.
Malheureusement, quand on parle d’actes sexuels non protégés, ce sont des maladies et des grossesses. Il y’en qui aujourd’hui, sont impactées à vie avec des grossesses et des enfants issus des viols, de ceux –là mêmes qui ont assassiné leurs parents, leurs amis, leurs maris, leurs familles, leurs proches et contraint leurs pères et mères à s’exiler dans leur propre pays.
3. Vous comptez présenter ce prix à ceux qui vous ont adressé leur cri de cœur ?
Je vais le faire. Mais, les présenter comme ça, c’est les monter au monde que voici les femmes qui sont victimes alors que je ne voudrais pas que ça se passe comme ça. Je compte le faire. Seulement, la sécurité n’est pas très propice.
- Comment était l’ambiance du travail ?
Ce n’était pas du tout gai, plutôt douloureux. J’ai commencé de décembre 2021 à février 2022. J’ai fait des va-et-vient, des longs séjours de huit à neuf jours par sortie à Kaya. J’ai fait venir d’autres femmes de Barsalogho parce que c’était difficile.
Il y a des moments où on pleure ensemble, on se conseille, on se donne des forces, on s’encourage. J’ai gardé le contact avec elles. Nous sommes une famille maintenant. On s’appelle, on partage ensemble nos soucis, on rigole souvent ensemble. C’est la vie. On doit continuer ensemble.
Le principal risque, c’était ma santé fragile. J’étais déjà malade avant d’aller sur le terrain. J’ai eu à faire des précédents sujets sur le viol des terroristes et la prostitution des femmes déplacées internes. Cela m’a beaucoup affectée. J’ai fait plus de 11 mois d’arrêt de travail. Aujourd’hui, je suis devenue asthmatique à vie. C’est dans ces conditions, entre crise d’asthme et dépression que j’ai réalisé cet article. C’est une série de six articles. Les quatre ont été publiés. J’ai les deux toujours en main.
5. Après avoir remporté ce prix, quelles sont vos perspectives ?
C’est de toujours continuer puisque pour l’instant, je n’ai pas l’âge d’aller à la retraite. C’est de continuer à produire beaucoup de contenus sensibles au genre parce que je porte les lunettes genre, continuer dans cette lancée avec les femmes vulnérables, les victimes, les oubliés de la société. J’ai d’autres actions en vue en décembre et là, je vais prendre en compte les hommes, les femmes et les enfants.
Françoise Tougry